jeudi 31 août 2017

Subrogation de la caution dans les droits et actions du sous-traitant

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 18 mai 2017
N° de pourvoi: 16-10.719
Publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Le Griel, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 octobre 2015), que la société Vauban développement réalisations (Vauban) a confié l'aménagement d'un parc d'activités à la société EM2C construction Sud-Est (EM2C), qui a sous-traité des travaux à la société Sacer Sud-Est (Sacer), aux droits de laquelle vient la société Colas Midi Méditerranée (Colas) ; que, l'entrepreneur principal ayant été placé sous procédure de sauvegarde, le sous-traitant a assigné, en sa qualité de caution, la Société générale qui a appelé en garantie le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur principal représenté par ses mandataires ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal du sous-traitant et le premier moyen du pourvoi incident du maître de l'ouvrage, réunis :

Attendu que le sous-traitant et le maître de l'ouvrage font grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours subrogatoire de la Société générale et de condamner la société Vauban à payer à la banque la somme de 131 085,69 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que suivant l'article 2036 du code civil, la caution qui a payé le débiteur n'est subrogée que dans les droits qu'avait le créancier contre son débiteur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant que la banque avait, suivant ses propres constatations, fourni le cautionnement de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 au sous-traitant, et exerçait son recours subrogatoire contre, non pas le sous-traitant, débiteur principal, mais contre le maître de l'ouvrage, qui n'était pas le débiteur garanti, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 ;

2°/ que la banque qui a fourni la caution exigée par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 et a payé le sous-traitant, n'acquiert pas, par l'effet de la subrogation, l'action directe en paiement contre le maître de l'ouvrage, garantie de paiement exclusivement réservée au sous-traitant ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé la disposition susvisée, ensemble l'article 1251, 3° du code civil ;

3°/ que pour être recevable à exercer l'action directe en paiement, le sous-traitant doit avoir été accepté et ses conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage, ces deux conditions étant cumulatives ; que si l'acceptation et l'agrément peuvent être tacites, ils doivent résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté du maître de l'ouvrage d'accepter le sous-traitant et d'agréer ses conditions de paiement ; que la simple connaissance par le maître de l'ouvrage de l'existence d'un sous-traitant ne suffit pas à caractériser cette volonté ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir une prétendue acceptation tacite du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, sur la simple connaissance qu'avait eue ce dernier du contrat de sous-traitance par suite d'une mise en demeure de l'entrepreneur principal par le sous-traitant, la cour d'appel a violé les articles 3 et 12 de la loi du 31 décembre 1975 ;

4°/ qu'en se fondant néanmoins, pour retenir une acceptation tacite du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, sur des lettres du maître de l'ouvrage indiquant au sous-traitant, à réception d'une copie de la mise en demeure de l'entrepreneur principal, qu'il mettait quant à lui en demeure ce dernier de faire accepter son intervention et agréer ses conditions de paiement, cependant que de tels documents n'attestaient pas des actes manifestant sans équivoque la volonté du maître de l'ouvrage une fois que l'entrepreneur principal aurait accompli ses obligations légales et l'aurait mis en mesure de s'exprimer sur l'intervention et les conditions de paiement du sous-traitant, la cour d'appel a violé derechef les textes précités ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le maître de l'ouvrage avait eu connaissance du contrat de sous-traitance par la mise en demeure du 30 septembre 2009 et qu'à cette date il avait bloqué les sommes restant dues à l'entrepreneur principal, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'après acceptation tacite du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, la banque, qui avait fourni le cautionnement prévu à l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, était subrogée, après paiement, dans les droits et actions du sous-traitant et fondée à exercer l'action directe dont disposait celui-ci contre le maître de l'ouvrage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal du sous-traitant et le second moyen du pourvoi incident du maître de l'ouvrage, réunis, ci-après annexés :

Attendu que la société Colas et la société Vauban font grief à l'arrêt de condamner celle-ci à payer à la Société générale la somme de 131 085,69 euros ;

Mais attendu que, la société Colas n'ayant pas soutenu devant les juges du fond que le recours subrogatoire de la Société générale viendrait en conflit avec un recours personnel qu'elle aurait elle-même formé contre la société Vauban, ou que cette société restait lui devoir une certaine somme, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et, partant, irrecevable ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la banque :

Attendu que la Société générale fait grief à l'arrêt de condamner la société Vauban à lui payer la seule somme de 131 085,69 euros, alors, selon le moyen, que les obligations du maître de l'ouvrage sont limitées à ce qu'il doit encore à l'entrepreneur principal, à la date de réception de la copie de la mise en demeure prévue à l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 ; qu'il n'est établi, à cet égard, aucune distinction suivant l'origine des prestations fournies au titre du marché principal ; qu'en excluant en conséquence de l'assiette du recours de la Société générale les sommes versées par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal, postérieurement à la réception de la mise en demeure susvisée, au motif que ces sommes avaient été payées en exécution d'un contrat distinct du marché sous-traité, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi du 31 décembre 1975 ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'entrepreneur principal avait reçu en paiement du maître de l'ouvrage la somme totale de 335 292,09 euros entre le 16 octobre 2009 et le 22 septembre 2010 et que les autres paiements effectués par le maître de l'ouvrage correspondaient aux sommes payées en exécution d'un contrat de maîtrise d'oeuvre conclu le 30 juillet 2007 avec la société EM2C, la cour d'appel a pu en déduire que l'assiette de l'action directe du sous-traitant était limitée au marché pour lequel il était intervenu et décider que la Société générale n'était pas fondée à réclamer les sommes payées en exécution d'un contrat distinct du marché sous-traité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

mercredi 30 août 2017

Elément d'équipement inerte posé sur existant et impropriété à la destination

Voir  :
- François-Xavier AJACCIO : bulletin assurances 272, sept. 2017 EL, p. 6.
- note Malinvaud, RDI 2017, p. 483
Note Pagès de Varenne, Constr.-urb. 2017-10, p. 25.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 29 juin 2017
N° de pourvoi: 16-16.637
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 février 2016), que la société Balp, qui exploite des locaux commerciaux, a confié à la société Sunset agencement et travaux (société Sunset) la pose d'un revêtement de sol ; que, se plaignant de désordres, la société Balp a assigné la société Sunset, aujourd'hui en liquidation judiciaire, et son assureur, la MAAF, en paiement du coût des travaux de reprise et en indemnisation de ses préjudices ;

Attendu que la MAAF fait grief à l'arrêt de dire que les désordres engagent la responsabilité décennale de la société Sunset et de la condamner à garantir cette société et à payer diverses sommes ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les désordres affectant le revêtement de sol, élément d'équipement des locaux, consistaient, notamment, en des poinçonnements au droit des points d'appui des meubles, des défauts d'adhérence se matérialisant par un cloquage, des dégradations mécaniques du revêtement, et des défauts d'adhérence, et souverainement retenu que ces différentes dégradations, incompatibles avec la nécessité de procéder au déplacement des meubles, de les mettre en valeur et d'offrir aux clients potentiels un cadre attractif pour inciter à leur achat, rendaient ces locaux impropres à leur destination, la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs que ces désordres engageaient la responsabilité décennale de la société Sunset ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société MAAF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la MAAF et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Balp ;

jeudi 10 août 2017

Comment conclure devant la cour d'appel à compter du 1er septembre 2017

Formule Laffly, Procédures 2017-7/8, p. 39.

Répartition des compétences entre le CME et la Cour d'appel

Note Croze, Procédures 2017-7/8, p. 10, sur cass. n° 16-14.868, 15-27.467 et 16-15.720. Voir nouvel art. 914 CPC.

Appel du jugement sur la compétence : un nouveau jour fixe imposé

Etude Ch. Laporte, Procédures, 2017-8/9, p. 5.

Faut-il modifier certaines formules d'assignations ?

Focus Ch. Laporte, Procédures, 2017-8/9, p. 3

Le grand chambardement climatique et la transition énergétique

Etude Thieffry, AJDA 2017, p.  1598.
Nouvelle procédure d’appel : Précisions publiées dans un décret



Le décret n°2017-1227 du 2 août 2017 modifiant les modalités d'entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile a également été publié le même jour, le 4 août 2017.



Il rectifie une omission dans les dispositions de coordination du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 précité relatives aux exceptions d'incompétence, afin qu'en cas de renvoi pour cause de suspicion légitime, soient rendues applicables les nouvelles règles de renvoi à la juridiction désignée.



Il procède ensuite à une modification de l'entrée en vigueur de certaines dispositions du décret du 6 mai dernier et lève une ambiguïté en prévoyant que les articles 1er et 2 dudit décret entrent en vigueur le 1er septembre 2017 et s'appliquent aux décisions rendues à compter de cette date.



En outre, il opère un report de l'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'effet dévolutif de l'appel ainsi que de celles qui modifient les règles de forme et les délais assortis de sanctions, en prévoyant qu'elles sont applicables aux appels formés à compter toujours du 1er septembre 2017. De plus, afin de sécuriser l'application dans le temps des règles relatives au renvoi après cassation, les dispositions réduisant la durée de saisine s'appliquent aux arrêts de cassation notifiés à compter de la même date. Les dispositions encadrant la procédure sur renvoi dans des délais impératifs s'appliquent aux instances consécutives à un renvoi après cassation lorsque la juridiction de renvoi est saisie à compter, également, du 1er septembre 2017.



Les nouvelles règles régissant la radiation du premier jugement pour inexécution sont réservées aux demandes de radiation formées également à compter de la même date.



Enfin, une précision est apportée quant à l'entrée en vigueur de la disposition prévoyant une interruption du délai de recours en cas de procédure collective.




Réforme responsabilité civile - devoir de vigilance des sociétés mères et des donneurs d'ordre

Chroniques :

- Danis-Fantôme et Viney, D. 2017, p. 1610,
- Boucobza et Serinet, D. 2017, p. 1619.

Le mariage à trois et la contractualisation

Point de vue, X. Labbée, D. 2017, p. 1608.

samedi 5 août 2017

Prescription - effet suspensif du référé

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 6 juillet 2017
N° de pourvoi: 16-17.151
Publié au bulletin Cassation

M. Chauvin (président), président
SCP Gadiou et Chevallier, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu les articles 2 et 2239 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 mars 2016), que, le 6 juillet 2004, la société d'exploitation de prêt à porter, locataire de locaux à usage commercial appartenant à la société Saint-Ferréol, a demandé le renouvellement de son bail, ce que celle-ci a accepté moyennant une augmentation du loyer ; que, par acte du 5 février 2008, la société Saint-Ferréol a exercé son droit d'option et refusé le renouvellement du bail avec offre de payer une indemnité d'éviction, puis, le 27 mai 2008, a sollicité, en référé, la désignation d'un expert pour évaluer l'indemnité d'éviction ; qu'une ordonnance de référé du 11 août 2008 a prescrit une expertise ; que l'expert a déposé son rapport le 4 octobre 2011 ; que, le 4 avril 2012, la société d'exploitation de prêt à porter a assigné la société Saint-Ferréol en paiement d'une indemnité d'éviction ;

Attendu que, pour déclarer cette action prescrite, l'arrêt retient que l'action en référé, ayant été introduite avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, a produit ses effets de droit sous le régime juridique qui était applicable lors de l'introduction de l'instance et qu'en vertu de l'article 2244 du code civil alors applicable, l'assignation en référé n'interrompait la prescription que pendant I'instance, à laquelle il était mis fin par l'ordonnance désignant l'expert ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 2239 du code civil, issues de la loi du 17 juin 2008, qui attachent à une décision ordonnant une mesure d'instruction avant tout procès un effet suspensif de la prescription jusqu'au jour où la mesure a été exécutée, s'appliquent aux décisions rendues après l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel, qui a constaté que l'ordonnance de référé ayant accueilli la demande d'expertise avait été rendue le 11 août 2008, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Saint-Ferréol aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Saint-Ferréol et la condamne à payer à la Société d'exploitation de prêt-à-porter la somme de 3 000 euros ;

vendredi 4 août 2017

Limites de l'obligation de résultat du sous-traitant

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 13 juillet 2017
N° de pourvoi: 16-18.136
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Rousseau et Tapie, SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 janvier 2016), que le conseil général de l'Essonne, maître de l'ouvrage, a, pour la réalisation des travaux d'élargissement d'une route départementale, confié à la société Razel la réalisation d'un tunnel comportant trois passages ; que celle-ci a sous-traité à la société Matière, la fourniture et la pose des ouvrages préfabriqués constituant les parois de l'ouvrage ; que, pour assurer leur étanchéité, le sous-traitant a posé une membrane fournie par la société Afitex, dont les soudures ont été effectuées par la société GEOBTP ; que, la société Razel a procédé au remblaiement et à la pose d'une grave pour alourdir l'ouvrage ; qu'à l'issue de ces travaux, des fuites étant apparues, à hauteur de certains joints, la société Razel a assigné les sociétés Matière et GEOBTP en paiement du coût des joints hydro-gonflants qui ont remédié aux désordres ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu que la société Razel fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que, si le sous-traitant, tenu à une obligation de résultat contractuelle, doit exécuter correctement les ouvrages commandés, cette obligation ne le contraint pas à répondre de dégâts causés par des tiers ou par son cocontractant et relevé que la société Razel n'avait pas appelé à l'instance le fournisseur de la bâche, avait constaté le caractère apparemment satisfaisant du travail de la société Matière et avait réalisé d'importants travaux de remblaiement sur ce revêtement avec des engins de chantier, la cour d'appel a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que la société Razel n'établissait pas que les travaux réalisés par la société Matière ne satisfaisaient pas, au moment de leur livraison, à l'obligation de résultat à laquelle elle était tenue et que les désordres lui étaient imputables ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Razel aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Razel et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Matière ;

Pas de responsabilité décennale en cas de connaissance parfaite du vice par le maître de l'ouvrage

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 13 juillet 2017
N° de pourvoi: 16-18.107
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte à M. et Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il dirigé contre la société Comasud ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 mars 2016), que M. et Mme X... ont confié à la société Duvernay TP (l'EURL) des travaux d'extension de la plage de leur piscine, comprenant la création d'une dalle en béton sur un remblai, la couverture de cette dalle par la pose collée de carreaux, la pose de margelles et de balustres, fournis par la société Comasud, exerçant sous l'enseigne Point P Provence ; que la facture établie par l'EURL d'un montant de 20 343,96 euros a été intégralement payée ; qu'invoquant un basculement du sol de la plage de la piscine, M. et Mme X... ont assigné l'EURL et son assureur, les MMA, en indemnisation de leur préjudice ; que l'EURL a appelé en garantie la société Comasud ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées contre l'EURL et les MMA ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la connaissance par M. et Mme X... du vice affectant l'ouvrage était d'autant plus aiguë que l'entreprise Duvernay était déjà intervenue pour des travaux de reprise, s'agissant d'un seul et même vice, l'instabilité du remblai avec tassement, avant l'édition et le paiement de la facture finale, la cour d'appel, qui a pu en déduire que cette connaissance du vice faisait obstacle à la garantie décennale, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel :

Rejette les pourvois ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

jeudi 3 août 2017

Manquements du maître d'oeuvre à son devoir de conseil dans une opération complexe

Note Boubli,  RDI 2017, p. 533.
Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 13 juillet 2017
N° de pourvoi: 16-15.540
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boulloche, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Jean-Philippe Caston, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2015), que l'Institut Gustave Roussy a entrepris des travaux dans un hôpital sous la maîtrise d'oeuvre d'un groupement composé notamment des sociétés Architectes et ingénieurs associés (AIA), Ingerop, assurée par la société Allianz, et Cera ingénierie, devenue AIA ingénierie ; que la société Copibat, aux droits de laquelle vient la société Egis bâtiment management (Egis), a reçu une mission d'ordonnancement, pilotage, coordination (OPC) ; que la société Hervé, chargée du lot " gros oeuvre et démolitions ", a, après expertise, assigné l'Institut Gustave Roussy et les sociétés Ingerop, AIA architectes, Cera et Copibat en paiement des coûts supplémentaires liés à la prolongation des délais ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Egis, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que la société Egis fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec les sociétés AIA architectes, AIA ingénierie, Ingerop et Allianz, à payer la somme de 417 070 euros à la société Hervé et de dire que la responsabilité lui en incombait à hauteur de 55 %, alors, selon le moyen :

1°/ que les différents entrepreneurs, liés au maître de l'ouvrage par des conventions distinctes, sont des tiers dans leurs rapports entre eux et peuvent engager l'un à l'égard de l'autre une action en responsabilité délictuelle, ce qui suppose la démonstration d'une faute et d'un lien de causalité entre celle-ci et le dommage en résultant ; qu'en condamnant la société Egis, in solidum avec les maîtres d'oeuvre, à indemniser l'intégralité du dommage subi par la société Hervé résultant d'un retard d'environ quatre mois dans l'exécution de son marché, en ce qu'elle avait commis divers manquements dans l'accomplissement de sa mission, quand ces manquements n'étaient pas à l'origine du dommage invoqué par la société Hervé, lequel était imputable à divers aléas ayant perturbé le démarrage des travaux, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil ;

2°/ qu'une partie ne peut être condamnée in solidum avec d'autres à indemniser entièrement un dommage que si elle a concouru à le réaliser dans son entier ; qu'au demeurant, en condamnant la société Egis, in solidum avec les maîtres d'oeuvre, à indemniser la société Hervé du préjudice subi du fait du retard d'environ quatre mois dans l'exécution de son marché, quand ce retard était dû à des aléas ayant affecté le démarrage du chantier, de telle sorte que les fautes de la société Copibat, à les supposer avérées, n'avaient pu contribuer à la réalisation de l'entier dommage, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le début du chantier avait été retardé par des aléas extérieurs aux parties, non imputables au maître de l'ouvrage, que, le calendrier initial étant devenu périmé, il incombait aux maîtres d'oeuvre et à la société Copibat, chargée de la mission OPC, de recommander au maître d'ouvrage de recaler le planning et de renoncer au délai d'exécution global de quarante-deux mois rendu impossible, retenu que les maîtres d'oeuvre et la société chargée de la mission OPC avaient laissé le maître de l'ouvrage conclure des marchés par corps d'état séparés, alors que seul le choix d'un marché global conclu avec une entreprise générale faisant appel à des sous-traitants aurait permis un bon déroulement du chantier et de la planification des tâches, et que la société Copibat, qui avait établi plusieurs calendriers contenant parfois des informations inadéquates ou indigentes, sans jamais les actualiser, avait manqué de réactivité face aux aléas et constaté que le retard global avait causé un préjudice à la société Hervé, la cour d'appel a pu en déduire que les défaillances fautives des sociétés AIA architectes et AIA ingénierie et de la société Copibat avaient ensemble contribué à la survenance du même dommage subi par la société Hervé et que leur responsabilité était engagée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Egis, pris en ses troisième à septième branches, le moyen unique du pourvoi incident des sociétés Ingerop et Allianz, pris en ses troisième à septième branches, et le moyen unique du pourvoi incident de la société Hervé, pris en ses quatrième à sixième branches, réunis :

Attendu que les sociétés Egis, Ingerop, Allianz et Hervé font grief à l'arrêt d'écarter toute faute de l'Institut Gustave Roussy, alors, selon le moyen :

1°/ que le maître d'ouvrage peut engager sa responsabilité envers l'entrepreneur en raison de sa faute, quand bien même il ne serait pas notoirement compétent ; qu'en jugeant également que l'Institut Gustave Roussy ne pouvait être reconnu responsable du préjudice subi par la société Hervé en ce qu'il n'était pas notoirement compétent, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil ;

2°/ que les juges ne sauraient dénaturer les documents de la cause ; qu'au demeurant, en retenant, pour dire que l'Institut Gustave Roussy ne disposait pas de compétence notoire en matière de construction, que s'il avait été assisté par la société Hospiconseil, l'intervention de cette dernière s'était arrêtée au stade de l'avant-projet sommaire, quand le cahier des clauses administratives particulières indiquait que cette société avait reçu une « mission d'assistance générale à la maîtrise d'ouvrage », et précisait qu'elle était « aux côtés du maître d'ouvrage » et « l'interlocuteur privilégié de l'ensemble des intervenants », la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Egis faisait notamment valoir que les pièces du marché conclu avec l'Institut Gustave Roussy se référaient au décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 pris pour l'application de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 et relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé et que, selon l'article 2- I de cette loi, il était responsable de la programmation de l'opération, ce dont il était déduit qu'il avait commis une faute pour avoir modifié le programme des travaux à de multiples reprises, y compris après leur démarrage ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la société Egis faisait aussi valoir, dans ses écritures d'appel, que l'Institut Gustave Roussy avait commis une faute tenant à une vérification insuffisante des données du terrain de l'opération en ce qui concernait l'implantation des réseaux et la présence de terres polluées, circonstances découvertes après le début du chantier ayant nécessité des travaux modificatifs ; qu'en ne répondant pas plus à ce moyen, lui-même opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la société Egis soutenait encore, dans ses conclusions, que l'Institut Gustave Roussy était pareillement fautif pour n'avoir notifié son marché à la société Hervé que le 18 décembre 2002, quand le début du délai contractuel était fixé au 12 novembre 2002, et en n'ayant pas mis en oeuvre son pouvoir coercitif à l'égard de cette société qui, pendant la période de préparation du chantier, avait refusé de transmettre les éléments nécessaires à la préparation d'un calendrier détaillé d'exécution des travaux ; qu'en laissant également sans réponse ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que le maître de l'ouvrage peut engager sa responsabilité envers l'entrepreneur en raison de sa faute, quand bien même il ne serait pas notoirement compétent ; qu'en affirmant néanmoins que l'Institut Gustave Roussy ne pouvait être reconnu responsable du préjudice subi par la société Hervé en ce qu'il n'était pas notoirement compétent, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

7°/ que les juges ne sauraient dénaturer les documents de la cause ; qu'en toute hypothèse, en retenant, pour dire que l'Institut Gustave Roussy ne disposait pas de compétence notoire en matière de construction, que s'il avait été assisté par la société Hospiconseil, l'intervention de cette dernière s'était arrêtée au stade de l'avant-projet sommaire, cependant que l'article 1. 3. 2 du CCAP stipulait que cette société avait reçu une « mission d'assistance générale à la maîtrise d'ouvrage », et précisait qu'elle était « aux côtés du maître d'ouvrage » et « l'interlocuteur privilégié de l'ensemble des intervenants », la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a violé l'article 1134 du code civil ;

8°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Hervé soutenait que les pièces du marché conclu avec l'Institut Gustave Roussy se référaient à la loi dite « MOP » n° 85-704 du 12 juillet 1985 et relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé si bien que, selon l'article 2-1 de cette loi, il était responsable de la programmation et de l'évolution de l'opération, ce dont il était déduit qu'il avait commis une faute pour avoir modifié le programme des travaux à de multiples reprises, y compris après leur démarrage et avoir refusé à tort de « recaler » le planning des travaux ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

9°/ que, subsidiairement, le maître d'ouvrage peut engager sa responsabilité envers l'entrepreneur en raison de sa faute, quand bien même il ne serait pas notoirement compétent ; qu'en jugeant que l'IGR ne pouvait être reconnu responsable du préjudice subi par la société Hervé en ce qu'il n'était pas notoirement compétent, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

10°/ qu'à titre également subsidiaire, il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'IGR ne disposait pas de compétence notoire en matière de construction, que s'il avait été assisté par la société Hospiconseil, l'intervention de cette dernière s'était arrêtée au stade de l'avant-projet sommaire, tandis que le cahier des clauses administratives particulières indiquait que cette société avait reçu une « mission d'assistance générale à la maîtrise d'ouvrage », et précisait qu'elle était « aux côtés du maître d'ouvrage » et « l'interlocuteur privilégié de l'ensemble des intervenants », la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a violé l'article 1134 du code civil ;

11°/ qu'en outre, le maître de l'ouvrage public, lorsqu'il confie une mission de maîtrise d'oeuvre à des prestataires de droit privé, demeure responsable de la programmation de l'opération et des conséquences qui y sont attachées ; qu'en ne recherchant pas si l'IGR avait commis une faute ayant contribué à son dommage en modifiant à plusieurs reprises le programme des travaux, y compris après leur démarrage, la cour d'appel a violé les article 2 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 et 1382 du code civil ;

12°/ qu'au surplus, il appartient au maître de l'ouvrage public, lorsqu'il confie une mission de maîtrise d'oeuvre à des prestataires de droit privé, de s'assurer préalablement de la faisabilité et de l'opportunité de l'opération envisagée et d'en déterminer la localisation ; qu'en ne recherchant pas si l'IGR avait commis une faute ayant contribué à son dommage en ne procédant pas à une vérification suffisante des données du terrain de l'opération en ce qui concernait l'implantation des réseaux et la présence de terres polluées, circonstances découvertes après le début du chantier et ayant nécessité des travaux modificatifs, la cour d'appel a violé les articles 2 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 et 1382 du code civil ;

13°/ qu'enfin, et subsidiairement, en ne recherchant pas si l'IGR avait commis une faute ayant contribué à son dommage pour n'avoir notifié son marché à la société Hervé que le 18 décembre 2002, tandis que le début du délai contractuel avait été fixé au 12 novembre 2002, et pour n'avoir pas mis en oeuvre son pouvoir coercitif à l'égard de cette société qui, pendant la période de préparation du chantier, avait refusé de transmettre les éléments nécessaires à la préparation d'un calendrier détaillé d'exécution des travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé, d'une part, que l'Institut Gustave Roussy, assisté de la société Hospiconseil, avait engagé, grâce à celle-ci, un processus approprié aux objectifs de cette opération de construction exceptionnelle et complexe, à savoir une procédure de marchés consistant à commander à plusieurs équipes de maîtrise d'oeuvre une recherche des solutions répondant aux objectifs fixés et des études relatives à la programmation complète de la future opération, d'autre part, que les maîtres d'oeuvre et la société Copibat, qui assistaient le maître de l'ouvrage, ne l'avaient pas informé de la nécessité de remplacer les calendriers périmés par de nouveaux calendriers pour notifier aux entreprises les nouveaux ordres de services, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire, sans dénaturation, que les responsabilités des maîtres d'oeuvre et de la société Egis étaient seules engagées envers la société Hervé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident des sociétés Ingerop et Allianz, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que les sociétés Ingerop et Allianz font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec les sociétés Egis, AIA architectes, et AIA ingénierie, à payer la somme de 417 070 euros à la société Hervé et de dire que, dans les rapports entre co-responsables, la responsabilité leur en incombait à hauteur de 15 %, alors, selon le moyen :

1°/ que la mission d'organisation, de pilotage et de coordination, dite OPC, relève de la maîtrise d'oeuvre et consiste dans l'établissement d'un calendrier d'exécution des travaux et la coordination de leur avancement afin de respecter le délai prévu au marché ; que, lorsque le maître de l'ouvrage a choisi de dissocier la maîtrise d'oeuvre générale de la coordination OPC, le maître d'oeuvre ne saurait être tenu des obligations du coordinateur OPC, dont ce dernier doit répondre seul ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, d'une part, qu'il incombait aux maîtres d'oeuvre de relever les insuffisances des deux plannings établis par la société Copibat pour inviter le maître de l'ouvrage à rappeler à l'OPC ses obligations, d'autre part, qu'une faute avait été commise en rédigeant le CCAP de manière imprécise et contradictoire sur le calendrier des travaux et qu'enfin les maîtres d'oeuvre auraient dû préconiser à leur client, au regard des manquements de la société Copibat, de renoncer au délai d'exécution initial ; qu'en reprochant ainsi aux maîtres d'oeuvre de n'avoir pas vérifié la qualité des plannings de la société Copibat afin de mettre en garde le maître de l'ouvrage sur leur caractère impraticable, tandis qu'une telle obligation ne leur incombait pas, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que seul le dommage en lien de causalité avec une faute est de nature à engager la responsabilité de l'auteur de cette faute ; qu'en l'espèce, la société Ingerop et la société Allianz faisaient valoir que le retard de quatre mois subi par la société Hervé résultait à la fois d'aléas de chantier qui étaient imprévisibles et de fautes commises par la société Cofibat dans l'exécution de sa mission OPC ; que, pour retenir la responsabilité des maîtres d'oeuvre, dont la société Ingerop, la cour d'appel a considéré, par motifs propres et adoptés, qu'il incombait aux maîtres d'oeuvre de relever les insuffisances des deux plannings établis par la société Copibat pour inviter le maître de l'ouvrage à rappeler à l'OPC ses obligations et qu'une faute avait été commise en rédigeant le CCAP de manière imprécise et contradictoire sur le calendrier des travaux, et que les maîtres d'oeuvre auraient dû préconiser à leur client, au regard des manquements de la société Copibat, de renoncer au délai d'exécution initial ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les manquements reprochés aux maîtres d'oeuvre étaient postérieurs à la période de juin à septembre, seule retenue au titre du retard indemnisable, de sorte que ces manquements, à les supposer caractérisés, n'étaient pas à l'origine du retard indemnisable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'Institut Gustave Roussy avait confié la maîtrise d'oeuvre complète à un groupement composé des sociétés AIA architectes, AIA ingénierie et Ingerop et une mission OPC à la société Copibat et retenu que les défaillances des sociétés AIA architectes, AIA ingénierie, Ingerop, d'une part, et de la société Copibat, d'autre part, avaient contribué, ensemble, à la survenance du dommage subi par la société Hervé, la cour d'appel a pu en déduire que la société Ingerop avait commis une faute dans une proportion qu'elle a souverainement appréciée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Hervé, pris en ses première, deuxième et troisième branches :

Attendu que la société Hervé fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'institut Gustave Roussy à lui payer les sommes de 6 974, 09 euros et de 20 570 euros en paiement des travaux modificatifs et supplémentaires, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut dénaturer l'objet du litige tel qu'il résulte des prétentions des parties ; que, dans ses conclusions récapitulatives, la société Hervé invoquait expressément l'article 4. 3 du CCAP qui la liait au maître de l'ouvrage, l'Institut Gustave Roussy, aux termes duquel ce dernier se réservait le droit d'apporter des modifications au cours de l'exécution des travaux, lesquelles seraient décidées par ordres de service signés et notifiés par le maître de l'ouvrage, pour en déduire que le marché en cause ne présentait pas un caractère forfaitaire ; qu'elle ajoutait que l'article 2. 52 du CCAG confirmait le caractère unilatéral des modifications, dès lors qu'il prévoyait qu'en principe, l'entrepreneur devait se conformer strictement aux ordres de service qui lui étaient notifiés par le maître de l'ouvrage ; qu'en affirmant que la société Hervé se référait au CCAG pour contester l'article 4. 3 du CCAP, et en en déduisant qu'en raison de son positionnement normatif subordonné dans les pièces contractuelles, le CCAG ne pouvait servir de justificatif pour obtenir l'annulation des dispositions stipulées dans des documents ayant une force contractuelle supérieure, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour écarter le bouleversement de l'économie du contrat litigieux, l'arrêt attaqué a retenu que la cour d'appel n'étant saisie que des étapes 0 et 1 du chantier, elle n'en avait pas une vision globale de nature à faire apparaître le bouleversement général invoqué ; qu'en relevant ce moyen d'office, sans le soumettre à la discussion des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que caractérise un bouleversement de l'économie du contrat justifiant que les termes du marché à forfait soient écartés les modifications apportées par le maître de l'ouvrage en cours de travaux d'une importance telle que les prévisions du projet initial sont déjouées ; qu'en se bornant à examiner l'incidence des aléas rencontrés par la société Hervé en cours d'exécution du marché pour écarter un bouleversement de l'économie du contrat, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les très nombreuses modifications imposées par le maître de l'ouvrage, notamment par voie de fiches de travaux modificatifs du plan arrêté et convenu, n'avaient pas été d'une importance telle qu'elles avaient fait disparaître la notion même de forfait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1793 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, sans modifier l'objet du litige ni violer le principe de la contradiction, que les références aux CCAP et CCAG avaient une valeur supplétive par rapport au marché et que la société Hervé avait supporté un coût supplémentaire au cours des étapes 0 et 1 du chantier, en raison d'aléas dont elle a apprécié l'importance et le surcoût, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu en déduire que les modifications, représentant 4, 5 % du montant du marché, n'étaient pas d'une ampleur justifiant un bouleversement de l'économie du contrat et la sortie du forfait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Hervé, pris en ses septième et huitième branches, ci-après annexé :

Attendu que la société Hervé fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'Institut Gustave Roussy à lui payer les sommes de 6 974, 09 euros et de 20 570 euros, en paiement des travaux modificatifs et supplémentaires ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les maîtres d'oeuvre et le professionnel investi d'une mission OPC n'avaient pas informé l'Institut Gustave Roussy de la nécessité impérative de modifier le calendrier en raison d'imprévus survenus en cours de chantier, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a pu ne pas retenir la responsabilité de l'Institut Gustave Roussy sur ce point et limiter les condamnations ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Assurance construction - référé - direction de la procédure - portée

Note Pagès de Varenne, Constr.-urb. 2017-10, p. 24.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 13 juillet 2017
N° de pourvoi: 16-19.821
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvin (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ohl et Vexliard, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 113-17 du code des assurances, ensemble l'article 1792-7 du code civil et les articles 808 et 809 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 février 2016), rendu en référé, que le GAEC des Vallées (le GAEC) a confié à la société Piot services la réalisation d'une plate-forme de traite ; qu'invoquant des dysfonctionnements de l'installation et sa dangerosité, le GAEC a, après expertise, assigné en référé la société Piot services en paiement d'une provision de 326 000 euros hors taxes aux fins d'installation de trois robots de traite ; qu'elle a assigné le Groupama Grand Est (le Groupama) en garantie et que le GAEC est intervenu volontairement pour demander la condamnation complémentaire de la société Piot services au paiement d'une somme de 62 500 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée non prise en compte lors de la première instance ;

Attendu que, pour condamner le Groupama à payer au GAEC la somme de 391 200 euros, in solidum avec la société Piot services, et à garantir cette société de la condamnation, l'arrêt retient que les contestations de l'assureur ne sont pas sérieuses alors qu'il a, jusqu'au stade du référé, pris la direction du procès et que les travaux concernent la construction d'une stalle et donc d'un bâtiment ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, les exceptions visées par l'article L. 113-17 du code des assurances, en ce qu'elles se rapportent aux garanties souscrites, ne concernant ni la nature des risques souscrits, ni le montant de la garantie, l'assureur ne se voyait pas priver de la possibilité de contester le caractère décennal des désordres et qu'elle avait constaté que les désordres affectaient les installations d'une salle de traite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne le Groupama à payer au GAEC la somme de 391 200 euros, in solidum avec la société Piot services, et à garantir cette société de la condamnation, l'arrêt rendu le 23 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne le GAEC des Vallées aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

CCMI - obligation de démolition/reconstruction pour non-conformité

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 13 juillet 2017
N° de pourvoi: 16-11.968
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte à la société Garonne études réalisations (la société GER) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X..., ès qualités de liquidateur de la société Alpha project France ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 14 octobre 2015), que M. et Mme Y... ont conclu avec la société GER un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans ; qu'aucune réception des travaux n'est intervenue ; qu'invoquant des désordres, M. et Mme Y... ont, après expertise, assigné la société GER en paiement ; que cette société a appelé en garantie le mandataire à la liquidation judiciaire de la société Alpha project France, la société MMA, son assureur, et son propre assureur, la société Aviva ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société GER fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation du rapport d'expertise ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Aviva n'avait jamais été appelée aux opérations d'expertise et que la lettre du 23 octobre 2009, par laquelle M. Z..., avocat de la société GER, avait transmis à l'expert le dire rédigé par M. A..., expert missionné par la société Aviva, ne faisait référence qu'à la société GER et non à la société Aviva, la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturer le dire du 26 octobre 2006, ni violer l'article 276, alinéa 3, du code de procédure civile, que c'était à bon droit que l'expert avait estimé ne pas avoir à répondre au dire de la société GER du 28 janvier 2009, considéré comme abandonné ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société GER fait grief à l'arrêt de dire que la construction litigieuse était insuffisamment ancrée et de condamner la société GER à indemniser le préjudice de M. et Mme Y... consistant dans le coût de la démolition et de la reconstruction ainsi que dans les frais exposés pour la taxe d'équipement, l'assurance multirisques habitation et les loyers réglés pour se loger ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la constatation faite par l'expert d'un ancrage à 0,70 mètre dans le sol n'était pas remise en cause par les indications de la société Techsol indiquant un ancrage voisin de 0,80 mètre sans plus de précision et que l'ouvrage réalisé sur un sol constitué jusqu'à 4 m de profondeur d'argile gonflante n'avait été ancré qu'à une profondeur de 0,70 mètre en dépit de sa situation dans une zone marécageuse, la cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que la société GER devait être condamnée au titre de la démolition-reconstruction de l'ouvrage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société GER aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GER et la condamne à payer à la société MMA IARD la somme de 3 000 euros et à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Contrat d'architecte - clause de saisine préalable obligatoire de l'Ordre : portée

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 13 juillet 2017
N° de pourvoi: 16-18.338
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boulloche, SCP Rousseau et Tapie, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Allianz ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 janvier 2016), que M. X..., ayant entrepris la rénovation d'une maison d'habitation et de différents bâtiments de ferme, a confié la maîtrise d'oeuvre complète à M. Y..., architecte assuré auprès de la MAF, et la réalisation des travaux à l'entreprise Z..., assurée auprès de la société Allianz ; qu'un différend étant né, en cours de chantier, avec l'architecte qui a mis fin à son contrat, le maître de l'ouvrage a, après expertise, assigné en indemnisation l'architecte, l'entrepreneur et leurs assureurs ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable, à défaut de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'au paragraphe 3 « résiliation », le contrat d'architecte prévoyait qu'en cas de litige portant sur l'exécution du contrat, les parties convenaient de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes, avant toute procédure judiciaire, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que le jugement devait être réformé en ce qu'il constatait l'absence de réception des travaux, ce dont il se déduisait que la responsabilité décennale n'était plus encourue, ni que l'action directe était intentée contre l'assureur de M. Y..., a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, ni être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, qu'à défaut de saisine préalable du conseil de l'ordre, l'action du maître de l'ouvrage n'était pas recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., et le condamne à payer à la MAF la somme de 3 000 euros ;

Marché public - Garantie de parfait achèvement et prolongation du délai

Note S. Mégret, AJDA 2017, p. 1547, sur CAA Versailles n° 14VE00724

Marchés publics : la modulation des pénalités de retard a un caractère exceptionnel

Note Monteclerc, AJDA 2017, p. 1527, sur CE n° 392707.

Rénovation de la procédure civile (décret 6 mai 2017)

Etudes Bléry (GP 2017, n° 28, p. 55), L. Mayer (GP 2017, n° 28, p. 71), Pellerin, Maria et Guerre (GP 2017, n° 28, p. 78).

Quels pouvoirs respectifs pour la cour d'appel et le conseiller de la mise en état ?

Note Bléry, GP 2017, n° 28, p. 49, sur cass. n° 16-12.605.

Retour sur la subsidiarité de l'enrichissement sans cause en cas d'échec de l'action principale

Note Gouëzel, D. 2017, p. 1591, sur cass. n° 16-15.563.

Oralité "post moderne" et notion d'écrit régulièrement communiqué

Note Bléry et Teboul, D. 2017, p. 1588, sur cass. n° 16-17.118.

Nouveau droit des contrats : sanctions en matière de représentation

étude A. Molière, D. 2017, p. 1547.