jeudi 7 juin 2018

Prêt - Devoir de conseil du banquier

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du jeudi 24 mai 2018
N° de pourvoi: 17-16.280
Non publié au bulletin Rejet

Mme Mouillard (président), président
Me Le Prado, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2016), que M. et Mme X... se sont rendus cautions d'un prêt consenti le 31 août 2007 par la société CIC Lyonnaise de banque (la banque) à la société X... BC ; que cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné M. et Mme X... en paiement ; que ceux-ci ont recherché, à titre reconventionnel, la responsabilité de la banque pour avoir manqué à son devoir de mise en garde ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de condamner M. et Mme X... à lui payer la somme de 101 101 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,20 % à compter du 20 septembre 2013, de la condamner à payer à M. et Mme X..., chacun, la somme de 80 000 euros de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et, ordonnant la compensation des sommes dues au titre de ces condamnations, de condamner en conséquence M. et Mme X... à lui payer la somme de 21 101 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 5,20 % à compter du 20 septembre 2013 alors, selon le moyen :

1°/ que le manquement d'une banque à son devoir de mise en garde à l'égard d'un emprunteur non averti ne constitue pas une exception inhérente à la dette dont peuvent se prévaloir les cautions ; qu'en énonçant le contraire pour allouer à M. et Mme X..., qu'elle a qualifiés de cautions non averties, des dommages-intérêts en réparation d'un prétendu manquement de la banque à son devoir de mise en garde à l'égard de la société cautionnée, la cour d'appel a violé l'article 2313 du code civil ;

2°/ que l'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi et non pas sur l'opportunité ou sur les risques de l'opération financée ; que pour accueillir la demande de dommages-intérêts formée par les époux X... en leur qualité de cautions de la société X... BC, l'arrêt énonce que la viabilité de l'opération était subordonnée à une augmentation sensible du chiffre d'affaires, et reproche à la banque de ne pas avoir mis en garde les propriétaires du fonds de commerce du « risque financier particulier » consistant à exploiter et à augmenter l'activité d'une librairie-papeterie dans une petite ville dans laquelle ceux-ci n'habitaient pas auparavant ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que M. et Mme X... devaient être considérés comme non avertis et que les éléments comptables de la société X... BC établissaient que la conjonction de la charge de remboursement du prêt et d'un prélèvement même mesuré pour le gérant de cette société ne pouvait rendre l'opération viable qu'à la condition d'une augmentation sensible du chiffre d'affaires, ce dont elle a déduit l'existence d'un risque financier particulier qui aurait justifié que M. et Mme X... soient mis en garde par la banque, la cour d'appel a fait ressortir l'existence d'un risque, non de l'opération financée, mais de l'endettement né de l'octroi du prêt résultant de l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de la société débitrice principale ; que le moyen, inopérant en sa première branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la banque fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des écrits versés aux débats ; que dans l'acte authentique du 31 août 2007, M. et Mme X... ont chacun pris un engagement de caution distinct envers la banque à raison du prêt souscrit par la société X... BC, portant chacun sur la somme de 101 100 euros incluant le principal et les intérêts, la clause 6-1 de l'acte stipulant que « le présent cautionnement s'ajoute et s'ajoutera à toutes garanties réelles ou personnelles qui ont pu ou qui pourront être fournis par la caution, par le cautionné ou par tout tiers », ce dont il résulte que la banque se trouvait garantie, au total, à concurrence de 202 200 euros ; qu'en énonçant que « l'acte authentique comportait un engagement de caution personnelle et solidaire des obligations de la société au titre du prêt par M et Mme X... à hauteur de la somme maximale de 101 100 euros » et en limitant la condamnation de M. et Mme X... au paiement de la somme de 101 101 euros, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte notarié du 31 août 2007 et a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la victime ne peut obtenir une réparation supérieure au montant du dommage qu'elle a subi ; qu'en condamnant la banque à verser à M. et Mme X... la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison d'un prétendu défaut de mise en garde à l'égard de la débitrice principale, tout en limitant leur condamnation au titre de leurs cautionnements respectifs à la somme globale de 101 101 euros, la cour d'appel qui a méconnu le principe de la réparation intégrale, a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ que tout en limitant à 101 101 euros le montant total de la condamnation prononcée contre M. et Mme X... au titre de leurs cautionnements et en leur allouant à chacun la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel, ordonnant la compensation des sommes dues au titre des condamnations susvisées, a condamné M et Mme X... au paiement d'une somme totale de 21 101 euros ; qu'en statuant par ces motifs et chefs de dispositif contradictoires, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Mais attendu que les vices dénoncés par le moyen procèdent d'erreurs matérielles dont la rectification sera ci-après ordonnée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 462 du code de procédure civile ;

Réparant les erreurs matérielles affectant l'arrêt attaqué, dit que, dans son dispositif, en page 6, au lieu de :

« Condamne M. Bruno X... et à Mme Christine Y... épouse X... à payer à la société de Crédit Industriel et Commercial Lyonnaise de Banque la somme de 101.101 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,20 % à compter du 20 septembre 2013 ; »

il faut lire :

« Condamne M. Bruno X... et à Mme Christine Y... épouse X... à payer à la société de Crédit Industriel et Commercial Lyonnaise de Banque, chacun, la somme de 101.101 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,20 % à compter du 20 septembre 2013 ; »

et au lieu de :

« Condamne M. Bruno X... et Mme Christine Y... épouse X... à payer à la société de Crédit Industriel et Commercial Lyonnaise de Banque la somme de 21.101 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,20 % à compter du 20 septembre 2013 ; »

il faut lire :

« Condamne M. Bruno X... et Mme Christine Y... épouse X... à payer à la société de Crédit Industriel et Commercial Lyonnaise de Banque, chacun, la somme de 21.101 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,20 % à compter du 20 septembre 2013 ; » ;

Condamne la société CIC Lyonnaise de banque aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;

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