jeudi 8 juin 2023

Jour fixe : les pièces peuvent ne pas être jointes à la copie de l'assignation remise au greffe

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 mai 2023




Cassation


Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 468 FS-B

Pourvoi n° Y 21-20.690




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023


1°/ M. [V] [E] [F],

2°/ Mme [D] [G], épouse [F],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° Y 21-20.690 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige les opposant à la société France titrisation, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages, dénommé Marsollier Mortgages, ayant désigné comme entité en charge du recouvrement la société MCS et associés, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société JP Morgan Bank Dublin Public Limited Company, anciennement dénommée Bear Stearns Bank Public Limited Company sise à [Localité 4] (Irlande), en vertu d'un bordereau de cession de créances en date du 29 avril 2009, défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. et Mme [F], de la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat de la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Durin-Karsenty, Vendryes, M. Waguette, Mme Caillard, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Latreille, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2021), sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société Bear Stearns Bank, aux droits de laquelle est venu le Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages représenté par la société France titrisation, à l'encontre de M. et Mme [F], un juge de l'exécution a ordonné la vente forcée du bien.

2. M. et Mme [F] ont relevé appel de ce jugement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur appel, alors « qu'en cas d'appel d'un jugement d'orientation, la cour est valablement saisie par la remise par voie électronique au greffe de la seule assignation, sans que l'appelant soit tenu de lui remettre également la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe, l'ordonnance du premier président et la déclaration d'appel, lesquels constituent des documents distincts de l'assignation ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'appel des époux [F], que l'assignation remise était incomplète dès lors qu'elle ne comprenait ni la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, ni l'ordonnance du premier président, ni une copie de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 920, 922 et 930-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 922 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte du premier de ces textes que dans la procédure d'appel à jour fixe, la cour d'appel est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration d'appel est caduque.

5. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit d'accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire ». Toutefois, le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Cette réglementation par l'État peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Zubac c/ Croatie, requête n° 40160/12, 5 avril 2018).

6. La question posée par le moyen est celle de savoir si l'article 922 du code de procédure civile, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, impose ou non, pour que la cour d'appel soit saisie, que soient jointes à la copie de l'assignation les copies de la requête, de l'ordonnance du premier président et un exemplaire de la déclaration d'appel.

7. En application de l'article 918 du code de procédure civile, la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe doit être remise au premier président pour être versée au dossier de la cour. L'ordonnance signée et datée du premier président figure au dossier de la procédure (2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 19-19.258 et n° 19-19.259).

8. L'article 922 du code de procédure civile, quant à lui, a pour seul objet d'énoncer les formalités nécessaires à la saisine de la cour d'appel, celle-ci, devant être saisie par la remise d'une copie de l'assignation.

9. Il en résulte que l'article 922 du code de procédure civile n'impose pas que soient jointes à la copie de l'assignation remise au greffe, les pièces, destinées à l'information de l'intimé, mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile.

10. Toute autre interprétation constituerait une entrave disproportionnée à l'accès au juge en méconnaissance de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que la cour d'appel n'a pas été valablement saisie par le dépôt au greffe d'une copie complète de l'assignation faute de comprendre la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, de l'ordonnance du premier président et d'une copie de la déclaration d'appel.

12. En statuant ainsi, en déclarant l'appel irrecevable, alors, d'une part, que la cour est valablement saisie par la remise de la seule copie de l'assignation, sans qu'il soit nécessaire d'y joindre les copies mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile, d'autre part, que l'absence de remise de cette assignation est sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée .

Condamne la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages et la condamne à payer à M. et Mme [F] la somme globale de 3 000 euros ;

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