mardi 7 avril 2020

L'abus du droit d'agir n'est pas sanctionné par l'irrecevabilité de l'action, mais par une amende civile, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 26 février 2020
N° de pourvoi: 18-19.979
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Gaschignard, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 février 2020




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 152 F-D

Pourvoi n° P 18-19.979








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 FÉVRIER 2020

1°/ M. S... C...,

2°/ Mme R... J..., épouse C...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° P 18-19.979 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2018 par la cour d'appel de Nancy (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Crédit immobilier de France développement, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Banque patrimoine et immobilier, défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. et Mme C..., de la SCP Gaschignard, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 29 mars 2018), par actes notariés des 24 novembre et 28 décembre 2006, la société Banque patrimoine et immobilier, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme C... (les emprunteurs) trois prêts destinés à financer l'acquisition d'appartements en l'état futur d'achèvement.

2. Après avoir prononcé la déchéance du terme, la banque a assigné les emprunteurs en paiement des prêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la banque, alors « que l'intérêt à agir doit être légitime, ce qui n'est pas le cas lorsque l'action opère un détournement du droit d'agir ; qu'en se bornant, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée par les emprunteurs du défaut d'intérêt à agir de la banque, à leur opposer la jurisprudence de la Cour de cassation suivant laquelle la titularité d'un acte notarié n'est pas en soi de nature à priver un créancier de son intérêt à agir à fin de condamnation de son débiteur en paiement de la créance constatée dans cet acte notarié ainsi que le fait que l'abus du droit d'agir en justice n'est pas sanctionné par l'irrecevabilité de l'action, sans rechercher si le détournement du droit d'agir invoqué par les emprunteurs, qui soutenaient que ce cas de figure avait été réservé par la Cour de cassation, n'était pas de nature à priver de sa légitimité l'intérêt à agir de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. L'abus du droit d'agir n'est pas sanctionné par l'irrecevabilité de l'action, mais par une amende civile, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

5. En rappelant ce principe pour rejeter la fin de non-recevoir tirée du prétendu détournement du droit d'agir de la banque, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'exception de nullité des contrats de prêt et de les condamner à payer diverses sommes à la banque, alors :

« 1°/ que les emprunteurs faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que « si par exceptionnel la Cour venait à déclarer la demande de la banque recevable et rejeter la demande de sursis à statuer », ils sollicitaient alors « que la nullité des contrats de prêts soit constatée », demande subsidiaire qu'ils reformulaient dans le dispositif de leurs conclusions d'appel ; qu'en retenant que les emprunteurs se prévalaient de la nullité des contrats de prêt par voie d'exception, quand il ressortait au contraire des termes clairs et précis de leurs conclusions qu'ils demandaient la nullité de ces contrats à titre reconventionnel, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et violé ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que la déchéance des intérêts, qui sanctionne le non-respect par le prêteur des règles encadrant le formalisme de l'offre de crédit immobilier, ne prive par l'emprunteur de la possibilité de demander la nullité du contrat de prêt sur le fondement des vices du consentement ; qu'en retenant que les emprunteurs ne pouvaient de toute façon se prévaloir de la nullité des contrats de prêt à raison de la méconnaissance des prescriptions des articles L. 312-7 et L. 132-10 du code de la consommation, la violation de ces dispositions étant sanctionnée non par la nullité du contrat de prêt mais par la déchéance du droit aux intérêts, motifs impropres à justifier le rejet du moyen tiré par les emprunteurs de ce que la violation de ces dispositions avait eu pour effet de vicier leur consentement, la cour d'appel a violé l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. Dans leurs conclusions d'appel, les emprunteurs demandaient de juger nuls les contrats de prêts, avant de solliciter, « par conséquent », le rejet des prétentions de la banque.

8. Il s'ensuit que la cour d'appel n'a pas dénaturé ces conclusions en retenant que les emprunteurs opposaient à la banque une exception de nullité des prêts.

9. Le moyen, qui s'attaque en sa seconde branche à des motifs surabondants, n'est donc pas fondé en sa première.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme C... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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