vendredi 7 novembre 2025

Obligation de demander l'annulation ou l'infirmation du jugement dans le dispositif des conclusions

 Note S. Amrani-Mekki, Procédures 2025-11, p.  23.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 11 septembre 2025




Rejet


Mme MARTINEL, présidente



Arrêt n° 825 F-B

Pourvoi n° G 23-10.426




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 SEPTEMBRE 2025

Mme [I] [M], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 23-10.426 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société Légal, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Caillard, conseillère, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [M], de la SCP Françoise Fabian-François Pinatel, avocat de la société Légal, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 juin 2025 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Caillard, conseillère rapporteure, Mme Durin-Karsenty, conseillère doyenne, et Mme Sara, greffière de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 10 novembre 2022), le 28 janvier 2021, Mme [M] a relevé appel d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans le litige l'opposant à son ancien employeur, la société Légal.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Mme [M] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement et ainsi de dire que son licenciement repose sur un motif réel et sérieux, de débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans motif réel et sérieux, ainsi que de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, de dire qu'elle a le statut de cadre dirigeant et de la débouter de ses demandes d'heures supplémentaires et d'indemnité au titre du travail dissimulé, alors :

« 1°/ que l'appelant qui a indiqué dans la déclaration d'appel solliciter l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel n'est pas tenu de réitérer cette mention dans ses conclusions d'appel ; qu'en retenant ne pouvoir que confirmer le jugement, à raison de ce que l'appelante n'avait pas expressément indiqué dans les prétentions énoncées au dispositif de ses conclusions déposées dans le délai fixé par l'article 908 du code de procédure civile qu'elle sollicitait l'infirmation du jugement, peu important que Mme [M] ait expressément sollicité cette infirmation dans la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile ;

2°/ que si la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, ce dispositif peut être éclairé par la discussion figurant dans le corps des mêmes conclusions ; qu'en retenant ne pouvoir que confirmer le jugement, à raison de ce que le dispositif des conclusions déposées dans le délai fixé par l'article 908 du code de procédure civile, qui visait la condamnation de la société Legal à des sommes non obtenues en première instance mais également à des sommes allouées par les premiers juges, était ambigu et ne permettait pas de déterminer s'il était demandé l'infirmation ou la confirmation des chefs de la décision entreprise, peu important que Mme [M] ait expressément sollicité cette infirmation dans le corps de ses écritures déposées le 4 février 2021, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;

3°/ que tout formalisme inutile ou excessif porte une atteinte abusive au droit d'accès au juge ; qu'en retenant ne pouvoir que confirmer le jugement, à raison de ce que l'appelante n'avait pas expressément indiqué dans les prétentions énoncées au dispositif de ses conclusions déposées dans le délai fixé par l'article 908 du code de procédure civile qu'elle sollicitait l'infirmation du jugement, peu important que Mme [M] ait expressément sollicité cette infirmation dans la déclaration d'appel et dans le corps de ses écritures déposées le 4 février 2021 ou encore dans le dispositif de ses conclusions postérieures déposées hors du délai de l'article 908 susvisé, la cour d'appel, qui a exigé un formalisme excessif et inutile, a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

3. Il est jugé, depuis un arrêt du 17 septembre 2020, qu'il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié au Bulletin).

4. Dans la mesure où l'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date du présent arrêt, aurait abouti à priver les appelants du droit à un procès équitable, la Cour de cassation en a reporté les effets aux déclarations d'appel postérieures au 17 septembre 2020.

5. Il est encore jugé que l'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954 et qu'il résulte de ce dernier texte, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel.

6. A défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement (2e Civ., 29 septembre 2022, pourvoi n° 21-14.681, publié au Bulletin).

7. Ces règles, qui s'appliquent dans les procédures dans lesquelles les parties sont nécessairement représentées par un avocat, professionnel du droit se devant d'être informé des évolutions de la jurisprudence, n'imposent aucun formalisme excessif de nature à priver les parties de leur droit d'accès au juge, l'application différée résultant de l'arrêt du 17 septembre 2020 aux seules déclarations d'appel postérieures à cette date ayant eu précisément pour objet de la rendre prévisible pour les parties et de ne pas les priver de ce droit.

8. Après avoir rappelé qu'en application des dispositions combinées des articles 542 et 954 du code de procédure civile, lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation, ni la réformation, ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, puis cité le dispositif des conclusions déposées le 4 février 2021 par l'appelante, l'arrêt relève que celle-ci n'a pas expressément indiqué dans les prétentions énoncées au dispositif de ses conclusions déposées dans le délai fixé par l'article 908 du code de procédure civile qu'elle sollicitait l'infirmation du jugement.

9. Il retient que les demandes ainsi émises étant les seules qui saisissent la cour, il ne peut qu'être constaté qu'à l'exception de l'appel incident interjeté par l'intimée, la cour d'appel n'est pas saisie d'une demande d'infirmation du jugement, peu important que l'appelante ait expressément sollicité cette infirmation dans la déclaration d'appel et dans le corps de ses écritures déposées le 4 février 2021 ou encore dans le dispositif de ses conclusions postérieures déposées hors du délai de l'article 908 susvisé.

10. En l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel en a exactement déduit que le jugement devait être confirmé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [M] et la condamne à payer à la société Légal la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le onze septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2025:C200825

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