mardi 13 septembre 2022

La demande de démolition d'une construction édifiée sur une partie commune, fut-elle réservée à la jouissance exclusive d'un copropriétaire, est une action réelle qui se prescrit par trente ans,

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 septembre 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 600 F-D


Pourvois n°
E 21-13.014
K 21-14.261 JONCTION





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022

I. M. [M] [X], domicilié [Adresse 1],
a formé le pourvoi n° E 21-13.014 contre un arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] [E],

2°/ à Mme [B] [W], épouse [E],

domiciliés tous deux [Adresse 2]

3°/ à la société Ça M'Botte, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],

4°/ à la société Vieni, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit La Cocotière, représenté par son syndic le Cabinet Syndic One, domicilié [Adresse 3]






[Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

II. 1°/ M. [L] [E],

2°/ Mme [B] [W], épouse [E],

3°/ La société Ça M'Botte, société civile immobilière,

ont formé le pourvoi n° K 21-14.261 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à M. [M] [X],

2°/ à la société Vieni, société civile immobilière,

3°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit La Cocotière,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur au pourvoi n° E 21-13.014 invoque, à l'appui de son recours, les sept moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demandeurs au pourvoi n° K 21-14.261 invoquent, à l'appui de leur recours, les huit moyens de cassation également annexés au présent.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [X], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. et Mme [E] et de la société Ça M'Botte, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit La Cocotière, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° E 21-13.014 et K 21-14.261 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 janvier 2021), M. [X], propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné M. et Mme [E], la société civile immobilière Ça M'Botte (la SCI Ça M'Botte) et la société civile immobilière Vieni, propriétaires de lots dans le même immeuble, ainsi que le syndicat des copropriétaires de cet immeuble (le syndicat des copropriétaires), en annulation de décisions prises par l'assemblée générale du 27 mai 2013 et en démolition de constructions et d'aménagements réalisés par M. et Mme [E].

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, quatrième, sixième et septième moyens du pourvoi n° E 21-13.014, sur le cinquième moyen de ce pourvoi en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite la demande de M. [X] en enlèvement du cabanon de jardin, et sur les premier, deuxième, quatrième, cinquième, sixième et huitième moyens du pourvoi n° K 21-14.261, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, et sur le cinquième moyen du pourvoi n° E 21-13.014 en ses autres griefs, réunis

Enoncé des moyens

4. Par son troisième moyen, M. [X] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande en enlèvement du cabanon de jardin, alors « que toute action qui tend à mettre fin à un acte d'appropriation d'une partie commune se prescrit par trente ans ; qu'en déclarant prescrite l'action en enlèvement d'un cabanon situé sur les parties communes au motif que l'action tendant à la suppression d'un ouvrage non autorisé sur une partie commune est une action personnelle soumise à la prescription décennale, la cour d'appel a violé l'article 2227 du code civil et l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable à la cause. »

5. Par son cinquième moyen, M. [X] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en démolition des locaux construits sur les parties communes selon un permis de construire de juin 1989, alors que « toute action qui tend à mettre fin à un acte d'appropriation d'une partie commune se prescrit par trente ans ; qu'en déclarant irrecevables l'ensemble de ces demandes qui tendaient toutes à faire cesser des empiétements sur des parties communes ou des actes d'appropriation sur elles, la cour d'appel a violé les articles 2227 du code civil et 42 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2227 du code civil et l'article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 :

6. Selon le premier de ces textes, le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

7. Selon le second, sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles nées de l'application de la loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans.

8. Pour déclarer prescrites les demandes de M. [X], l'arrêt retient que l'action d'un copropriétaire tendant à la démolition d'un ouvrage édifié par un autre copropriétaire sur une partie commune, même à usage privatif, ou à la remise en état des lieux dans leur état d'origine, est une action personnelle, en ce qu'elle vise à faire cesser un abus de jouissance.

9. En statuant ainsi, alors que la demande de démolition d'une construction édifiée sur une partie commune, fut-elle réservée à la jouissance exclusive d'un copropriétaire, est une action réelle qui se prescrit par trente ans, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le troisième moyen du pourvoi n° K 21-14.261

Enoncé du moyen

10. M. et Mme [E] et la SCI Ça M'Botte font grief à l'arrêt d'annuler la résolution n° 25 de l'assemblée générale du 27 mai 2013, alors « que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour annuler la résolution n° 25 de l'assemblée générale du 27 mai 2013, adoptée à la majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, relative à la pose de bacs végétaux et de pancartes restreignant le parking dans la cour, à la validation des emplacements des compteurs EDF et gaz posés depuis 1988 et à l'autorisation donnée à M. [E] de construire un abri de jardin et un poulailler sur le terrain à usage privatif, la cour d'appel a déclaré qu'elle portait sur des travaux obéissant à des régimes différents, la validation des emplacements des compteurs EDF et gaz et l'installation d'un poulailler à la place d'un cabanon de jardin entrant dans le cadre de l'article 25 b de la loi susvisée, et l'appropriation des parties communes par la pose de bacs végétaux et de pancartes et l'installation de l'abri de jardin, aménagement nouveau, relevant de la majorité de l'article 26 dans sa rédaction applicable au litige, de sorte que la résolution devait être annulée dans son ensemble ; qu'en statuant ainsi d'office et sans susciter les observations préalables des parties, ni M. [X] ni la SCI Vieni ne revendiquant le caractère complexe de la résolution n° 25 pour en demander l'annulation en son ensemble, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

11. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

12. Pour annuler la résolution n° 25 de l'assemblée générale du 27 mai 2013, l'arrêt retient qu'elle a été adoptée à la majorité de l'article 25, mais que la pose de bacs végétaux et de pancartes, ayant pour objet de restreindre le stationnement dans la cour, s'apparente à une appropriation des parties communes, laquelle, comme l'usage exclusif d'une partie commune par un copropriétaire, nécessite une autorisation donnée à la majorité de l'article 26 dans sa rédaction applicable au litige, et que le droit de jouissance privative sur des parties communes ne confère pas le droit d'y édifier un abri de jardin sans autorisation de l'assemblée générale selon cette même majorité.

13. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le septième moyen du pourvoi n° K 21-14.261

Enoncé du moyen

14. M. et Mme [E] et la SCI Ça M'Botte font grief à l'arrêt de leur ordonner d'enlever les bacs de végétaux et les pancartes restreignant le stationnement dans la cour, alors « qu'il résulte du troisième moyen que la cour d'appel ne pouvait annuler la résolution n° 25 de l'assemblée générale du 27 mai 2013, adoptée à la majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, relative à la pose de bacs végétaux et de pancartes restreignant le parking dans la cour, à la validation des emplacements des compteurs EDF et gaz posés depuis 1988 et à l'autorisation donnée à M. [E] de construire un abri de jardin et un poulailler sur le terrain à usage privatif ; que par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du troisième moyen devra entraîner l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a ordonné aux époux [E], sous astreinte, d'enlever les bacs de végétaux et les pancartes restreignant le stationnement dans la cour. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

15. Selon ce texte, la portée de la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

16. La cassation du chef de dispositif relatif à l'annulation de la résolution n° 25 de l'assemblée générale du 27 mai 2013 s'étend au chef de dispositif ordonnant à M. et Mme [E] d'enlever les bacs de végétaux et les pancartes restreignant le stationnement dans la cour.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables comme prescrites les demandes d'enlèvement du cabanon de jardin et en démolition des locaux construits sur les parties communes selon permis de construire de juin 1989, annule la résolution n° 25 de l'assemblée générale du 27 mai 2013 et ordonne et M. et Mme [E] d'enlever les bacs de végétaux et les pancartes restreignant le stationnement dans la cour, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne M. et Mme [E] et la société civile immobilière Ça M'Botte aux dépens du pourvoi n° E 21-13.014 et M. [X] aux dépens du pourvoi n° K 21-14.261 ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [X] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble La Cocotière la somme de 3 000 euros, et rejette les autres demandes ;

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