samedi 26 novembre 2022

"OCEAN VIKING" et le Conseil d'Etat

 Note S. Deygas, Procédures 2023-01, p. 29.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :
L'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel le préfet du Var a créé une zone d'attente temporaire sur l'emprise de la base navale de Toulon et sur celle du Village Vacances CCAS EDF à Hyères ;

2°) d'enjoindre, à titre principal, d'une part, au préfet du Var de mettre fin immédiatement aux privations de libertés de toutes les personnes qui se trouvent dans cette zone, et, d'autre part, au préfet du Var et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de les orienter sans délai vers un lieu d'hébergement susceptible de les accueillir en tenant compte de leur âge, de leur composition familiale et de leur état de santé en application des articles L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles et du chapitre II du titre V du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au ministre de l'intérieur, au ministre des armées et au préfet du Var d'assurer le plein exercice des droits prévus par le chapitre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment permettre l'accès immédiat des personnes agréées ou non de l'association requérante et d'autres associations locales ou nationales ;

4°) d'enjoindre, en tout état de cause, au préfet des Alpes-Maritimes d'enregistrer les demandes d'asile présentées par les personnes dans un délai de trois jours.

Par une ordonnance n° 2203049 du 15 novembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 et 18 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ANAFE demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- elle justifie de sa qualité et de son intérêt pour agir ;
- contrairement à ce qu'a retenu le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, l'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 du code de justice administrative est présumée lorsqu'une décision de refoulement exécutoire d'office est susceptible d'être prise et que, comme en l'espèce, de nombreuses personnes sont maintenues dans une zone d'attente illégalement créée en vue de l'examen prévu au titre de la procédure dite de l'asile à la frontière et sont ainsi privées de liberté hors du cadre légal pour ce faire, d'autre part, qu'elle n'a pas pu se rendre dans le port militaire et que son accès à la zone d'attente temporaire demeure difficile et, enfin, l'urgence particulière est caractérisée lorsque sont appliquées des dispositions qui s'avèrent manifestement non conformes au droit de l'Union européenne ;
- le juge des référés du tribunal a estimé à tort qu'il n'est pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile, à la liberté d'aller et venir et à la liberté d'aider autrui ;
- le préfet du Var a fait une application manifestement erronée des dispositions des articles L. 341-1 et L. 341-6 du CESEDA en créant une zone d'attente temporaire pour une situation ne relevant pas de ces dispositions et en privant de liberté de nombreuses personnes hors de tout cadre légal ;
- les dispositions de l'article L. 351-1 du CESEDA, qui prévoient un placement systématique en zone d'attente des personnes qui sollicitent l'asile à la frontière, ne définissent pas le risque non négligeable de fuite et ne prévoient pas un recours juridictionnel rapide pour statuer sur la légalité de la privation de liberté d'une durée initiale de quatre jours, méconnaissent manifestement le droit européen, notamment les articles 8 à 11 de la directive 2013/33/UE et 28 du règlement 604/2013/UE ;
- les personnes maintenues en zone d'attente rencontrent des difficultés pour accéder à l'assistance des associations et des avocats ;
- la création de la zone temporaire d'attente procède d'un détournement de pouvoir dès lors que la circonstance tirée de la nécessité de garantir la sécurité des personnes face à de potentielles manifestations d'hostilité ne saurait fonder une privation de liberté.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 et 18 novembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par des interventions, enregistrées les 15 et 17 novembre 2022, l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), le Syndicat des avocats de France (SAF) et la Cimade demandent que le Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers. Ils soutiennent que leurs interventions sont recevables et s'associent aux moyens de la requête.
La requête a été communiquée au ministre des armées et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement 604/2013/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers, le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s, le Syndicat des avocats de France et la Cimade et, d'autre part, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, le ministre des armées et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 18 novembre 2022, à 10h30 heures :

- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association requérante ;

- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers, du Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s et du Syndicat des avocats de France ;

- les représentants de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, de l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers, du Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s, du Syndicat des avocats de France et de la Cimade ;

- les représentants du ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au même jour à 17h, puis à 19h ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ".

2. Il résulte de l'instruction que le navire " Océan Viking " de l'association SOS Méditerranée, qui accueillait à son bord 234 personnes provenant de différent pays et auxquelles il avait été porté secours en mer, s'est vu refuser par les autorités italiennes l'accostage dans ce pays. A la suite de demandes de prise en charge adressées aux centres de coordination et de sauvetage maritime en raison des risques graves pour la santé et la sécurité des personnes présentes à bord, les autorités françaises ont décidé d'autoriser le navire à rejoindre un port sûr en France et à accoster au port de la base militaire navale de Toulon. Par un arrêté du 10 novembre 2022, le préfet du Var a créé, pour la période allant du 11 novembre au 6 décembre, une zone d'attente temporaire sur l'emprise de la base militaire et sur celle du Village Vacances CCAS EDF à Hyères, destinée à accueillir les passagers du navire. L'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cet arrêté et d'enjoindre au préfet du Var de mettre fin aux privations de liberté des personnes se trouvant dans la zone d'attente et de leur assurer un accueil adapté à leur situation. Elle relève appel de l'ordonnance du 15 novembre 2022 par laquelle sa demande a été rejetée.

Sur les interventions :

3. L'association Avocats pour la défense du droit des étrangers (ADDE), le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), le Syndicat des avocats de France (SAF) et la Cimade justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête. Ainsi, leurs interventions sont recevables.

Sur la demande en référé :

En ce qui concerne les conditions de création de la zone d'attente :

4. Aux termes de l'article L. 341-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être placé dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. / (...) Il en est de même lorsqu'il est manifeste qu'un étranger appartient à un groupe d'au moins dix étrangers venant d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres ". Aux termes de l'article L. 341-6 du même code : " La zone d'attente (...) est délimitée par l'autorité administrative compétente. Elle peut inclure, sur l'emprise, ou à proximité, de la gare, du port ou de l'aéroport ou à proximité du lieu de débarquement, un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier. / (...) Dans le cas où un groupe d'au moins dix étrangers est arrivé en France en dehors d'un point de passage frontalier, prévu au troisième alinéa de l'article L. 341-1, la zone d'attente s'étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche ".

5. L'association requérante soutient qu'en créant une zone d'attente temporaire sur le fondement des derniers alinéas des articles L. 341-1 et L. 341-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Var aurait fait une application manifestement erronée de ces dispositions.

6. Il résulte toutefois de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, pour des raisons humanitaires, le navire " Océan Viking " a été autorisé à rejoindre la France et que, compte tenu du nombre important de personnes accueillies à son bord et de leur état sanitaire nécessitant une prise en charge particulière et urgente, ainsi que pour des considérations d'ordre public, il a accosté au port militaire de Toulon, ce qui a conduit au débarquement en ce lieu, situé en dehors d'un point de passage frontalier, de ses passagers. Dans ces circonstances exceptionnelles et face aux difficultés que peut engendrer l'afflux d'un nombre inhabituel de personnes fragiles en un même lieu, le préfet du Var, en se fondant sur les dispositions précitées pour créer une zone d'attente temporaire, pour une durée de vingt-six jours, ne saurait être regardé comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale Au demeurant, à la supposer établie, une irrégularité dans la délimitation de la zone d'attente temporaire, qui n'affecte pas par elle-même les droits des personnes qui y sont maintenues, n'est pas susceptible, à elle seule, de porter une telle atteinte, comme l'a relevé à bon droit le juge des référés du tribunal administratif de Toulon. La circonstance qu'une zone d'attente existait au port maritime de Toulon et aurait pu, selon l'association requérante et les intervenantes, être étendue est donc sans incidence.

7. Par ailleurs, si la création d'une zone d'attente temporaire au sein d'une base militaire a pu entraîner des restrictions et limitations propres à ce type d'installation, il résulte de l'instruction qu'à partir du 11 novembre au soir, soit environ douze heures après l'accostage, les 189 personnes alors placées en zone d'attente ont été accueillies au sein du site d'hébergement du Village Vacances CCAS EDF d'Hyères, où les entretiens ont pu être menés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ce qui a conduit à ce que 66 personnes soient admises à entrer sur le territoire afin de présenter une demande d'asile. En outre, le juge des libertés et de la détention s'est prononcé sur le maintien en zone d'attente au-delà de quatre jours, comme le prévoit l'article L. 342-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a d'ailleurs refusé la prolongation de la mesure dans la très grande majorité des cas, décisions confirmées par la cour d'appel d'Aix-en-Provence. A ce jour, seules 16 personnes demeurent ainsi maintenues en zone d'attente. Dans ces conditions, il n'est pas justifié de ce que les conditions de création de la zone d'attente temporaire conduiraient, par elles-mêmes, à porter une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales impliquant, à ce titre, une intervention du juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

8. Enfin, pour les motifs énoncés aux points 6 et 7, le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut être retenu.
En ce qui concerne l'application de la procédure d'asile à la frontière :

9. Aux termes de l'article L. 351-1 du code de justice administrative : " L'étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile peut être placé en zone d'attente selon les modalités prévues au titre IV à l'exception de l'article L. 341-1, le temps strictement nécessaire pour vérifier / : 1° Si l'examen de sa demande relève de la compétence d'un autre Etat en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement ; / 2° Ou, si sa demande n'est pas irrecevable ; / 3° Ou, si sa demande n'est pas manifestement infondée ".

10. L'association requérante soutient que ces dispositions, en ce qu'elles prévoient le placement systématique en zone d'attente des personnes qui sollicitent l'asile à la frontière, ne définissent pas le risque non négligeable de fuite et ne prévoient pas un recours juridictionnel rapide pour statuer sur cette privation de liberté d'une durée initiale de quatre jours, méconnaissent le droit européen, notamment l'article 5.4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3 et les articles 8.3 et 9.3 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, l'article 43 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, et les articles 3.1 et 28 du règlement 604/2013/UE établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride.

11. Si l'existence d'une zone d'attente rend applicables aux demandes d'asile des personnes se trouvant en son sein les dispositions relatives à l'asile à la frontière, dont celles de l'article L. 351-1 du code de justice administrative, citées au point 9, les atteintes au droit d'asile susceptibles de résulter de leur application ne découlent pas directement de l'acte créant la zone d'attente mais des décisions plaçant et, le cas échéant, maintenant les intéressés en zone d'attente. En tout état de cause, comme l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, un moyen tiré de l'incompatibilité de dispositions législatives avec les règles du droit de l'Union européenne n'est de nature à être retenu, eu égard à son office, par le juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qu'en cas de méconnaissance manifeste des exigences qui découlent du droit de l'Union. Les dispositions de l'article L. 351-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été déclarées incompatibles avec les règles du droit de l'Union européenne et ne font pas apparaître une méconnaissance manifeste des normes européennes invoquées par la requérante. Dans ces conditions, le moyen tiré de leur incompatibilité avec ces règles ne peut être retenu.

En ce qui concerne l'exercice des droits au sein de la zone d'attente :

12. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article R. 343-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les représentants de plusieurs associations habilitées ne peuvent accéder le même jour à la même zone d'attente ". Si l'association requérante soutient que cette disposition méconnaîtrait le droit de l'Union européenne, elle n'assortit pas son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

13. Par ailleurs, si l'association requérante fait valoir que l'application de cette disposition rend difficile l'accès aux personnes maintenues dans la zone d'attente, il n'est pas contesté qu'à l'exception de la courte période durant laquelle les personnes étaient présentes sur la base militaire, l'association peut accéder à la zone d'attente. Si les conditions d'affichage des coordonnées de l'association et l'adaptation des lieux d'entretien doivent faire l'objet d'une vigilance des autorités compétentes, il n'est pas fait état, à la date à laquelle il est statué, d'une situation d'entrave ou de difficultés telles qu'elles soient susceptibles de caractériser une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Enfin, ainsi qu'il s'y était engagé à l'audience, le ministère de l'intérieur et des outre-mer a transmis à l'association requérante une liste actualisée des seize personnes encore maintenues au sein de la zone d'attente, afin de lui faciliter l'exercice de sa mission d'assistance.

14. En deuxième lieu, pour permettre l'exercice de leurs droits par les personnes maintenues en zone d'attente et compte tenu notamment des délais dans lesquels les recours contentieux peuvent être formés par elles, il importe de veiller au caractère effectif du droit reconnu aux intéressés de communiquer avec un conseil. Si les associations requérante et intervenantes ont, à l'audience, contesté les conditions dans lesquelles les avocats sont amenés à intervenir dans la zone d'attente et ont à cet effet produit des attestations de la bâtonnière et de parlementaires ayant visité la zone d'attente le 13 novembre, il résulte de l'instruction, qui s'est poursuivie après l'audience, que les avocats ont accès à la zone d'attente et que des mesures ont été progressivement mises en œuvre pour tenter de répondre aux insuffisances constatées dans les premiers jours de mise en place de la zone d'attente, dont la mise à disposition de deux locaux dédiés et un renforcement de l'accessibilité aux réseaux téléphoniques et Internet grâce à un camion satellitaire. A la date de la présente ordonnance, il n'apparaît pas que les difficultés soient telles qu'elles caractériseraient une atteinte suffisamment grave et manifestement illégale au droit au recours effectif rendant nécessaire une intervention du juge des référés.

15. En troisième et dernier lieu, d'une part, si les associations requérante et intervenantes mettent en cause les conditions dans lesquelles certains entretiens avec les officiers de protection de l'OFPRA auraient été menés, notamment au regard des impératifs de confidentialité propres aux procédures d'asile, il est constant que tous les entretiens ont été conduits. Il n'est justifié d'aucun élément laissant penser que le juge des référés pourrait, à la date de la présente ordonnance, encore intervenir utilement. Il en va de même pour la mise en cause des conditions de notification des décisions de refus d'asile, déjà intervenues. D'autre part, il n'appartient pas au juge des référés, dans le cadre de la présente instance, de se prononcer sur la situation des personnes dont le maintien en zone d'attente n'a pas été autorisé mais qui ont souhaité demeurer volontairement dans le lieu d'hébergement s'y trouvant.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l'ANAFE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a estimé que la condition tenant à une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n'était pas remplie et a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



O R D O N N E :
------------------
Article 1er : Les interventions de l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), du Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), du Syndicat des avocats de France (SAF) et de la Cimade sont admises.
Article 2 : La requête de l'ANAFE est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, à l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers, au Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s, au Syndicat des avocats de France, à la Cimade, au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre des armées et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Fait à Paris, le 19 novembre 2022
Signé : Anne Courrèges

ECLI:FR:CEORD:2022:468917.20221119

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.