mercredi 29 août 2018

Fixation judiciaire de la date de la réception des travaux

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 5 juillet 2018
N° de pourvoi: 14-21.520
Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Chauvin (président), président
SCP Didier et Pinet, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat(s)


Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 avril 2014), que la société PB démolition, devenue PB consulting et finance (la société PB), qui a entrepris la construction d'un chalet de six appartements, a attribué le lot électricité-VMC-chauffage à M. X... ; qu'un retard du chantier étant apparu, la société PB a, après expertise, assigné M. X... et son assureur, la société Groupama Rhône Alpes Auvergne (la société Groupama), en indemnisation de ses préjudices ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches, ci-après annexé :

Attendu que la société PB fait grief à l'arrêt de fixer la réception de l'ouvrage commandé à M. X... à la date du 15 septembre 2010 avec les réserves notées par l'expert dans son rapport et de rejeter la demande de la société PB contre la société Groupama au titre des désordres affectant la VMC ;

Mais attendu qu'ayant relevé, sans modifier l'objet du litige, ni violer le principe de la contradiction, que le premier juge ne pouvait retenir comme date de réception le jour de la première visite des lieux par l'expert qui ne précisait pas quelles constatations il avait faites, ni même s'il en avait fait, que la réception ne pouvait être prononcée qu'au jour du dépôt du rapport, soit le 15 septembre 2010, et qu'elle était prononcée avec les réserves relevées par l'expert, lesquelles comprenaient la VMC, la cour d'appel a, par une décision motivée, pu rejeter la demande de la société PB contre la société Groupama ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt rejette les demandes de la société PB tendant à voir condamner la société Groupama à garantir les désordres et les préjudices autres que ceux relatifs à la VMC ;

Qu'en statuant ainsi, sans motif, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société PB tendant à voir condamner la société Groupama à garantir les désordres et les préjudices autres que ceux relatifs à la VMC, l'arrêt rendu le 8 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;

Condamne la société Groupama aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

mercredi 1 août 2018

Sous-traitance, délégation de paiement et inopposabilité des exceptions

 Note Sizaire, Constr.-urb. 2018-7/8, p. 27.
Note JD Pellier, D. 2018, p. 1624.

Note Périnet-Marquet, RDI 2019, p. 270. 

 

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 7 juin 2018
N° de pourvoi: 17-15.981
Publié au bulletin Cassation
M. Chauvin (président), président
SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)




Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article 1275 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 juillet 2016), que l'Association foncière urbaine libre [...] (l'AFUL) a confié des travaux de rénovation d'un immeuble à l'entreprise générale Archi Sud bâtiment, qui a sous-traité les menuiseries extérieures à la société Ébéniste et associés, agréée et bénéficiaire d'une délégation de paiement ; que l'AFUL, estimant avoir payé des acomptes pour des prestations qui n'avaient pas été exécutées, a assigné en restitution la société Ébéniste et associés ;
Attendu que, pour condamner la société Ébéniste et associés à payer à l'AFUL la somme de 35 771,43 euros, l'arrêt retient que, si la délégation consentie par l'entrepreneur principal au maître de l'ouvrage prive ce dernier de la possibilité d'opposer au sous-traitant des exceptions tirées de son contrat avec l'entrepreneur principal, elle ne lui interdit pas de lui opposer les exceptions inhérentes à la dette de l'entrepreneur principal résultant des travaux sous-traités ou celles résultant de ses rapports personnels avec le sous-traitant, de sorte que l'AFUL est recevable à contester les factures comme aurait pu le faire la société Archi Sud bâtiment en l'absence de délégation de paiement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le délégué ne peut opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre le délégant et le délégataire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne l'Association foncière urbaine libre [...] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ébéniste et associés et de la société Laurent D..., ès qualités ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Ebéniste et associés et la société Laurent D..., ès qualités,


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société EBENISTE ET ASSOCIES à payer à l'AFUL 130 A... C... B... la somme de 35 771,43 € en principal ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la société EBENISTE ET ASSOCIES soutient que le Tribunal a ignoré le régime de la délégation et raisonné comme si le maître de l'ouvrage et le sous-traitant étaient liés par un lien contractuel permettant au maître de l'ouvrage de contester les sommes dont l'entreprise principale s'était reconnue débitrice et pour le paiement desquelles elle avait donné délégation au maître de l'ouvrage ; que toutefois, si la délégation consentie par l'entrepreneur principal au maître de l'ouvrage prive ce dernier de la possibilité d'opposer au sous-traitant des exceptions tirées de son contrat avec l'entrepreneur principal, elle ne lui interdit pas en revanche de lui opposer les exceptions inhérentes à la dette de l'entrepreneur principal résultant des travaux sous-traités ou celles résultant de ses rapports personnels avec le sous-traitant ; qu'il en résulte que l'AFUL [...]cours C... B... est recevable à contester les factures litigieuses de la même manière qu'aurait pu le faire la société ARCHI SUD BATIMENT en l'absence de délégation de paiement ; qu'en l'espèce, il convient de relever que les bons de commande produits par la société EBENISTE ET ASSOCIES n'indiquent pas leur bénéficiaire qui peut être un tiers par rapport à l'AFUL [..], la mention « C... B... » portée en marge de certains étant insuffisante à établir qu'il s'agisse du chantier litigieux, dans la mesure où il ressort d'une lettre émanant du gérant de la société ARCHI SUD BATIMENT que cette dernière traitait deux chantiers cours C... B..., l'un au 130 l'autre au 28 ; que dans ce même courrier, en date du 2 septembre 2008, le gérant de la société ARCHI SUD BATIMENT reproche à son sous-traitant d'avoir systématiquement refusé de justifier de ce que les fabrications des menuiseries pour lesquelles il avait perçu une somme de 35 771,43 € avaient été réalisées, y compris auprès de l'huissier de justice requis par l'entrepreneur principal, ajoutant : « Il apparaît donc clairement que vous avez encaissé ces sommes indûment et sans qu'aucune prestation correspondante n'ait été effectuée. » ; que les factures produites énumèrent des fournitures dont rien ne permet de savoir si elles ont utilisées suivant la destination convenue dans l'intérêt de l'AFUL [..] cours C... B... ;
qu'étant dans l'incapacité de justifier de l'affectation des sommes versées par le maître de l'ouvrage à la réalisation des prestations dont elle avait la charge, la société EBENISTE ET ASSOCIES a été à bon droit condamnée par le Tribunal à les restituer à l'AFUL [..]cours C... B..., laquelle était recevable à les lui réclamer ; ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES DU PREMIER JUGE QU'il s'avère que la SARL EBENISTE a perçu directement du maître de l'ouvrage des acomptes d'un montant de 35 771,43 €, soit environ 43 % de son marché ; que l'entreprise sous-traitante ne rapporte toutefois pas la preuve que ces acomptes ont été employés à l'usage auquel ils étaient destinés ; qu'en effet, elle se contente de produire des bons de commande de fournitures ne comportant aucune indication précise quant au bénéficiaire des ouvrages ; qu'il ne peut donc être exclu que ces fournitures aient été utilisées sur un autre chantier ; qu'en dépit d'une mise en demeure remontant au 5 novembre 2009, la SARL EBENISTE ne verse pas davantage de justificatif permettant de s'assurer qu'elle a commencé la fabrication des menuiseries sachant que rien n'a été posé sur le chantier ; que dans ces conditions le Tribunal considère que les acomptes n'étaient pas dus nonobstant la validation des factures par l'entreprise principale ; qu'en application des articles 1376, 1153 et 1154 du Code civil, la SARL EBENISTE sera ainsi condamnée à restituer les acomptes indûment perçus avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2009, date de la mise en demeure, et capitalisation des intérêts par année entière à compter du 1er avril 2011, date de la demande en justice;

ALORS QUE le délégué ne peut, sauf stipulation contraire qui n'était pas alléguée en l'espèce, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire ;
qu'en considérant que l'AFUL [..]cours C... B... était recevable à contester les factures litigieuses de la même manière qu'aurait pu le faire la société ARCHI SUD BATIMENT en l'absence de délégation de paiement, pour cela que si la délégation consentie par l'entrepreneur principal au maître de l'ouvrage prive ce dernier de la possibilité d'opposer au sous-traitant des exceptions tirées de son contrat avec l'entrepreneur principal, elle ne lui interdit pas en revanche de lui opposer les exceptions inhérentes à la dette de l'entrepreneur principal résultant des travaux sous-traités ou celles résultant de ses rapports personnels avec le sous-traitant, la Cour d'appel a violé l'article 1275 du Code civil dans sa rédaction applicable en la cause.




ECLI:FR:CCASS:2018:C300560

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux , du 22 juillet 2016

L'étude géotechnique préalable et l'article 19ter du projet de loi ELAN

Alerte Zalewski-Sicard, Constr.-urb. 2018-7/8, p. 3.