jeudi 30 avril 2015

Défiscalisation et devoir de conseil du notaire

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 8 avril 2015
N° de pourvoi: 13-28.207
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Marc Lévis, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Rousseau et Tapie, SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. et Mme X...du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL Alpages de Val Cenis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 octobre 2013), que la société PM3C a créé la société civile immobilière Les Arcellins (la SCI) pour la construction et la commercialisation d'une résidence de tourisme en montagne ; que, désireux de réaliser un placement immobilier défiscalisé, M. et Mme X...y ont acquis, sur présentation par la société Selexia et par acte reçu par M. Z..., notaire, un appartement qu'ils ont donné à bail commercial au gestionnaire de cette résidence, la société Compagnie de développement touristique (CDT), filiale de la société PM3C ; qu'après liquidation judiciaire de la société Les Alpages de Val Cenis à laquelle le bail commercial avait été cédé, M. et Mme X...ont assigné la société PM3C, la SCI, la société Selexia et la société civile professionnelle Z...-A..., Z..., B...-Z...et C... (la SCP) en annulation de la vente, restitution du prix et paiement de dommages et intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X...font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de la vente pour dol de la société PM3C, promoteur, et de la SCI, vendeur, alors, selon le moyen :

1°/ que le dol est constitué en cas d'informations erronées ou de réticence dans la délivrance d'une information ; qu'en écartant le dol du promoteur et du vendeur du chef de la solvabilité de l'exploitant de la résidence, quand la rentabilité de l'opération annoncée dans la plaquette publicitaire, faisant état de « revenus locatifs garantis » et de ce que « le gestionnaire n'avait aucun souci à se faire sur le remplissage de la résidence, les locations lui assur (ant) les recettes nécessaires pour faire face à ses charges et à ses obligations », impliquait la solvabilité du preneur, tout en constatant qu'au chapitre « défaillance du gestionnaire », l'attribution au promoteur d'un capital social de 1 000 000 euros, au lieu de 300 000 euros, était objectivement inexacte, et tout en relevant que les acquéreurs n'avaient pas été informés que la rentabilité de l'exploitation ne pourrait être obtenue sans le règlement de fonds de concours à l'exploitant substitué de la résidence, lequel disposait d'un capital de seulement 10 000 euros, ce dont il résultait que ces informations erronées et ces réticences, prises ensemble, étaient précisément destinées à dissimuler la solvabilité réelle du gestionnaire et à convaincre les investisseurs de s'engager dans un projet financier sur la rentabilité duquel leur appréciation ne pouvait qu'être faussée, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1116 du code civil ;

2°/ que le dol est constitué en cas d'informations erronées ou de réticence dans la délivrance d'une information ; qu'en affirmant que la présentation flatteuse de la plaquette publicitaire, en ce qu'elle annonçait, au chapitre « défaillance du gestionnaire », qu'une telle éventualité était limitée et que l'exploitant n'avait aucun souci à se faire sur le remplissage de la résidence, ne pouvait être qualifiée de dolosive dès lors qu'elle était en accord avec les données économiques du moment et que l'obligation de mise en gestion locative pendant neuf ans sanctionnée par la perte des avantages fiscaux avait été mentionnée en cas de revente du bien avant terme, quand aucune information n'avait été délivrée aux acquéreurs sur la perte des avantages fiscaux en cas de défaillance du gestionnaire et de résiliation du bail, la cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l'article 1116 du code civil ;

3°/ qu'en déclarant que l'acte authentique de vente portait mention des spécificités de la défiscalisation en zones de revitalisation rurale, quand ledit acte faisait uniquement référence à l'article 42 de la loi Montagne, la cour d'appel l'a dénaturé en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société PM3C disposait, selon le bilan 2005, de fonds propres d'un montant de 1 246 233 euros et retenu que la mention, par la plaquette publicitaire, de revenus locatifs garantis en l'absence de difficulté pour assurer le remplissage de la résidence était en accord avec les données économiques du moment et retenu que cette plaquette indiquait les éléments essentiels de la défiscalisation liée à l'acquisition et à la location de l'appartement, notamment l'obligation de remboursement de l'avantage fiscal en cas de revente avant neuf ans et évoquait la possibilité d'une défaillance du gestionnaire et la nécessité de trouver rapidement un nouveau gestionnaire, la cour d'appel, qui a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant relatif aux mentions de l'acte authentique de vente, que les époux X...n'avaient pas été trompés sur la solvabilité du promoteur et du gestionnaire locatif ni sur les conséquences fiscales liées à la perte du gestionnaire, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. et Mme X...font grief à l'arrêt de rejeter leur demande indemnitaire formée contre la société Selexia, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir du chef du dol du promoteur et du vendeur entraînera l'annulation par voie de conséquence de la disposition par laquelle l'arrêt attaqué a débouté les acquéreurs de leurs demandes indemnitaires contre le courtier en placements immobiliers pour complicité de ce dol en ayant manqué à son obligation d'information et de conseil, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ que le conseiller en placements immobiliers défiscalisés est tenu de renseigner les investisseurs éventuels sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du placement qui leur est proposé, ainsi que sur les risques qui lui sont associés et peuvent être le corollaire des avantages annoncés ; qu'en énonçant qu'il ne pouvait être reproché au conseiller aucun manquement relatif aux caractéristiques essentielles de l'opération de défiscalisation, qui avaient été mentionnées dans la plaquette publicitaire établie par le promoteur et dans le contrat de vente, quand il était personnellement tenu d'une obligation d'information à l'égard de ses clients, et sans vérifier, comme elle y était invitée, que l'étude personnalisée élaborée par le prestataire, qui ne comportait qu'une simulation de l'effort d'épargne en cas de perception des loyers, était de nature à renseigner complètement les candidats acquéreurs sur les aléas financiers de l'opération en cas de déconfiture du gestionnaire, ainsi qu'à les informer concrètement de leur impact sur leur patrimoine que les documents publicitaires et de vente ne permettaient pas de mesurer précisément, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que le premier moyen étant rejeté, la première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que la société Selexia avait établi une étude personnalisée détaillée, prenant en considération les avis d'imposition des acquéreurs et rappelant de manière précise les dispositions de la loi Demessine, et retenu qu'elle avait rempli sa mission, aucune critique ne pouvant être formulée sur les simulations établies à partir des données de l'époque sur la base de loyers qui n'étaient pas surévalués ni aucun autre manquement ne pouvant lui être reproché, la cour d'appel, qui a pu en déduire que la demande indemnitaire des acquéreurs ne pouvait être accueillie, a légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. et Mme X...font grief à l'arrêt de rejeter leur demande indemnitaire formée contre la SCP, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir du chef du dol du promoteur et du vendeur entraînera l'annulation par voie de conséquence de la disposition par laquelle l'arrêt attaqué a débouté les acquéreurs de leurs demandes indemnitaires contre le notaire pour complicité de ce dol en ayant manqué à son obligation d'information et de conseil, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ que les notaires sont tenus d'informer et d'éclairer les parties sur la portée et les effets de l'acte auquel ils prêtent leur concours, notamment quant à ses incidences fiscales, ainsi que sur ses risques, et, le cas échéant, de le leur déconseiller, sans que leurs compétences personnelles et la présence d'un conseiller à leur côté ne les dispensent de leur devoir de conseil ; que cette obligation doit prendre en considération les mobiles des parties, extérieurs à l'acte, lorsque le notaire en a eu précisément connaissance ; qu'en affirmant que le notaire chargé de l'établissement d'actes de vente de biens immobiliers n'avait pas vocation à s'exprimer sur l'opportunité économique d'une opération de défiscalisation comportant comme toute opération financière ou économique des aléas que ne pouvaient ignorer les investisseurs, sans vérifier que l'officier public, qui avait participé à l'ensemble de l'opération immobilière et ne pouvait ignorer la motivation fiscale des acquéreurs, avait alerté ces derniers sur les aléas de la défiscalisation attendue, la cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°/ qu'en affirmant que l'acte authentique de vente portait mention des spécificités de la défiscalisation en zones de revitalisation rurale, quand ledit acte faisait uniquement référence à l'article 42 de la loi Montagne, la cour d'appel l'a dénaturé en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que le premier moyen étant rejeté, la première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que le notaire chargé de l'établissement d'actes de vente de biens immobiliers n'avait pas vocation à s'exprimer sur l'opportunité économique d'une opération de défiscalisation comportant des aléas que ne pouvaient ignorer les investisseurs, que l'efficacité juridique de l'acte de vente instrumenté par M. Z...n'encourait aucune critique et qu'il n'était pas le rédacteur du bail commercial, la cour d'appel, qui a pu déduire de ces seuls motifs que la demande indemnitaire des acquéreurs ne pouvait être accueillie, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Notion d'impartialité de l'expert judiciaire

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 9 avril 2015
N° de pourvoi: 14-14.434
Non publié au bulletin Rejet

Mme Flise (président), président
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Odent et Poulet, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 mars 2014), que la société Ugitech a acquis en 2001 de la société Compagnie engrenages et réducteurs Messian Durand (société CMD), un matériel sidérurgique fourni par la société Robydro Hera ; qu'ayant constaté une dégradation de son fonctionnement, elle a assigné en référé ces sociétés et leurs assureurs et obtenu, en 2009, la désignation en qualité d'expert de M. X... dont la mission a été étendue à deux reprises ; que la société Ugitech a sollicité la récusation de l'expert et son remplacement devant le juge chargé du contrôle de l'expertise qui l'a déclarée recevable mais non fondée ;


Sur le premier moyen :

Attendu que la société Ugitech fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de récusation de l'expert, alors selon le moyen :

1°/ que l'expert doit être récusé toutes les fois que les circonstances dans lesquelles il intervient sont de nature à faire douter de son impartialité ; que la société Ugitech indiquait à l'appui de sa demande de récusation de l'expert X..., que ce dernier avait systématiquement refusé d'aborder la question de la conception du Bogiflex, élément incontournable de sa mission telle que découlant de l'ordonnance l'ayant désigné, et conception à laquelle la société Ugitech imputait les désordres ; qu'elle ajoutait que l'expert X... avait même considéré que la conception de l'engin n'était pas discutée par les parties, en dépit de la dizaine de dires de la société Ugitech consacrés à cette question ; qu'en retenant que cette critique s'analysait en une contestation de la méthodologie et des conclusions de l'expert, de sorte qu'elle ne relevait que du juge du fond, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, ainsi qu'il lui était demandé, s'il ne résultait pas de la conduite des opérations par l'expert, refusant systématiquement d'aborder la question pourtant essentielle de la conception du Bogiflex, un parti-pris de celui-ci en faveur du fabricant concepteur au détriment de l'acheteur, a privé sa décision de base légale au regard des articles 234 et 341 du code de procédure civile, L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, ensemble de l'article 6§1 convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que pour exclure que M. X..., ayant enseigné au CNAM, et la société CMD, dont l'un des salariés avait soutenu, sous l'égide du CNAM, un mémoire validant la conception du Bogiflex, aient pu avoir un intérêt commun à éviter que cette conception soit remise en cause, la cour d'appel a retenu que le salarié n'avait pas soutenu son mémoire au CNAM de Paris, mais à celui de Bourges ; que cette circonstance n'était invoquée par aucune des parties ; que la cour d'appel a ce faisant méconnu l'objet du litige et violé les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°/ que la société Ugitech indiquait encore que les droits d'auteurs du CNAM sur le mémoire portaient sur un équipement dont la marque déposée ¿ utilisée dans le titre du mémoire ¿ était la propriété de la société CMD ; qu'il en résultait l'existence d'un lien entre le CNAM, et l'expert X..., et la société CMD, sur lequel la cour d'appel ne s'est pas expliquée ; que ce faisant la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir énuméré les agissements de l'expert susceptibles, selon la société Ugitech, de faire douter de son impartialité, l'arrêt retient que ces doléances doivent s'analyser en critiques relatives tant à la méthode choisie par l'expert qu'à la teneur de ses premières conclusions, dont aucune n'est définitive dans un dossier qui apparaît d'une particulière complexité, et relèvent de la compétence du juge du fond et qu'aucun élément sérieux n'est fourni quant à l'allégeance de l'expert au Conservatoire national des arts et métiers, établissement qui a validé en 1990 le mémoire d'un ancien salarié de la société CMD ayant pour sujet le fonctionnement du matériel litigieux ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, c'est souverainement que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui n'a pas méconnu l'objet du litige en faisant état du lieu de soutenance du mémoire, a retenu qu'aucun élément n'était de nature à faire peser sur l'expert un doute légitime sur son impartialité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Ugitech fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de remplacement de l'expert, alors, selon le moyen :

1°/ que pour rejeter la demande de récusation de l'expert, la cour d'appel a retenu qu'il n'avait pas méconnu son devoir de conseil ; qu'en se fondant au regard d'une obligation de conseil, au demeurant inexistante, sans rechercher s'il n'avait pas manqué à son devoir de conscience, la cour d'appel a violé l'article 237 du code de procédure civile ;

2°/ qu'ayant constaté que M. X... s'était prévalu du titre de professeur du CNAM, qu'il n'avait jamais eu, et s'était domicilié sans droit au CNAM après avoir pris sa retraite ce qui avait contraint ce dernier à réagir, la cour d'appel devait rechercher s'il ne résultait pas de ce comportement un manquement de l'expert à son devoir de conscience ; qu'en se bornant à renvoyer sur cette question au procureur, la cour d'appel qui n'a pas recherché si l'usurpation de titre qu'elle a constatée ne caractérisait pas un manquement de M. X... à son devoir de conscience, a privé sa décision de base légale au regard des articles 235 et 237 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant rappelé que la société Ugitech sollicitait le remplacement de l'expert pour manquements de celui-ci à son devoir de conscience et analysé les éléments produits à l'appui de cette demande, c'est par une erreur de plume que la cour d'appel, pour les écarter, a retenu que l'usage par l'expert de certains titres tel qu'allégué ne caractérisait nullement un manquement au devoir de conseil de l'expert de nature à justifier son remplacement, au lieu de ce qu'il ne caractérisait nullement un manquement au devoir de conscience de l'expert ; que cette erreur purement matérielle ne constitue pas un cas d'ouverture à cassation ;

Et attendu que la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à renvoyer la question à l'autorité de contrôle des experts, a, motivant sa décision, souverainement retenu que les manquements reprochés au technicien ne justifiaient pas son remplacement ;

D'où il suit que le moyen inopérant en sa première branche n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ugitech aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ugitech ; condamne la société Ugitech à verser d'une part la somme de 3 000 euros à la société Compagnie engrenages et réducteurs Messian Durand et d'autre part la même somme à la société HDI Gerling Industrie Versicherung ;


Notion de voie de fait

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 19 mars 2015
N° de pourvoi: 14-14.571
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Boulloche, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 2014), rendu en référé, que M. X... a été révoqué de ses fonctions d'administrateur de première classe de l'Institut national de la statistique et des études économiques par décret du Président de la République en date du 25 janvier 1999 ; que soutenant que cette sanction disciplinaire avait été prise pour un motif discriminatoire, lié à ses activités syndicales, M. X... a saisi la juridiction judiciaire, sur le fondement de la voie de fait, aux fins d'obtenir l'annulation de ce décret et la condamnation de l'Etat à le réintégrer et à reconstituer sa carrière ; que l'Agent judiciaire de l'Etat a soulevé une exception d'incompétence au profit des juridictions administratives ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître du litige et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir alors, selon le moyen :

1°/ que saisi d'une exception de procédure tirée de l'incompétence de la juridiction judiciaire, le juge des référés est tenu de trancher la contestation, fut-elle sérieuse ; qu'en se déclarant incompétente faute d'établissement de l'existence d'une voie de fait avec l'évidence requise en référé, quand il lui appartenait de se prononcer sur l'existence de cette voie de fait, fût-elle sérieusement contestée, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;

2°/ qu'il y a voie de fait justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, dans la mesure où l'administration a soit procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit pris une décision ayant l'un ou l'autre de ces effets à la condition toutefois que cette décision soit elle-même manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ; qu'est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative, fût-elle investie du pouvoir disciplinaire qui s'attache à l'autorité hiérarchique, une sanction prise pour un motif discriminatoire ; que dès lors, en se déclarant incompétente pour statuer sur la légalité d'un décret de révocation procédant un motif discriminatoire, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs au regard de la loi des 16-24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;

3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que pour dire qu'en l'absence de voie de fait établie avec l'évidence requise en référé, le juge judiciaire n'est pas compétent, la cour d'appel retient qu'il résulte du contenu de la lettre adressée le 27 janvier 2009 par M. Y... au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et des termes employés « me donne à penser » et « il me paraîtrait dès lors légitime » que M. Y... y exprime des considérations et propositions à titre personnel et non en qualité de président de la Halde, et que cette seule manifestation d'un avis personnel ne saurait, avec l'évidence requise en référé, établir l'existence d'une discrimination syndicale commise par l'administration fondant la décision de révocation prise par le décret du 25 janvier 1999 ; qu'en se prononçant ainsi, alors que ce courrier avait été rédigé sur papier à l'en-tête de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et désignait expressément, en qualité d'émetteur « Le Président », la cour d'appel en a dénaturé les termes et, partant, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence, et qu'au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, pour se déclarer incompétente en l'absence de voie de fait, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré avec l'évidence requise en référé l'existence d'une discrimination syndicale commise par l'administration ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à l'État, l'administration ayant refusé à M. X... la communication du rapport de l'inspection générale des finances établi en 2006 à son sujet à la demande du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, d'établir que la révocation de M. X... par décret du 25 janvier 1999 était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et, partant, a violé l'article 4 de la loi du 27 mai 2008, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ; que la liberté syndicale n'entrant pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution, l'atteinte qui lui est prétendument portée n'est pas susceptible de caractériser une voie de fait ; que par ce motif de pur droit suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Voisinage, tirants d'ancrage et enrichissement sans cause

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 18 décembre 2014
N° de pourvoi: 13-24.713
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Batut (président), président
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur la demande de mise hors de cause présentée, sur les premier et troisième moyens, par la Métropole Nice Côte d'Azur, venant aux droits du département des Alpes-Maritimes :

Attendu que ces moyens n'invoquent aucun grief à l'encontre de la Métropole Nice Côte d'Azur ; qu'il y a donc lieu d'accueillir la demande présentée par celle-ci ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCI La Dunette (la société) a fait réaliser, au cours de l'année 2000, des travaux d'extension et de rénovation d'une villa lui appartenant, dont la maîtrise d'oeuvre a été confiée à M. X..., après une étude du sol effectuée par la société Sol Essais et l'intervention de la société Sam Y..., en qualité de bureau d'études ; que la société Alberti Sam a réalisé des travaux de fondations spéciales et de terrassements, qu'elle a sous-traités à la société Alberti France ; qu'alléguant l'existence de désordres affectant le mur et la balustrade de leur villa située en contre-haut de celle de la société et séparée de celle-ci par l'avenue... « Basse Corniche », Marcelle A... et Mme Danielle A... épouse B... ont fait assigner la société en réparation des préjudices subis, laquelle a appelé en garantie le maître d'oeuvre, les sociétés Alberti Sam, Alberti France, SMABTP, Mutuelle des architectes français, Sam Y..., Sol Essais, Axa, ainsi que le département des Alpes-Maritimes et la direction départementale de l'Equipement ; que Marcelle A... étant décédée en cours de procédure, celle-ci s'est poursuivie à la requête de Mme B... ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu que Mme B... fait grief à l'arrêt de condamner la société au paiement de la somme de 8 484, 84 euros avec indexation sur l'indice BT 01 valeur de janvier 2011 au titre de la réparation de son préjudice résultant des dégradations du mur et de la balustrade ;

Attendu qu'ayant soutenu, dans ses conclusions d'appel, que la somme de 39 647, 45 euros, au seul paiement de laquelle elle demandait la condamnation de la société sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage, constituait la réparation du préjudice résultant des dégradations affectant la balustrade de sa villa, Mme B... n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures ; que le moyen n'est pas recevable ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme B... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation de la société à enlever les cinquante-quatre tirants présents dans le tréfonds de sa propriété ;

Attendu que Mme B... n'ayant pas, dans ses conclusions d'appel, invoqué l'existence d'une voie de fait imputable à l'autorité administrative, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la recherche prétendument omise ; que le moyen, inopérant en sa première branche et qui critique un motif surabondant en sa seconde branche, ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ;

Attendu que l'arrêt confirme le jugement du 12 décembre 2011, en ce qu'il a fixé le coût des réparations à la somme de 8 484, 84 euros TTC, avec indexation sur l'indice BT 01 du mois de janvier 2011 ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans énoncer aucun motif à l'appui de sa décision, alors que Mme B... demandait la fixation de l'indexation en référence à l'indice BT 01 du mois de janvier 2001, contemporain du rapport d'expertise contenant l'évaluation des travaux de réfection des désordres qu'elle avait subis, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1371 du code civil et les principes régissant l'enrichissement sans cause ;

Attendu que, pour rejeter la demande en paiement de Mme B... fondée sur l'invocation d'un enrichissement sans cause de la société, l'arrêt retient qu'une action sur ce fondement présente un caractère subsidiaire et ne peut être admise que dans les cas où le patrimoine d'une personne se trouvant, sans cause légitime, enrichi au détriment de celui d'une autre personne, qui ne disposerait, pour obtenir ce qui lui est dû, d'aucune action naissant d'un contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit et constate que l'action principale de Mme B... est fondée sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage, qui ne peut donner lieu qu'à l'indemnisation des préjudices subis ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la demande présentée par Mme B... tendait à la réparation d'un préjudice né de l'enrichissement de la société, dispensée de l'obligation de construire un ouvrage de soutènement en aval du mur et bénéficiaire d'une plus-value de sa villa, et de l'appauvrissement corrélatif de Mme B..., constitué par l'absence de rémunération du passage des tirants dans sa propriété, ce dont il résultait que, par cette demande, Mme B... sollicitait la réparation d'un préjudice distinct du préjudice invoqué au titre de la théorie des troubles anormaux de voisinage, résultant des dégradations qui affectaient la balustrade de sa villa, la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés ;


Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1371 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande en paiement de Mme B... fondée sur l'invocation d'un enrichissement sans cause de la société, l'arrêt relève l'absence objective de démonstration d'un enrichissement et d'un appauvrissement ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que Mme B... soutenait que la société s'était enrichie en évitant la création d'un mur de soutènement et en ajoutant une plus-value à sa villa, résultant notamment d'une vue sur la mer, et qu'elle-même s'était appauvrie en n'étant pas rémunérée pour le passage des tirants dans sa propriété, et qu'il n'était pas contesté que les travaux entrepris par la société étaient destinés à l'extension et à la rénovation de sa villa, la cour d'appel, qui n'a pas énoncé les motifs pour lesquels ces circonstances n'étaient pas de nature à établir l'existence d'un enrichissement indû de la société et d'un appauvrissement corrélatif de Mme B..., a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen :

Met hors de cause la Métropole Nice Côte d'Azur, venant aux droits du département des Alpes-Maritimes ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la SCI La Dunette à payer à Mme B... la somme de 8 484, 84 euros TTC, avec indexation sur l'indice BT 01 du mois de janvier 2011 et rejeté la demande d'indemnisation de Mme B... fondée sur l'enrichissement sans cause, l'arrêt rendu le 27 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la SCI La Dunette aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI La Dunette à payer à Mme B... la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;


1) Principe de contradiction et moyen soulevé d'office; 2) Voisinage, trouble anormal

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 15 janvier 2015
N° de pourvoi: 13-27.043
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Flise (président), président
SCP Piwnica et Molinié, SCP de Nervo et Poupet, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., propriétaires d'un bien immobilier séparé de celui appartenant à M. Y... par un mur, ont assigné ce dernier en remise en état du mur séparatif lui appartenant et en indemnisation de leur préjudice ;

Attendu que, pour condamner M. et Mme X... à payer à M. Y... une certaine somme à titre de dommages-intérêts correspondant à la moitié du coût de la reconstruction du mur, l'arrêt énonce que M. Y... verse aux débats un rapport réalisé par un technicien mandaté par son assureur attribuant les dommages affectant le mur litigieux à la présence d'une haie d'arbres fruitiers en espalier, implantés le long du mur, au droit du terrain de M. X..., ces arbres ayant pour effet, par le biais de leurs racines et radicelles, de générer un différentiel de teneur en eau important au niveau des sols d'assise de la fondation du mur, de part et d'autre de celui-ci ; que cette analyse est corroborée par le procès-verbal de constat d'un huissier de justice ayant constaté la présence, dans la fouille, d'une racine d'arbre en provenance du fonds voisin, passée sous la fondation du mur ; que ces éléments permettent d'établir que M. et Mme X... ont occasionné un trouble anormal de voisinage à M. Y..., par l'implantation d'arbres dont les racines ont contribué à la dégradation du mur litigieux ; que les éléments de la cause permettent de considérer que ce trouble a contribué pour moitié à la dégradation du mur ;

Qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur l'application de la règle selon laquelle nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage dont les dispositions n'étaient pas invoquées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. et Mme X... à payer à M. Y... la somme de 3 672, 98 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à la moitié du coût de la reconstruction du mur litigieux, l'arrêt rendu le 17 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Trouble de voisinage et urbanisation prévisible

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 20 janvier 2015
N° de pourvoi: 13-24.558
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Boullez, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 janvier 2013), rendu en matière de référé, que Mme X..., reprochant à M. Y... de réaliser une construction lui causant des troubles anormaux de voisinage, l'a assigné aux fins, notamment, de voir ordonner une expertise et l'arrêt des travaux ;

Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt de la débouter de ses demandes alors, selon le moyen que nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ; qu'en retenant que Mme X... devait s'attendre à une forte urbanisation dans son voisinage lorsqu'elle est devenue propriétaire d'un immeuble situé dans une artère de la commune de La Rochelle, bordée de lotissements composés de parcelles de faibles dimensions, tout en constatant la gêne éprouvée par Mme X... en conséquence de la construction d'un immeuble sur le fonds voisin par M. Y..., la cour d'appel qui a statué par un motif d'ordre général au lieu de rechercher si le trouble subi par Mme X... excédait les inconvénients normaux du voisinage, a violé le dit principe ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que, si l'édification de l'immeuble de M. Y... causait une gêne à Mme X..., dont le terrain était à l'origine entouré de vergers, celle-ci, en devenant propriétaire d'un bien situé dans une artère de la commune de La Rochelle, bordée de lotissements composés de parcelles de faibles dimensions, devait s'attendre à une forte urbanisation dans son voisinage et, notamment, à ce que le propriétaire du fonds limitrophe y édifie un bâtiment en limite séparative comme le permet le plan d'occupation des sols, la cour d'appel, qui en a déduit que la situation dont se plaignait Mme X... n'excédait manifestement pas le trouble normal de voisinage, a pu rejeter les demandes de cette dernière ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de Mme X... ;

Nullité d'une transaction consentie sous la contrainte de recours en annulation d'un permis de construire

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 4 février 2015
N° de pourvoi: 14-10.920
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Le Prado, SCP Jean-Philippe Caston, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Versailles, 31 octobre 2013), qu'aux termes d'une transaction conclue le 16 novembre 2010 entre la société Karous, d'une part, et les sociétés Bouygues immobilier et Parismed, d'autre part, la première a renoncé à exercer les recours contentieux en annulation de trois permis de construire délivrés aux deux autres sociétés, en contrepartie de quoi celles-ci se sont engagées à lui verser « une indemnité transactionnelle, globale, forfaitaire et définitive de 500 000 euros » couvrant toute indemnisation, pour quelques causes que ce soit liées aux programmes immobiliers objets de la transaction ; que l'indemnité convenue n'ayant pas été réglée, la société Karous a fait pratiquer, sur le fondement de la transaction rendue exécutoire dans les conditions de l'article 1441-4 du code de procédure civile, une saisie-attribution au préjudice de la société Bouygues immobilier laquelle, invoquant la nullité de ce contrat pour violence ou pour défaut de concessions réciproques, a saisi le juge de l'exécution d'une demande en nullité et en mainlevée de la voie d'exécution ;

Attendu que la société Karous fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes ;

Attendu que l'arrêt constate que la menace d'exercer les recours contentieux en annulation de permis de construire, objet de la transaction, était illégitime, dès lors que ces voies de droit étaient dénuées de toute chance de succès comme devaient le révéler de nombreuses décisions rendues par les juridictions administratives qui, sur des recours similaires, ont sanctionné le défaut d'intérêt à agir de deux sociétés soeurs de la société Karous, dont elles partageaient le siège social ; qu'après avoir relevé que la société Bouygues immobilier, quelle que soit son envergure financière, devait, pour mener à bien son projet, disposer de permis de construire purgés de tout recours pour, d'abord, acquérir les terrains destinés à recevoir les constructions dans les délais imposés, à peine de caducité, par les promesses synallagmatiques de vente, et, ensuite, procéder à une commercialisation d'une partie des immeubles à construire selon la forme juridique projetée, l'arrêt retient que cette menace illégitime a fait naître, pour la société, la crainte de voir mettre en échec une vaste et coûteuse opération immobilière, comportant la création d'une nouvelle structure hospitalière, d'une école d'infirmières et de logements collectifs à Marseille ; que la cour d'appel, caractérisant ainsi la contrainte économique exploitée par la société Karous pour amener son cocontractant à lui consentir une indemnité transactionnelle d'un montant particulièrement élevé, a, par ces seuls motifs, justifié légalement sa décision de tenir la transaction pour nulle, et d'ordonner, par voie de conséquence, la mainlevée de la voie d'exécution dont elle constituait le fondement ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Karous aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande présentée par la société Karous ; la condamne à payer à la société Bouygues immobilier la somme de 3 000 euros ;

Climatiseur et trouble anormal de voisinage

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 17 février 2015
N° de pourvoi: 13-25.698
Non publié au bulletin Cassation

M. Terrier (président), président
Me Blondel, Me Le Prado, avocat(s)


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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon les arrêts attaqués (Saint-Denis, 12 avril et 12 juillet 2013), que Mme X..., propriétaire d'un appartement soumis au statut de la copropriété, se prévalant notamment de la décision n° 9 de l'assemblée générale des copropriétaires du 26 mai 2010 prévoyant le déplacement des climatiseurs installés par Mme Y..., propriétaire de l'appartement du dessous, l'a assignée, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, en déplacement de ceux-ci ; qu'elle a également assigné la société Loger, syndic de la copropriété, en exécution de cette décision et en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que la débouter de son action en déplacement des climatiseurs installés par Mme Y..., l'arrêt rendu le 12 avril 2013 retient que Mme X... n'apporte pas la preuve du trouble de voisinage allégué ;

Qu'en statuant ainsi, sans examiner la décision n° 9 de l'assemblée générale des copropriétaires du 26 mai 2010, votée par Mme Y..., faisant état des nuisances engendrées aux voisins par ces climatiseurs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 18 de la loi du 13 juillet 1965 ;

Attendu que pour la débouter de son action en responsabilité délictuelle contre la société Loger l'arrêt rendu le 12 avril 2013 retient que, Mme X... n'apportant pas la preuve du trouble de voisinage allégué, la responsabilité du syndic ne peut être engagée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que Mme X... fondait sa demande sur la non-exécution par le syndic d'une décision d'assemblée générale des copropriétaires qui lui causait un préjudice personnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 avril 2013 rectifié le 12 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;

Condamne Mme Y... et le syndicat des copropriétaires Loger aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y... et le syndicat des copropriétaires Loger à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ; rejette la demande de Mme Y... ;

Voisinage - trouble anormal résultant d'une menace d'effondrement - préjudice de jouissance ?

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 17 février 2015
N° de pourvoi: 13-25.809
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Rousseau et Tapie, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)


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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mai 2013), que M. et Mme X..., se plaignant de devoir renoncer aux travaux d'extension de leur maison en raison du risque d'effondrement d'un mur de soutènement situé en limite de la propriété appartenant à Mmes Hélène, Françoise et Elisabeth A...(les consorts A...), ont, après expertise, assigné ces dernières, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, en destruction dudit mur ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que les consorts A...font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage impose aux juges de rechercher si les troubles invoqués excèdent les inconvénients normaux du voisinage ; qu'en se bornant à affirmer que le risque d'effondrement résultant de la très grande précarité du mur de soutènement relevée par l'expert était constitutif d'un trouble de voisinage dont les époux X...étaient en droit de demander la cessation, sans rechercher si le trouble était anormal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a caractérisé l'anormalité du trouble en relevant souverainement que le mur était dans un état de stabilité très précaire et présentait un risque d'effondrement, a légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que les époux X...font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en indemnisation des préjudices résultant du trouble anormal de voisinage, alors, selon le moyen :

1°/ que le droit de propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements ; que le propriétaire doit pouvoir jouir de son bien tel qu'il est ou tel qu'il voudrait qu'il soit ; que l'impossibilité de mener à bien un projet d'extension constitue une atteinte dans le droit de jouir de son bien de manière absolue et est donc constitutive d'un préjudice alors même qu'il resterait possible pour le propriétaire de jouir sans entrave de son bien en l'état ; qu'en excluant du préjudice de jouissance l'obstacle à la réalisation d'un projet d'extension en se fondant sur l'absence de trouble de jouissance du bien en l'état, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil ;

2°/ que le préjudice de jouissance invoqué ne concernait pas seulement la maison d'habitation, mais également le terrain autour de celle-ci dont la sécurité était compromise par le risque d'effondrement du mur ; qu'en déniant tout préjudice de jouissance en se bornant à se fonder sur une prétendue absence de préjudice de jouissance de la maison d'habitation, sans prendre en considération les menaces d'effondrement sur le terrain, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 544 du code civil ;

3°/ que les préjudices invoqués ne résultaient pas seulement d'un préjudice de jouissance lié à l'ajournement des travaux d'extension, mais aussi des travaux destinés à rendre la maison décemment habitable ainsi que d'un préjudice matériel résultant du renchérissement de 18 806, 05 euros des travaux qui avaient été entamés et qui avaient dû être interrompus à cause du mur litigieux ; qu'en ayant rejeté toutes les demandes de dommages et intérêts en s'étant bornée à se fonder sur une prétendue absence de préjudice de jouissance de la maison d'habitation, sans se prononcer sur tous les préjudices de jouissance ni sur le préjudice matériel invoqués, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les époux X...ne démontraient pas avoir été troublés dans la jouissance de leur maison d'habitation, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a légalement justifié sa décision par l'appréciation souveraine qu'elle a faite de l'absence de préjudice ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les consorts A...aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Mécanique des sols, voisinage et notion de trouble anormal résultant d'une activité industrielle arrêtée

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 10 mars 2015
N° de pourvoi: 13-27.692
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Jean-Philippe Caston, avocat(s)


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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2013), que M. X... a acquis des parcelles jouxtant et surplombant l'ensemble immobilier des Grands Coteaux de Gagny et a créé sur ce site une activité de recyclage de bétons de démolition et de décharge de matériaux ; qu'un glissement de terrain s'étant produit, le syndicat des copropriétaires des Grands Coteaux de Gagny a, après expertise, assigné la société X... et M. X... ès qualités de propriétaire du terrain en cause, en indemnisation de ses préjudices ; que des décisions ayant condamné la société X... à payer certaines sommes au syndicat des copropriétaires et à faire réaliser des travaux de reprofilage de son terrain et de comblement des carrières situées sur leur propriété ou à en payer le coût, la société X... a assigné en garantie la société Axa, ès qualités d'assureur responsabilité civile, laquelle a assigné en intervention forcée la société SAT ainsi que son assureur, la société Azur assurances aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société MMA ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant constaté que l'activité de la société X... avait contribué à la réalisation du sinistre en aggravant des risques liés à la nature des sols et que la société X... avait aujourd'hui arrêté son activité industrielle, la cour d'appel a pu en déduire, par des motifs non dubitatifs, que la légère aggravation des désordres constatée dans le cadre des investigations du technicien commis ayant conduit au rapport d'expertise du 18 juin 2008 et en suite desquelles l'expert avait préconisé la réalisation nécessaire de travaux de reprofilage du terrain litigieux et de comblement des anciennes carrières situées en aval, n'apparaissait pas relever d'un trouble anormal de voisinage consécutif à son activité garantie, mais, en l'état des éléments soumis, d'un trouble naturellement occasionné par la mécanique des sols, indépendante de toute activité industrielle exercée par la société X... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant retenu que la société Axa se prévalait des conclusions de l'expert selon lesquelles les surcharges du terrain situé au-dessus des grands coteaux étaient dues aux travaux exécutés par la société SAT et qu'il s'inférait des éléments dégagés par les investigations expertales que le sinistre survenu en mai 1998 était non seulement dû à la présence d'eau, mais également aux surcharges du terrain résultant des travaux exécutés par la société SAT, la cour d'appel s'est implicitement mais nécessairement fondée sur la responsablité pour faute de la société SAT ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


"Moulin rouge" et trouble anormal

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 31 mars 2015
N° de pourvoi: 13-21.300
Publié au bulletin Rejet

Mme Mouillard (président), président
SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)


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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2013), que la société Moulin rouge est titulaire de la marque verbale française « Moulin rouge », déposée le 3 mai 1973 et enregistrée sous le n° 876972, puis renouvelée le 26 novembre 2002 sous le n° 1 311 105, pour désigner, notamment en classes 16 et 21, la papeterie, les articles de bureau et la verrerie, produits pour la commercialisation desquels la société Bal du Moulin rouge, qui exploite à Paris le cabaret du même nom, bénéficie d'une licence exclusive ; qu'ayant constaté que la société Les éditions artistiques du Tertre (la société Les éditions du Tertre) commercialisait une trousse d'écolier, des tapis de souris et des dessous de verre sur lesquels était reproduite la marque « Moulin rouge » accompagnée d'un dessin d'un moulin de couleur rouge ou d'une photographie de la façade du Moulin rouge, les sociétés Moulin rouge et Bal du Moulin rouge l'ont assignée en contrefaçon de marque, concurrence déloyale et parasitisme ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Moulin rouge et Bal du Moulin rouge font grief à l'arrêt de dire que l'usage de la dénomination Moulin rouge par la société Les éditions du Tertre n'est pas constitutif d'un acte de contrefaçon et, en conséquence, de rejeter leur demande à ce titre alors, selon le moyen :

1°/ que constitue, dans la vie des affaires, une « utilisation à titre de marque » l'utilisation d'un signe pour désigner un lieu où sont principalement fournis les services pour lesquels cette marque a été déposée ; qu'en l'espèce, en écartant tout grief de contrefaçon, au motif inopérant tiré de ce que l'usage des termes « Moulin rouge » servait seulement à désigner le bâtiment dont la façade était reproduite ou auquel renvoyait une affiche, sans rechercher comme cela lui était expressément demandé, si l'intérêt du bâtiment ainsi désigné ne tenait pas exclusivement aux dîner-spectacles qui y sont proposés, de sorte que toute identification de ce lieu revenait à identifier les produits et services régulièrement exploités sous la marque « Moulin rouge », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard tant de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle que de l'article 5 § 1 de la directive 89/104/CCE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, à la lumière duquel il doit être interprété ;

2°/ que constitue, dans la vie des affaires, une « utilisation à titre de marque » l'utilisation d'un signe pour désigner un lieu où sont principalement fournis les services pour lesquels cette marque a été déposée ; qu'en l'espèce, en relevant par motifs propres et adoptés, pour écarter tout grief de contrefaçon, que l'usage incriminé de la dénomination « Moulin rouge » n'était pas faite à titre de marque, mais dans le but d'identifier le célèbre « cabaret » qui fait partie incontestable du « patrimoine touristique de Paris », ou encore dans le but d'identifier le cabaret du même nom qui fait incontestablement partie du « patrimoine culturel de Paris », de façon indissociable du bâtiment éponyme, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et privé sa décision de base légale au regard tant de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle que de l'article 5 § 1 de la directive 89/104/CCE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, à la lumière duquel il doit être interprété ;

3°/ qu'une marque a non seulement pour fonction essentielle de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service marqué, mais aussi pour fonctions « celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité » ; qu'en effet, « une marque constitue souvent, outre une indication de provenance des produits ou des services, un instrument de stratégie commerciale employé, en particulier à des fins publicitaires ou pour acquérir une réputation afin de fidéliser le consommateur » ; qu'en conséquence, le titulaire d'une marque - a fortiori renommée - est nécessairement habilité à interdire à un concurrent de reproduire celle-ci sur tous produits identiques ou similaires aux produits dérivés que lui-même exploite sous sa marque afin d'assurer sa promotion et tirer profit de sa notoriété ; qu'en l'espèce, en n'attribuant à la marque abusivement reproduite que la fonction de garantie d'origine, sans considération pour les autres fonctions s'attachant à la marque, la cour d'appel a violé l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 5 § 1 de la directive 89/104/CCE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, à la lumière duquel il doit être interprété ;

4°/ qu'une marque a non seulement pour fonction essentielle de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service marqué, mais aussi pour fonctions « celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité » ; qu'en effet, « une marque constitue souvent, outre une indication de provenance des produits ou des services, un instrument de stratégie commerciale employé, en particulier à des fins publicitaires ou pour acquérir une réputation afin de fidéliser le consommateur » ; qu'en conséquence, le titulaire d'une marque - a fortiori renommée - est nécessairement habilité à interdire à un concurrent de reproduire celle-ci sur tous produits identiques ou similaires aux produits dérivés que lui-même exploite sous sa marque afin d'assurer sa promotion et tirer profit de sa notoriété ; qu'en se dispensant pourtant de rechercher - comme cela lui était expressément demandé - si la reproduction par la société Les éditions du Tertre de la marque « Moulin rouge » pour des produits similaires à ceux exploités par la société Bal du Moulin rouge ne portait pas atteinte à ses fonctions de communication, d'investissement ou de publicité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 5 § 1 de la directive 89/104/CCE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, à la lumière duquel il doit être interprété ;

5°/ qu'une marque a pour fonction essentielle de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service marqué ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les produits litigieux commercialisés par la société Les éditions du Tertre utilisaient la dénomination « Moulin rouge » associée à l'image de l'établissement accueillant le cabaret, ou en reproduisant l'affiche publicitaire créée par Toulouse-Lautrec pour promouvoir la revue menée par la Goulue - c'est-à-dire précisément l'activité de cabaret ayant donné sa réputation au Moulin rouge, réputation sur laquelle s'appuie la marque du même nom - ; qu'en affirmant pourtant péremptoirement que cet usage n'affectait pas la garantie de provenance des produits d'origine, sans faire ressortir l'absence de risque de confusion sur la provenance des produits, ni donc le fait que le consommateur peut de manière certaine savoir que les produits litigieux ne sont pas des produits de la marque « Moulin rouge », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 5 § 1 de la directive 89/104/CCE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, à la lumière duquel il doit être interprété ;

Mais attendu qu'après avoir, par motifs propres et adoptés, constaté que la société Les éditions du Tertre utilisait la dénomination Moulin rouge, non pas de façon isolée pour désigner les produits litigieux qu'elle commercialise, mais en association avec l'image stylisée ou non du moulin qui abrite le cabaret parisien, ou reproduisait l'affiche de Toulouse-Lautrec réalisée pour la publicité de la revue menée par La Goulue, dans le but d'identifier ce cabaret qui fait partie du patrimoine touristique de Paris, et ce, de façon indissociable du bâtiment éponyme, l'arrêt retient que cette dénomination n'est employée qu'à des fins descriptives d'un site touristique, au même titre que d'autres monuments emblématiques de la capitale, sans affecter la garantie d'origine des produits sur lesquels elle est apposée ; qu'il en déduit que, si son usage intervient dans la vie des affaires, il ne constitue cependant pas un usage à titre de marque, faute de remplir la fonction distinctive conférée à cette dernière ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches inopérantes visées aux première, troisième, quatrième et cinquième branches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés Moulin rouge et Bal du Moulin rouge font grief à l'arrêt de rejeter les demandes formées par la société Bal du Moulin rouge sur le fondement du parasitisme alors, selon le moyen :

1°/ que constitue un acte de parasitisme tout comportement par lequel un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de sa notoriété, de ses efforts et de son savoir-faire ; que le parasitisme n'implique nullement que l'auteur du comportement incriminé fasse explicitement référence à l'activité commerciale de l'agent dont les efforts ou le savoir-faire sont parasités ; qu'en l'espèce, la société Bal du Moulin rouge invoquait une atteinte portée à sa dénomination sociale, son nom commercial et son enseigne, tous éléments essentiels de son fonds de commerce, du fait des reproductions par la société Les éditions du Tertre sur ses produits et donc à des fins commerciales de l'élément distinctif et des termes Moulin rouge, dans le but de se placer dans son sillage et de profiter de sa notoriété ; qu'en relevant, pour écarter tout acte contraire à l'exercice loyal du commerce, que la société Les éditions du Tertre, si elle reproduisait le Moulin rouge en utilisant cette dénomination, ne faisait pas référence à l'activité commerciale de cet établissement, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que constitue un acte de parasitisme tout comportement par lequel un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de sa notoriété, de ses efforts et de son savoir-faire ; que le parasitisme n'implique pas l'existence d'un risque de confusion ; qu'en l'espèce, en écartant tout parasitisme de la part de la société Les éditions du Tertre, au motif inopérant qu'il ne pouvait exister aucune confusion entre les activités respectives des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la société Les éditions du Tertre reproduit sur ses produits les principaux monuments et lieux touristiques de Paris, en les désignant par leurs noms, et, en ce qui concerne le Moulin rouge, sans faire référence à l'activité commerciale de cet établissement ; qu'en l'état de ces constatations, faisant ressortir que cette société ne s'est pas immiscée dans le sillage de la société Bal du Moulin rouge, exploitant le cabaret éponyme, et n'a pas cherché à profiter de sa notoriété, la cour d'appel, abstraction faite de la référence surabondante à l'absence de confusion entre les activités respectivement exercées par les parties, critiquée par la seconde branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les sociétés Moulin rouge et Bal du Moulin rouge font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de la société Bal du Moulin rouge au titre de la concurrence déloyale alors, selon le moyen :

1°/ que l'existence de concurrence déloyale n'implique pas que l'auteur de tels actes fasse référence à l'activité commerciale de l'établissement concurrencé ; qu'en l'espèce, en retenant, pour écarter la concurrence déloyale, que la société Les éditions du Tertre ne faisait pas référence à l'activité commerciale du Moulin rouge, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que la cour d'appel a constaté que les produits litigieux commercialisés par la société Les éditions du Tertre utilisaient la dénomination « Moulin rouge » associée à l'image de l'établissement accueillant le cabaret, ou en reproduisant l'affiche publicitaire créée par Toulouse-Lautrec pour promouvoir la revue menée par La Goulue ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il ne pouvait exister aucun risque de confusion entre les activités respectivement exercées par les parties, sans expliquer en quoi le consommateur pouvait, au vu des produits précités, raisonnablement savoir qu'il ne s'agissait pas de produits dérivés de l'activité de dîner-spectacle exploitée par la société Bal du Moulin rouge, et pour lesquels elle dispose d'une licence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt constate que la société Les éditions du Tertre reproduit sur ses produits les principaux monuments et lieux touristiques de Paris, en les désignant par leurs noms, et, en ce qui concerne le Moulin rouge, sans faire référence à l'activité commerciale de cet établissement, et en déduit qu'il ne peut exister aucune confusion entre les activités respectivement exercées par les parties ; que l'arrêt relève, en outre, qu'il n'est pas démontré d'acte contraire à l'exercice loyal du commerce ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de faire la recherche, inopérante, visée à la seconde branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que les sociétés Moulin rouge et Bal du Moulin rouge font grief à l'arrêt de rejeter la demande de la société Bal du Moulin rouge en réparation du trouble anormal porté à sa propriété alors, selon le moyen, que le propriétaire d'une chose, s'il ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci, peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal ; qu'en l'espèce, en écartant les prétentions de la société Bal du Moulin rouge au titre du trouble anormal causé à sa propriété, aux motifs inopérants tirés de l'absence de risque de confusion, d'acte contraire à l'exercice loyal du commerce, ou de profit indûment tiré de l'image du Moulin rouge, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si un trouble anormal ne résultait pas de la reproduction sur des supports de qualité médiocre, trousse d'écolier, tapis de souris et dessous de verre, de la façade du Moulin rouge qui avilissait l'image de ce célèbre cabaret parisien et la dépréciait dans l'esprit du public, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 544 du code civil ;

Mais attendu qu'en relevant qu'aucun préjudice n'était résulté de la reproduction du Moulin rouge parmi les principaux monuments et lieux touristiques de Paris, la cour d'appel a fait ressortir que n'était pas caractérisé un trouble anormal au droit de propriété de la société Bal du Moulin rouge ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Moulin rouge et Bal du Moulin rouge aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Les éditions artistiques du Tertre la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;


Notion de trouble anormal né d'une violation du permis de construire par son voisin

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 7 avril 2015
N° de pourvoi: 14-12.008
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
Me Foussard, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en matière de référé (Caen, 19 novembre 2013), que M. X..., propriétaire d'un immeuble situé dans un périmètre régi par un plan de sauvegarde et de mise en valeur jouxtant celui de M. Y..., a créé une extension de sa maison sous forme d'une construction fermée et d'un préau ouvert faisant l'objet d'un permis de construire assorti de l'obligation de réaliser la couverture en zinc prépatiné et non en bac acier ; que se plaignant du non respect de cette prescription et de diverses non-conformités, M. Y... a assigné son voisin en référé afin d'obtenir la démolition de la construction ;

Sur le premier moyen ci-après annexé :

Attendu qu'ayant répondu, par motifs propres et en partie adoptés, aux moyens soulevés par M. Y... reprenant les conclusions de l'expertise qu'il avait fait réaliser, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de se référer elle-même aux termes d'une pièce qu'elle décidait d'écarter, a pu, sans violer l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, décider que le dommage imminent et le trouble invoqués n'étaient pas démontrés ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que la toiture de l'immeuble de M. X... n'était pas visible de la propriété de M. Y... et retenu par une appréciation souveraine, que celui-ci ne subissait aucun trouble, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre le demandeur dans le détail de son argumentation, en a exactement déduit que les demandes fondées sur l'existence de troubles anormaux de voisinage devaient être rejetées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;


mardi 28 avril 2015

Notion de désordres apparents et maîtrise d'ouvrage publique (CE)

Voir notes :

- Gaudemar, RDI 2015, p. 423.
- Martin, AJDA 2015, p. 1819.

Conseil d'État

N° 376229
ECLI:FR:CESSR:2015:376229.20150415
Publié au recueil Lebon
7ème / 2ème SSR
Mme Natacha Chicot, rapporteur
M. Bertrand Dacosta, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP ODENT, POULET ; SCP BOULLOCHE ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR, avocats


lecture du mercredi 15 avril 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


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Texte intégral
Vu la procédure suivante :

La commune de Saint-Michel-sur-Orge a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la société Outarex, la SMABTP, l'atelier d'architecture Malisan et la société Qualiconsult, sur le fondement de la garantie décennale, au titre de la réparation des désordres constatés sur le bâtiment du réfectoire et de la cuisine d'un groupe scolaire et de l'indemnisation du préjudice subi en raison de la privation d'utilisation de ce bâtiment.

Par un jugement n° 0707270 du 4 octobre 2011, le tribunal administratif de Versailles a condamné solidairement la société Outarex, l'atelier d'architecture Malisan et la société Qualiconsult au paiement à la commune de Saint-Michel-sur-Orge de la somme de 636 002,78 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts à compter du 11 juillet 2007 et de leur capitalisation à compter du 11 juillet 2008.

Par un arrêt n° 11VE04049 du 30 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur la requête de la société Qualiconsult, d'une part, déchargé cette société, la société Atelier d'architecture Malisan et la société Outarex de ces condamnations et, d'autre part, rejeté les conclusions d'appel incident de la commune.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mars et 10 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Michel-sur-Orge demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel des sociétés Qualiconsult, Atelier d'architecture Malisan et Outarex et de faire droit à son appel incident ;

3°) de mettre à la charge des sociétés Qualiconsult, Atelier d'architecture Malisan et Outarex et de la SMABTP le versement de la somme globale de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Natacha Chicot, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune de Saint-Michel-sur-Orge, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société Qualiconsult, à la SCP Boulloche, avocat de la société Atelier d'architecture Malisan, et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Outarex et de la société SMABTP ;



1. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Saint-Michel-sur-Orge a engagé, en 1997, des travaux portant sur le réaménagement d'un groupe scolaire, notamment la construction d'une extension au bâtiment du réfectoire et de l'office ; que la réalisation de ces travaux, qui devaient également permettre de stabiliser les murs porteurs du bâtiment existant, a été confiée à la société Outarex, le contrôle technique à la société Qualiconsult et la maîtrise d'oeuvre à la société Atelier d'architecture Malisan ; que les travaux ont fait l'objet d'une réception avec réserves le 11 décembre 1997, qui ont été levées le 30 avril 1998 ; que, toutefois, des désordres sont apparus dans le bâtiment existant du réfectoire, conduisant la commune de Saint-Michel-sur-Orge à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs ; que la commune se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 décembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Versailles avait condamné solidairement la société Outarex, la société Atelier d'architecture Malisan et la société Qualiconsult à réparer les préjudices subis, au titre de leur responsabilité décennale, et réparti les responsabilités respectives des constructeurs et de la commune ;

3. Considérant que, pour juger que les désordres résultant de l'absence de réalisation des travaux de reprise en sous-oeuvre des fondations de bâtiments étaient apparents lors de la réception des travaux et rejeter, par suite, les conclusions indemnitaires de la commune présentées sur le terrain de la garantie décennale, la cour administrative d'appel a relevé que la commune ne s'était pas assurée de la bonne exécution de ces travaux de reprise, alors que ses services étaient en mesure de suivre le chantier et qu'elle avait été pleinement informée du caractère indispensable des travaux litigieux ; qu'en relevant ainsi l'existence d'une faute du maître de l'ouvrage dans le suivi et le contrôle de l'exécution du marché sans laquelle il aurait pu avoir connaissance de l'absence de réalisation des travaux litigieux, alors qu'il lui appartenait, à ce stade, non de se prononcer sur une faute du maître de l'ouvrage mais de déterminer dans quelle mesure les désordres tenant à l'absence de réalisation de ces travaux étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Saint-Michel-sur-Orge qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Outarex, SMABTP, Atelier d'architecture Malisan et Qualiconsult le versement à la commune de Saint-Michel-sur-Orge de la somme de 1 000 euros chacune en application des mêmes dispositions ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 30 décembre 2013 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les sociétés Outarex, SMABTP, Atelier d'architecture Malisan et Qualiconsult verseront une somme de 1 000 euros chacune à la commune de Saint-Michel-sur-Orge au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par les sociétés Outarex, SMABTP, Atelier d'architecture Malisan et Qualiconsult au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Michel-sur-Orge, aux sociétés Outarex, Atelier d'architecture Malisan, Qualiconsult et à la SMABTP.



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Analyse
Abstrats : 39-06-01-04 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE. RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS À L'ÉGARD DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE. RESPONSABILITÉ DÉCENNALE. - FONDEMENT [RJ1].
39-06-01-04-005 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE. RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS À L'ÉGARD DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE. RESPONSABILITÉ DÉCENNALE. CHAMP D'APPLICATION. - DÉSORDRE ÉVOLUTIFS - INCLUSION [RJ2].
39-06-01-04-03-01 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE. RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS À L'ÉGARD DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE. RESPONSABILITÉ DÉCENNALE. DÉSORDRES DE NATURE À ENGAGER LA RESPONSABILITÉ DÉCENNALE DES CONSTRUCTEURS. N'ONT PAS CE CARACTÈRE. - DÉSORDRES APPARENTS LORS DE LA RÉCEPTION - NOTION [RJ3].

Résumé : 39-06-01-04 Le Conseil d'Etat, tout en visant le code civil et en se référant aux principes régissant la garantie décennale des constructeurs, ne fait plus expressément référence dans ses motifs aux principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 de ce code dans la mesure où les dispositions de l'article 2270 relatives au délai décennal, reprises au nouvel article 1792-4-1, n'y figurent plus depuis la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.
39-06-01-04-005 Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.
39-06-01-04-03-01 La garantie décennale ne s'applique pas à des désordres qui étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage. Cependant, une cour administrative d'appel commet une erreur de droit en écartant cette garantie au motif que le maître de l'ouvrage aurait commis une faute dans le suivi et et le contrôle de l'exécution du marché sans laquelle il aurait pu avoir connaissance du désordre au moment de la réception des travaux.



[RJ1]Comp., sur ce point, CE, 31 mai 2010, Communes de Parnes, n° 317006, T. p. 854., ,[RJ2]Cf., sur ce point, CE, 31 mai 2010, Communes de Parnes, n° 317006, T. p. 854., ,[RJ3]Cf. sol. contr., CE, 25 octobre 1985, Ville de Toulon c. société Balency-Briard, T. p. 689 ; CE, 21 février 1986, OPHLM de la ville d'Avignon, n° 51008, T. p. 617.


Le Tribunal des conflits renforcé

Etude Seiller, SJ G 2015, p. 844.

Une nouvelle ère pour la procédure civile (suite, mais sans doute pas fin)

Etude Bléry et Teboul, Gaz Pal 2015, n° 107, p. 7.

Le préjudice d'anxiété entre flux... et reflux ?

Etude Colonna et Renaux-Personnic, Gaz Pal 2015, n°109, p. 7.

L'erreur d'implantation relève de la responsabilité décennale

Voir notes :

- Ajaccio, Dictionnaire permanent « assurances », bulletin n° 248, juin 2015, p. 7.
- PAGES DE VARENNE, Revue « CONSTRUCTION URBANISME », 2015, n° 6, p. 32.
- Malinvaud, RDI 2015, p. 363.
- Zalewski-Sicard, RTDI 2015-3, p. 35.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 15 avril 2015
N° de pourvoi: 14-13.054
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Terrier (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Odent et Poulet, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 octobre 2013), que la société Nord Lotir est intervenue en qualité de lotisseur sur le site d'une ancienne tuilerie nécessitant la réalisation de fondations spéciales ; que M. et Mme X...- Y..., ayant acquis un terrain situé dans ce lotissement, ont confié à la société Nord Lotir la réalisation de colonnes ballastées, exécutées par la société Keller fondations spéciales, destinées à supporter les fondations d'une maison individuelle qu'ils ont fait construire par la société Geoxia Nord-Ouest et qui appartient aujourd'hui à la seule Mme Y... ; que M. et Mme Z..., propriétaires de la parcelle mitoyenne ayant constaté des empiétements sur leur terrain des tuiles de rives et des colonnes ballastées de la maison de Mme Y..., l'ont assignée en responsabilité et celle-ci a appelé en garantie la société Geoxia Nord-Ouest et son assureur la société Axa corporate solutions, la société Nord Lotir et la société Keller fondations spéciales ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel n'ayant pas, dans le dispositif de son arrêt, débouté la société Keller fondations spéciales de son recours en garantie contre M. et Mme Z..., le moyen, qui ne critique que les motifs de l'arrêt, est irrecevable ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour retenir la faute de la société Keller fondations spéciales et la condamner in solidum avec la société Nord Lotir à garantir Mme Y... du coût des travaux de démolition et de reconstruction de son immeuble, de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice lié à l'obligation de démolir et de reconstruire, l'arrêt retient qu'au moment où elle a effectué les travaux, le lot de Mme Y... était déjà délimité et qu'elle a réalisé sa prestation en pleine connaissance de cause ;

Qu'en statuant ainsi, sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait, alors que dans ses conclusions d'appel, la société Keller fondations spéciales soutenait que le bornage des parcelles en cause n'avait pas été établi lorsqu'elle avait mis en place les colonnes ballastées en respectant le plan d'architecte, annexé au permis de construire de Mme Y..., qui lui avait été fourni par la société Nord Lotir, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, le premier moyen du pourvoi incident de la société Nord Lotir pris en ses deuxième et troisième branches, le second moyen du pourvoi incident de la société Nord Lotir et le moyen unique du pourvoi incident de Mme Y..., réunis :

Vu l'article 1792 du code civil ;

Attendu que pour mettre hors de cause la société Geoxia Nord-Ouest et son assureur, l'arrêt retient que, d'une part, aux termes du contrat de construction de maison individuelle, la société Geoxia Nord-Ouest avait à sa charge la réalisation des fondations, mais non la remise en état du sol, qu'elle a fourni à la société Nord Lotir les plans de l'immeuble de Mme Y..., mais qu'il n'est pas démontré qu'elle a été informée de la réalisation des travaux de reconstitution de sol, ni qu'elle a été consultée pour l'implantation des colonnes ballastées, ni qu'elle a été avisée d'un débord de ces colonnes sur le fonds voisin et qu'en conséquence l'imputabilité du dommage aux prestations fournies par la société Geoxia Nord-Ouest n'est pas démontrée et que, d'autre part, celle-ci reconnaît sa responsabilité dans le débord des tuiles de rive sur le pignon mais que ce débord sera supprimé lors de la démolition et la reconstruction de l'immeuble de Mme Y... et qu'elle ne peut être condamnée in solidum à supporter le coût de la démolition et de la reconstruction de l'immeuble ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le constructeur de maison individuelle est responsable de plein droit, envers le maître de l'ouvrage, d'une erreur d'implantation de l'immeuble et des dommages causés par les travaux de construction qu'il réalise ou fait réaliser, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum la société Keller fondations spéciales avec la société Nord Lotir à garantir Mme Y... du coût des travaux de démolition et reconstruction de son immeuble fixé à 233 220 euros, et à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, met hors de cause la société Geoxia Nord-Ouest et la société Axa corporate solutions, et dit que la société Keller fondations spéciales devra garantir la société Nord Lotir des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt rendu le 29 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société la société Geoxia Nord-Ouest et la société Axa corporate solutions aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

jeudi 23 avril 2015

Assurances de biens : clauses d'obligation de reconstruction inopposables par les responsables

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 11 décembre 2014
N° de pourvoi: 13-27.135 14-12.804
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Flise (président), président
SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Rousseau et Tapie, SCP Vincent et Ohl, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Joint les pourvois n° P 13-27.135 et H 14-12.804 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 29 mai 2013), que Mme X... a, par acte notarié du 29 mars 2002, donné à bail commercial à M. Y... un local situé dans un immeuble à Lezoux ; que celui-ci a cédé son fonds de commerce en mars 2004 à M. Z... ; que le 14 avril 2004, cet immeuble a été détruit par une explosion et un incendie, qui ont causé le décès de trois personnes ainsi que des dégâts matériels importants ; que par jugement du 13 mars 2012, MM. Y... et Z... ont été déclarés coresponsables du préjudice subi par Mme X..., le sinistre trouvant son origine dans une installation défectueuse de l'alimentation en gaz de ce local servant de pizzeria, posée par M. Y..., et utilisée par M. Z... ;

Attendu que le moyen unique du pourvoi n° H 14-12.804 n'est pas de nature à permettre l'admission de ce pourvoi ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° P 13-27.135 :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de condamnation de son assureur, la société GPA IARD, devenue Generali IARD, à lui payer le montant de l'indemnité « valeur à neuf » de l'immeuble sinistré, sous déduction de la provision versée, soit la somme de 139 269 euros, ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen, que selon les dispositions de l'article L. 114-2 du code des assurances, l'interruption de la prescription biennale applicable à toutes les actions qui dérivent du contrat d'assurance peut résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ; qu'en reprochant à Mme X... de ne pas avoir reconstruit dans le délai de deux ans prévu par la police d'assurance quand elle a constaté que par lettre du 27 mars 2006, l'assurée avait interrompu « toute prescription » que l'assureur serait en droit de lui opposer « pour le paiement de l'ensemble des compléments d'indemnités qu'il restait lui devoir », ce dont il résultait que ce délai de deux ans avait été interrompu et ne pouvait lui être opposé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 114-2 du code des assurances ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de procédure que Mme X... se soit prévalue, devant la cour d'appel, des dispositions de l'article L. 114-2 du code des assurances pour prétendre à l'interruption de la prescription de deux ans ;

D'où il suit que, nouveau et mélangé de fait et de droit, ce moyen est irrecevable ;

Mais, sur le second moyen du pourvoi n° P 13-27.135 :

Vu l'article 1165 du code civil ;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande tendant à obtenir la condamnation de M. Y... et de son assureur, la société CRAMA-Groupama à lui payer les sommes de 67 887 euros et 72 432 euros au titre de la vétusté de l'immeuble sinistré et au titre du complément de loyers au 15 avril 2012, ainsi que ceux à venir, outre le montant du complément de l'indemnité valeur à neuf de l'immeuble sinistré, soit la somme de 139 269 euros, en cas de non-condamnation à ce titre de la société GPA, l'arrêt énonce que Mme X... ne saurait réclamer à l'assureur du responsable du sinistre les sommes qu'elle n'a pas perçues de son propre assureur puisqu'elle n'a pas justifié avoir été dans l'impossibilité de reconstruire dans le délai contractuellement imparti et que c'est ainsi de son fait qu'elle n'a pas été indemnisée ;

Qu'en se déterminant par ces motifs, alors que l'exigence de reconstruction dans le délai de deux ans prévue à la police d'assurance liant la société GPA à Mme X..., visait à limiter l'indemnisation due à celle-ci par son assureur et n'avait donc pas vocation à régler ses rapports avec les responsables du sinistre ou leur assureur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE non admis le pourvoi n° H 14-12.804 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que Mme X... ne pouvait prétendre à la condamnation de M. Y... et de son assureur qu'au titre des frais d'expertise non pris en charge par la société Generali, l'arrêt rendu le 29 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. Y... et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Rhône Alpes Auvergne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Rhône Alpes Auvergne à payer à Mme X... la somme globale de 3 000 euros, rejette les autres demandes ;


Tâches et auréoles sur le dallage en marbre du salon : pas de responsabilité décennale !

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 25 novembre 2014
N° de pourvoi: 13-13.543
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que les tâches et auréoles qui affectaient le dallage en marbre du salon n'avaient qu'un caractère inesthétique, ni la solidité du sol ni l'impropriété du carrelage à sa destination n'étant en cause, la cour d'appel, qui, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes et à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire que M. X... devait être débouté de son action contre les locateurs d'ouvrage au visa unique de l'article 1792 du code civil, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;