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lundi 29 août 2022

L'annulation d'un contrat d'assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré

 Note B. Waltz-Teracol, SJ G 2022, p. 1514.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 juin 2022




Cassation partielle sans renvoi


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 668 F-B

Pourvoi n° N 20-20.745








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2022


1°/ M. [J] [E], domicilié [Adresse 1],

2°/ la société Espérance rénovation et négociation, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° N 20-20.745 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige les opposant à la société Covéa protection juridique, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits des sociétés Das assurances mutuelles et Das SA, défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [E] et de la société Espérance rénovation et négociation, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Covéa protection juridique, venant aux droits des sociétés Das assurances mutuelles et Das SA, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2020), rendu sur renvoi après cassation (2e civ., 7 février 2019, pourvoi n° 18-10.658) et les productions, la société Espérance rénovation et négociation (la société assurée), qui avait donné à bail un pavillon à usage d'habitation à Mmes [M] et [B] à compter du 1er septembre 2010, a conclu, conformément aux dispositions légales relatives à la « garantie des risques locatifs », un contrat d'assurance, à effet du 15 septembre 2010, couvrant les loyers impayés, les dégradations locatives et la prise en charge des frais de contentieux, auprès des sociétés Das assurances mutuelles et Das SA (les assureurs), aux droits desquelles se trouve la société Covéa protection juridique (l'assureur). La société assurée ayant déclaré un sinistre résultant de loyers demeurés impayés entre le 1er septembre 2011 et le 31 décembre 2013 pour un montant de 45 617 euros, les assureurs lui ont versé une indemnité correspondant à cette somme.

2. Exposant avoir découvert, à l'occasion d'un litige opposant la société assurée à Mmes [M] et [B], qu'un second contrat de location portant sur le même bien avait été consenti à titre personnel par M. [E], gérant de la société assurée, le 15 septembre 2010 à Mme [M] et M. [O], contrat dont ils n'avaient pas été informés, les assureurs ont assigné la société assurée et M. [E] en annulation du contrat d'assurance et en restitution de l'indemnité indûment versée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui, pour le premier, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et, pour le second, est irrecevable.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. M. [E] et la société assurée font grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat d'assurance du 15 septembre 2010 conclu entre la société assurée et l'assureur et de les condamner in solidum [lire solidairement] à payer à cette dernière la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société assurée à ses premières locataires, alors « qu'en toute hypothèse, l'annulation du contrat implique que l'assuré n'ait pas déclaré la modification du risque de mauvaise foi, avec la volonté, en diminuant l'opinion du risque par l'assureur, de causer le dommage constitué par l'obligation pour celui-ci de garantir ce risque ; qu'en jugeant, pour annuler le contrat, que l'absence de déclaration du second bail s'apparentait à une réticence intentionnelle, que M. [E] s'était abstenu « volontairement » de le porter à la connaissance de l'assureur quand bien même il l'aurait conclu « pour rendre service » à Mme [M] et M. [O], sans établir qu'il avait eu pour mobile de causer le dommage constitué par l'obligation pour l'assureur de garantir ce risque, en la tenant pour indifférente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-8 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

5. C'est, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la cour d'appel a estimé que l'absence volontaire de déclaration par le représentant légal de la société assurée à l'assureur d'un second bail, 15 jours après la signature du premier, portant sur le même bien mais au profit de locataires différents, constituait une réticence intentionnelle et que celle-ci, en raison de la modification des revenus des locataires, avait changé l'objet du risque pour l'assureur, sans avoir à rechercher si son représentant légal avait eu l'intention de causer un dommage à l'assureur.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. M. [E] fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum [lire solidairement], avec la société assurée à payer à l'assureur la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société à ses premières locataires, alors « que seul l'assuré est tenu à restitution des sommes payées par l'assureur en exécution d'un contrat d'assurance nul ; qu'en condamnant M. [E], in solidum [lire solidairement] avec la société assurée, à la restitution des sommes exposées par l'assureur en exécution du contrat annulé auquel, pourtant, seule la société assurée était partie, la cour d'appel a violé l'article 1165 devenu 1199 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. L'assureur conteste la recevabilité du moyen comme nouveau, mélangé de fait et de droit. Il fait valoir qu'il existe, avec la seconde branche, un lien explicité par les termes « en toute hypothèse » imposant de comprendre cette première branche comme signifiant que l'associé d'une société civile immobilière n'est pas partie au contrat conclu par celle-ci et que, dans leurs conclusions d'appel, la société assurée et M. [E] ne déduisaient aucune conséquence de la qualité d'associé de M. [E], laquelle se réfère à une constatation de fait qui ne résulte pas des énonciations des juges du fond.

9. Cependant, ce moyen qui ne se réfère pas à la qualité d'associé de M. [E] et invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même ne pouvant être décelé avant que celui-ci ne soit rendu, n'est pas nouveau.

10. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1165 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 113-8 du code des assurances :

11. Il résulte du second de ces textes que l'annulation d'un contrat d'assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, entraîne la restitution, par l'assuré, des indemnités versées par l'assureur en exécution du contrat annulé.

12. Il résulte du premier de ces textes que seul l'assuré auquel ont été versées les indemnités est tenu de les restituer.

13. Pour condamner M. [E], solidairement avec la société assurée, à payer à l'assureur la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société à ses premières locataires, l'arrêt retient qu'en l'absence de tout débat sur ce point, la condamnation prononcée sera solidaire entre la société assurée et M. [E] son représentant légal.

14. En statuant ainsi, alors que M. [E] était un tiers au contrat annulé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

17. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 12 à 14 qu'il y a lieu de rejeter la demande de condamnation de M. [E] solidairement avec la société Espérance rénovation et négociation au paiement de la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et de celle de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société à ses premières locataires.

18. En outre, la cassation prononcée des chefs de l'arrêt ci-dessus s'étend également aux chefs de l'arrêt condamnant M. [E] solidairement avec la société Espérance rénovation et négociation à la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il déboute M. [E] de toutes ses demandes, en ce comprise celle formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, d'autre part, il condamne M. [E] solidairement avec la Sci Espérance rénovation et négociation à payer à la société Covéa protection juridique les sommes suivantes :

- 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015 ;
- 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la Sci précitée à ses premières locataires ;
- 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

et enfin, il condamne M. [E] solidairement avec la Sci Espérance rénovation et négociation aux entiers dépens de 1re instance et d'appel, l'arrêt rendu le 16 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉBOUTE la société Covéa protection juridique de sa demande tendant à ce que M. [E] soit condamné solidairement avec la société Espérance rénovation et négociation au paiement de la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et de la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société Espérance rénovation et négociation à ses premières locataires.

CONDAMNE la société Espérance rénovation et négociation aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris sur renvoi après cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Espérance rénovation et négociation, la société Covéa protection juridique et M. [E] devant la Cour de cassation et condamne la société Espérance rénovation et négociation à payer à la société Covéa protection juridique, au titre de la procédure suivie devant la cour d'appel de Paris sur renvoi après cassation, la somme de 2 500 euros ;

mercredi 9 mars 2022

Celui qui est tenu d'une obligation d'information et de conseil doit rapporter la preuve de son exécution

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 janvier 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 99 F-D

Pourvoi n° A 20-16.065


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2022

1°/ Mme [G] [Z], épouse [L],

2°/ M. [J] [L],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° A 20-16.065 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Allianz vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [L], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz vie, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit lyonnais, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 novembre 2019), le 16 août 2006, Mme [L] a adhéré au contrat d'assurance collective « Normalis » souscrit par la société Crédit lyonnais (la banque) auprès de la société AGF vie, devenue Allianz vie (l'assureur) et garantissant le remboursement, en cas de décès, de perte totale et irréversible d'autonomie (PTIA) et d'incapacité de travail, d'un emprunt immobilier et d'un prêt relais qu'elle avait contractés avec son époux.

2. Mme [L] a été placée en arrêt de travail puis en invalidité avant d'être admise à la retraite de façon anticipée, le 1er février 2013.

3. Les échéances du prêt immobilier ont été prises en charge au titre de la garantie incapacité de travail, puis Mme [L] a vainement recherché la garantie de l'assureur au titre de la PTIA.

4. M. et Mme [L] ont assigné la banque et le gestionnaire délégataire de l'assureur, aux fins de condamnation, à titre principal, de l'assureur au paiement du capital restant dû, et à titre subsidiaire, de la banque au paiement de la même somme au titre d'un manquement à son devoir de conseil, d'information et de mise en garde. L'assureur est intervenu volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche et sur le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, pris en sa troisième branche, qui est irrecevable, et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [L] font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes dirigées contre la société Allianz vie, alors :

« 1°/ que la réticence dolosive de l'assuré n'entraîne la nullité du contrat et ne fait échec à son indemnisation que lorsqu'elle change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur ; qu'en jugeant que la fausse déclaration intentionnelle imputée à Mme [L] autorisait la société Allianz vie « à mettre fin aux garanties souscrites », sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette fausse déclaration avait changé l'objet du risque ou en avait diminué l'opinion pour la société Allianz vie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-8 du code des assurances ;

3°/ que la notice du contrat Normalis stipulait qu'« est considéré en perte totale et irréversible d'autonomie, l'assuré [?] devant avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie courante (se laver, se vêtir, se nourrir, se déplacer) » ; qu'en jugeant « qu'il est établi de façon surabondante que l'état de santé de Madame [L] ne s'apparente pas à une perte totale d'autonomie » au sens du contrat cependant qu'il résultait de ses propres constatations que Mme [L] se trouvait uniquement « en capacité de se laver et vêtir partiellement », ce dont il résultait qu'elle n'était pas en mesure de se livrer seule à l'intégralité des actes ordinaires de la vie courante et nécessitait dès lors l'assistance d'une tierce personne, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. L'arrêt, après avoir relevé que selon l'expert, Mme [L] n'avait pas une perte totale d'autonomie mais une perte partielle irréversible, l'intéressée étant en capacité de se laver et vêtir partiellement, de s'alimenter toute seule, de marcher sans canne ou assistance mécanique, de se déplacer sans aide et de se rendre aux toilettes seule à l'intérieur de la maison, retient qu'il est établi de façon surabondante que l'état de santé de Mme [L] ne s'apparente pas à une perte totale d'autonomie.

8. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié si, au regard des actes ordinaires de la vie courante que pouvait accomplir seule l'assurée, l'état de celle-ci correspondait à la définition contractuelle de la perte totale et irréversible d'autonomie, a exactement déduit que la garantie de l'assureur n'était pas due à ce titre.

9. Dès lors, le moyen qui, en sa première branche, s'attaque à des motifs erronés mais surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

10. M. et Mme [L] font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes dirigées contre la banque, alors « que le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ; qu'en jugeant, pour débouter Mme [L] de ses demandes dirigées contre la société Crédit lyonnais, que « le contrat d'assurance souscrit trouve ses limites dans le propre comportement fautif de Madame [L] au vu de ce qui précède », cependant que la fausse déclaration intentionnelle imputée à Mme [L] n'avait pas changé l'objet du risque ou modifié l'opinion qu'en avait l'assureur, ni entraîné l'annulation du contrat, de sorte que cette faute n'était pas à l'origine de l'inefficacité de la garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 113-8 du code des assurances :

11. Il résulte du premier de ces textes que le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation.

12. Aux termes du second, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

13. Pour débouter M. et Mme [L] de leur demande de garantie contre l'assureur, l'arrêt énonce que dans le questionnaire de santé, Mme [L] a répondu « non » aux questions : « êtes-vous actuellement en état d'incapacité de travail totale ou partielle pour maladie et accident ? » et « au cours des cinq dernières années avez-vous été en incapacité de travail totale ou partielle, plus de trente jours consécutifs, pour maladie ou accident ? » et qu'en signant ce document, elle a reconnu avoir été avertie qu'une fausse déclaration ou réticence intentionnelle de nature à fausser l'appréciation de son état de santé entraînerait la nullité de l'assurance conformément à l'article L. 113-8 du code des assurances. L'arrêt ajoute que Mme [L] a indiqué ensuite avoir été arrêtée en septembre 2005 pour une pneumopathie de trois mois et que selon l'expert, elle a été placée en arrêt de travail du 1er janvier au 13 mai 2005, ce qui établit la preuve d'une incapacité de travail de plus de trente jours, contraire aux déclarations initiales, et que la confrontation d'une réponse fausse à une question claire, dans le contexte rapporté, fait apparaître l'élément intentionnel requis par la loi.

14. Pour débouter ensuite M. et Mme [L] de leur demande formée contre la banque, l'arrêt énonce que si la seule remise de la notice ne suffit pas à satisfaire à l'obligation du banquier, il convient de rappeler que le contrat d'assurance souscrit trouve ses limites dans le propre comportement fautif de Mme [L] au vu de ce qui précède, de sorte que la preuve d'une faute de la banque et celle d'un lien de causalité avec le préjudice subi ne sont pas établies.

15. En statuant ainsi, alors que les motifs de l'arrêt, en ce qu'ils ne comportaient pas la recherche de l'incidence de la fausse déclaration intentionnelle sur l'objet du risque ou l'opinion de l'assureur, étaient insuffisants pour justifier l'application de la sanction de la nullité du contrat et ne pouvaient donc pas conduire à écarter tout lien de causalité entre la faute de la banque alléguée et le préjudice invoqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

16. M. et Mme [L] font le même grief à l'arrêt, alors « que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en jugeant que « Mme [L] reproche à la banque de ne pas lui avoir conseillé une assurance complémentaire en considération de son âge, allégation dont la preuve n'est pas rapportée », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant l'article 1315, devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

17. Il résulte de ce texte que celui qui est tenu d'une obligation d'information et de conseil doit rapporter la preuve de son exécution.

18. Pour débouter M. et Mme [L] de leur demande formée contre la banque, l'arrêt énonce que Mme [L] reproche à la banque de ne pas avoir conseillé une assurance complémentaire en considération de son âge, allégation dont la preuve n'est pas rapportée.

19. En statuant ainsi, alors qu'il incombait à la banque soumise à l'obligation d'éclairer son client sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, d'apporter la preuve qu'elle s'en était acquittée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. et Mme [L] de leur demande formée contre la société Crédit lyonnais, l'arrêt rendu le 28 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la société Crédit lyonnais aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [L] contre la société Allianz vie et les demandes formées par la société Allianz vie et la société Crédit lyonnais et condamne la société Crédit lyonnais à payer à M. et Mme [L] la somme globale de 3 000 euros ;

mardi 28 septembre 2021

Responsabilité délictuelle par réticence dolosive ayant entraîné un préjudice de perte de chance d'obtenir une diminution du prix de vente

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 septembre 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 632 F-D

Pourvoi n° Q 20-19.229




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2021

La société Financière Lord Byron, société par actions simplifiée venant aux droits de la société LIPS, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-19.229 contre l'arrêt rendu le 7 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Yes immo invest, société civile immobilière, dont le siège est, [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société Financière Lord Byron, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Yes immo invest, après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 février 2020), le 24 décembre 2014, la société Lips, aux droits de laquelle se trouve la société Financière Lord Byron, a conclu, au bénéfice de la société civile immobilière Yes Immo Invest (la SCI Yes Immo Invest), une promesse de vente portant sur un immeuble dont certains locaux étaient loués.

2. L'acte de vente a été conclu le 31 mars 2015 moyennant le prix de 2 352 000 euros.

3. S'estimant victime d'un dol de la part de la société venderesse relatif à la situation financière de l'un des locataires, la SCI Yes Immo Invest a assigné la société Financière Lord Byron en paiement de dommages et intérêts.

Examen du moyen
Enoncé du moyen

4. La société Financière Lord Byron fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que le créancier d'une obligation contractuelle ne peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation des règles de la responsabilité délictuelle ; qu'en condamnant la société Lips sur le fondement d'une réticence dolosive, après avoir retenu à son égard un manquement à une obligation contractuelle d'information, mise à sa charge par l'article 13-1 de la promesse de vente conclue avec la société Immo Invest, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et violé, par fausse application, l'article 1116 ancien devenu 1137 du code civil et, par refus d'application, l'article 1147 ancien devenu 1231-1 ;

2°/ que le dol doit être apprécié au moment de la formation du contrat ; que la promesse de vente valant vente, c'est à la date de la conclusion de cette promesse que l'existence d'une réticence dolosive doit être appréciée; qu'en l'espèce, une promesse synallagmatique avait été conclue entre les parties le 24 décembre 2014 ; que la cour d'appel a jugé qu'une information déterminante relative à la situation des locataires de l'immeuble vendu avait été portée à la connaissance du vendeur au plus tôt le 31 décembre 2014, soit postérieurement à la signature de cette promesse, de sorte que le vendeur, qui ne disposait donc pas de cette information au jour de la conclusion du contrat n'avait dès lors pas pu la dissimuler à son cocontractant; qu'en retenant pourtant de cette circonstance l'existence d'une réticence dolosive, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser une telle réticence et a violé l'article 1116 devenu 1137 du code civil ;

3°/ que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci ; qu'en se déterminant sur la seule constatation d'un défaut d'information de la société Lips, sans constater son caractère intentionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 devenu 1137 du code civil ;

4°/ que le préjudice réparable de la victime d'un dol qui fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat, correspond uniquement à la perte de la chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ; que la cour d'appel a retenu l'existence d'un tel préjudice, qui aurait été causé par un manquement de la société Lips à son obligation d'information à compter du 31décembre 2014; que ce manquement était postérieur à la conclusion du contrat litigieux, de sorte qu'en toute hypothèse, la société Immo Invest n'aurait pas pu contracter à des conditions plus avantageuses et ne pouvait invoquer la moindre perte de chance à cet égard; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser une telle perte de chance et a violé l'article 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a relevé que la promesse de vente contenait une clause stipulant que, pendant la période de « transfert », entre la signature de la promesse de vente et celle de l'acte de vente, le vendeur s'engageait à informer périodiquement l'acquéreur de tout changement qui pourrait affecter, de manière significative, l'immeuble et sa situation locative.

6. Ayant retenu, par une interprétation souveraine de la volonté des parties, qu'il résultait des termes de la promesse et de l'acte de vente que la situation locative de l'immeuble avait été érigée en élément déterminant du consentement des parties, elle en a fait, à bon droit, l'appréciation au jour de la vente définitive.

7. Elle a retenu que la SCI Yes Immo Invest rapportait la preuve que la venderesse avait eu connaissance, durant la période de « transfert », du fait que la société Rêveries sucrées, locataire, était confrontée à des difficultés financières importantes et qu'elle souhaitait mettre fin au bail portant sur un lot et obtenir une diminution du loyer sur deux autres lots faute de quoi elle ne reconduirait pas les baux.

8. Elle a relevé que le montant des loyers annuels versés par cette société s'élevait à près de la moitié des loyers de l'immeuble vendu et que la venderesse n'avait pas porté ces éléments d'information à la connaissance de l'acquéreur, se bornant à lui adresser un courriel rassurant faisant état d'un process classique de recouvrement des loyers dus par le locataire.

9. Ayant ainsi caractérisé le caractère intentionnel du défaut d'information, la cour d'appel, qui a fait application de la responsabilité délictuelle, a retenu que celui-ci constituait une réticence dolosive ayant entraîné, pour la SCI Yes Immo Invest, un préjudice résidant dans la perte de chance d'obtenir une diminution du prix de vente, dont elle a souverainement apprécié le montant.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Financière Lord Byron aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Financière Lord Byron et la condamne à payer à la SCI Yes Immo Invest la somme de 3 000 euros ;

mardi 16 mars 2021

Les travaux d'aménagement exécutés en 2001 n'avaient entraîné aucun dommage de nature décennale par atteinte à la solidité de l'immeuble ou impropriété à sa destination

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 178 F-D

Pourvoi n° R 19-25.229




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

1°/ Mme V... U..., domiciliée chez Mme Q... G...,

2°/ Mme Q... G...,

toutes deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° R 19-25.229 contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2019 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige les opposant à M. B... O..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mmes U... et G..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. O..., et après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 3 octobre 2019), M. O... a vendu à Mmes U... et G... (les consorts U...) une maison d'habitation dans laquelle il avait fait réaliser des travaux d'aménagement.

2. Se plaignant de désordres atteignant l'immeuble, Mme U... a, après expertise, assigné M. O... en indemnisation de divers préjudices. Mme G... est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Les consorts U... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre M. O..., alors :

« 1°/ que les juges du fond sont tenus de ne pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que dans son rapport d'expertise, M. J... a certes conclu que l'ouvrage n'est pas impropre à sa destination mais également que « la fragilité de la structure porte atteinte à la solidité de l'ouvrage » ; qu'en retenant qu'il ressort du rapport d'expertise « que le défaut de conformité (
) ne porte pas atteinte à la solidité de celui-ci » puis que les « travaux n'ayant entraîné aucun dommage de nature décennale par atteinte à la solidité de la maison », la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise, a violé le principe susvisé ;

2°/ que si l'état existant de l'immeuble lors des travaux litigieux peut constituer une cause exonératoire, c'est à condition qu'il n'ait pas été décelable ou prévisible lors de la réalisation des travaux ; qu'en retenant que la faiblesse structurelle de la maison construite en 1976 constitue une cause étrangère exonératoire pour les travaux qui ont eu lieu en 2001, sans rechercher si cette faiblesse structurelle n'était pas décelable lors de la réalisation des travaux en 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Ayant retenu, sans dénaturation du rapport d'expertise, que les travaux d'aménagement exécutés en 2001 n'avaient entraîné aucun dommage de nature décennale par atteinte à la solidité de l'immeuble ou impropriété à sa destination, la cour d'appel, qui en a exactement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant, que M. O... n'engageait pas sa responsabilité décennale, a légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. Les consorts U... font le même grief à l'arrêt, alors « que le défaut de réponse à conclusion équivaut à un défaut de motifs ; qu'en excluant la réticence dolosive de M. O... sans rechercher, comme elle l'y était invitée, si M. O... n'avait pas intentionnellement caché l'existence des travaux réalisés en 2001, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a retenu que M. O... n'avait pas été en mesure de connaître la faiblesse structurelle de la maison.

7. Elle a relevé que le ravalement effectué en 2002 avait pour objet de remettre l'enduit en état après l'exécution des travaux d'aménagement et que l'absence de souscription d'une assurance dommages-ouvrage pour la réalisation de ceux-ci était sans lien avec les désordres litigieux.

8. Elle a pu en déduire, répondant aux conclusions prétendument délaissées, que M. O... ne pouvait se voir reprocher une réticence dolosive lors de la vente de l'immeuble.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mmes U... et G... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

mercredi 3 avril 2019

Vente immobilière et réticence dolosive

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 21 mars 2019
N° de pourvoi: 17-21.963
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Boulloche, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier,15 décembre 2016), que, par acte du 3 octobre 2008, dressé par la société civile professionnelle Belloc-Escobar-Huc-Suderie (la SCP), M. E... a vendu à M. K... une parcelle de terrain à bâtir ; que, pour financer cet achat, celui-ci a souscrit un emprunt auprès du Crédit agricole mutuel du Languedoc (le Crédit agricole) ; que, par acte du 11 juin 2010, M. K... a fait donation de la moitié du bien à Mme C... ; que, par lettre du 16 juillet 2010, le maire de la commune a refusé de délivrer le permis de construire sollicité au motif que le terrain se trouvait en zone inondable ; que M. K... et Mme C... ont assigné M. E..., la SCP et le Crédit agricole en nullité des contrats de vente et de prêt et en responsabilité professionnelle ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de dire qu'il a fait preuve de réticence dolosive à l'égard de l'acquéreur, de prononcer la nullité de la vente et de le condamner au paiement de diverses sommes ;

Mais attendu, d'une part, que, M. E... n'ayant pas soutenu que, par l'insertion de la clause selon laquelle il déclarait faire son affaire personnelle de l'obtention d'un permis de construire, l'acquéreur aurait accepté l'existence d'un aléa l'empêchant d'invoquer un vice du consentement, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que le terrain litigieux était inclus dans la zone concernée par l'arrêté préfectoral sur les risques naturels et technologiques du 3 septembre 2007 prescrivant un plan de prévention des risques d'inondation, que la publicité de cet arrêté avait été assurée conformément aux dispositions de l'article R. 562-2 du code de l'environnement, que celui-ci avait été affiché en mairie pendant un mois et que la mention de cet affichage avait été insérée dans un journal diffusé dans le département de sorte que l'information avait été portée à la connaissance des propriétaires des parcelles situées dans la zone concernée, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes et qui a souverainement retenu la connaissance que le vendeur avait de l'information qu'il avait dissimulée, a pu en déduire que le silence de M. E... sur l'éventuelle inconstructibilité ou restriction du droit d'aménager du terrain résultant du plan de prévention des risques naturels était constitutif d'une réticence dolosive et que la demande d'annulation de la vente devait être accueillie ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que, la cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu que la SCP fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec M. E..., au paiement de dommages-intérêts au profit du Crédit agricole ;

Mais attendu qu'ayant retenu que le Crédit agricole avait perdu une chance sérieuse d'obtenir la rémunération attendue du crédit consenti par la faute du notaire en raison du manquement à son obligation d'information, l'annulation de la vente du terrain entraînant l'annulation du contrat de prêt qui lui était associé, la cour d'appel, devant qui il n'était pas soutenu que la banque aurait seulement été exposée au risque de ne pas percevoir à l'avenir des intérêts et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire que la banque était fondée à être indemnisée au titre de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir, dont elle a souverainement fixé le montant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. E... et la société civile professionnelle Belloc-Escobar-Huc-Suderie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. E... ; le condame à payer à M. K... et Mme C... la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

mardi 8 janvier 2019

L'assureur doit, lors de la conclusion du contrat, poser à l'assuré des questions précises impliquant la révélation des informations relatives à la construction de l'immeuble assuré

Note Pelissier, RGDA 2019-2, p. 14
Note Ben Hadj Yahia, RLDC 2019-5, p. 48.

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 13 décembre 2018
N° de pourvoi: 17-28.093
Publié au bulletin Cassation partielle
Mme Flise (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ghestin, avocat(s)




Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 113-2, 2°, L. 112-3 et L. 113-8 du code des assurances ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge ; qu'il résulte des deux autres que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. Y..., propriétaire d'une maison d'habitation, a souscrit une police d'assurance « Multigarantie vie privée résidence principale » auprès de la société Macif Val-de-Seine Picardie (l'assureur) à effet du 1er août 2002 ; qu'à la suite d'un incendie ayant détruit ce bien le 30 décembre 2011, M. Y... a déclaré le sinistre à l'assureur qui a invoqué la nullité du contrat d'assurance sur le fondement de l'article L. 113-8 du code des assurances en lui reprochant d'avoir omis de déclarer que l'immeuble avait été édifié sans permis de construire sur une zone interdite ;

Attendu que pour prononcer l'annulation du contrat d'assurance au visa de l'article L. 113-8 du code des assurances, l'arrêt retient qu'il est constant que le contrat d'assurance habitation a été souscrit sans questionnaire préalable sur la base des déclarations spontanées de ce dernier ; que l'assureur n'a pas d'obligation de faire remplir un questionnaire séparé lors de la souscription du contrat ; que l'obtention d'un permis de construire préalable à l'édification d'une maison d'habitation est nécessairement présumée par l'assureur ; que M. Y..., qui ne conteste pas avoir édifié sa maison d'habitation sans permis de construire sur une parcelle classée, selon les plans d'urbanisme, en zone non équipée et constituant un espace naturel qui doit être préservé de toute forme d'urbanisme en raison de la qualité du paysage, du caractère des éléments naturels qui le composent, s'est abstenu de déclarer cet élément spontanément à l'assureur lors de la souscription du contrat ; que si l'assureur invoque un jugement correctionnel du 28 avril 2010 portant condamnation de M. Y... pour exécution de travaux sans permis de construire, les documents produits au débat ne permettent pas de déterminer si la condamnation pénale porte sur la maison principale ou sur l'autre bâtiment, il reste que ces deux constructions sont édifiées sur le même terrain, lequel consiste en une parcelle classée en zone non équipée qui constitue un espace naturel devant être préservé de toute forme d'urbanisme ; que la condamnation pénale susvisée devait en conséquence inciter M. Y... à déclarer à son assureur, même en cours de contrat, qu'il avait édifié sa maison principale sans permis de construire ; que la réticence intentionnelle commise lors de la souscription du contrat par M. Y... a nécessairement exercé une influence sur l'opinion de l'assureur ; que le caractère intentionnel de la réticence résulte de la nature de l'information omise, s'agissant d'une construction édifiée dans des conditions illégales ; que cette réticence, par sa nature, a changé l'objet du risque, la société Macif étant fondée à soutenir que, si elle avait su, au moment de la souscription du contrat que l'habitation concernée était édifiée sans permis de construire, sur une zone interdite d'urbanisme, elle aurait refusé de contracter ;

Qu'en statuant ainsi sans constater que l'assureur avait, lors de la conclusion du contrat, posé à l'assuré des questions précises impliquant la révélation des informations relatives à la construction de l'immeuble assuré qu'il lui était reproché de ne pas avoir déclarées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la société Macif Val-de-Seine Picardie de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 8 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société Macif Val-de-Seine Picardie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Macif Val-de-Seine Picardie ; la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;