mardi 25 mars 2025

Diagnostic technique annexé à la promesse de vente : l'acquéreur doit faire procéder aux travaux de mise en conformité

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL




COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 mars 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 146 FS-B

Pourvoi n° D 23-18.472






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MARS 2025

Le syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 23-18.472 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2023 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [P] [O], épouse [Z], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à Mme [F] [J], épouse [I], domiciliée [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Mme [O] a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillaudier, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat du syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Guillaudier, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mme Foucher-Gros, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte au syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [I].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 26 avril 2023), par acte authentique du 9 décembre 2014, Mme [I] a vendu à Mme [Z] une maison d'habitation.

3. L'acte de vente mentionnait la présence d'une installation autonome de type fosse septique et se référait à un rapport du 28 mars 2012 du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable Auch Nord, désormais intégré au syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone (le syndicat mixte), concluant que le système était conforme, satisfaisant, complet et en bon état de fonctionnement.

4. Se plaignant de dysfonctionnements de l'installation, Mme [Z] a, après expertise, assigné Mme [I] et le syndicat mixte en réparation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. Le syndicat mixte fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [Z] une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que, s'agissant d'une créance de dommage, la prescription quadriennale des créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public prévue par la loi du 31 décembre 1968 commence à courir le premier jour de l'année au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué ; qu'en fixant dès lors le point de départ de la prescription quadriennale à la date à laquelle Mme [Z] avait eu connaissance de son dommage au cours de l'année 2015, quand elle constatait que le fait générateur de celui-ci résultait d'une faute commise lors de la réalisation, le 28 mars 2012, du contrôle de l'installation d'assainissement du bien qu'elle avait acquis ultérieurement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public.

8. Aux termes de l'article 3 de cette loi, la prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement.

9. Il résulte de ces textes que, si le point de départ de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué, la prescription ne peut courir tant que la victime n'a pas eu connaissance du dommage, fondant sa créance en réparation.

10. La cour d'appel, qui a constaté que le rapport de contrôle des installations d'assainissement, réalisé le 28 mars 2012 et joint à l'acte de vente, était erroné et que Mme [Z] avait acquis la maison le 9 décembre 2014, faisant ainsi ressortir qu'elle ignorait l'existence de sa créance en réparation avant cette date, en a déduit, à bon droit, qu'ayant assigné le syndicat mixte en référé expertise les 11 et 16 octobre 2018, la prescription quadriennale, qui avait été interrompue par cette assignation, n'était pas expirée à la date de son assignation au fond.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de condamner le syndicat mixte à lui payer la seule somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que
le préjudice causé par les erreurs contenues dans un diagnostic relatif à une installation d'assainissement non collectif est certain ; qu'en jugeant que le manquement du syndicat mixte Trigone qui n'avait pas effectué de façon effective le contrôle de l'installation d'assainissement et avait conclu que le dispositif était conforme avait causé un préjudice « constitué par la perte d'une chance d'obtenir un prix de vente moins élevé, en raison du défaut de conformité et de fonctionnement de l'installation d'assainissement », la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble les articles L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation dans sa version alors applicable, et L. 1331-11-1 du code de la santé publique dans sa version alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors applicable :

13. Selon ce texte, le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l'acte authentique de vente d'un immeuble comprend le document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif et, en cas de non-conformité de celles-ci lors de la signature de l'acte authentique de vente, l'acquéreur doit faire procéder aux travaux de mise en conformité dans un délai d'un an après l'acte de vente.

14. Il en résulte que les préjudices liés au caractère erroné du document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif revêtent un caractère certain.

15. Pour limiter à une certaine somme l'indemnisation de Mme [Z], l'arrêt retient que son préjudice s'analyse en une perte de chance d'obtenir un prix de vente moins élevé en raison du défaut de conformité et de fonctionnement de l'installation d'assainissement.

16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

17. La cassation du chef de dispositif limitant la condamnation du syndicat mixte à la somme de 10 000 euros n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt le condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation du syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone à la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 26 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne le syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone et le condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300146

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