vendredi 12 février 2021

Immixtion fautive du maître de l'ouvrage dans l'opération réalisée en lien avec les désordres

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 janvier 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 140 F-D

Pourvoi n° H 20-13.242




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021

La société DSDT, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 20-13.242 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. T... M..., domicilié [...] ,

2°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Sofams, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société DSDT, de la SCP Boulloche, avocat de la société Sofams et de la société Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Renard, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société DSDT du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. M... et la société MAAF assurances.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers,17 décembre 2019), la société DSDT a confié à la société Sofams, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), la maîtrise d'oeuvre et le pilotage du chantier d'aménagement d'un magasin.

3. Deux escaliers ont été posés la veille de l'ouverture prévue du magasin, l'un menant à l'étage par la société Sofams et l'autre au sous-sol par M. M..., qui a dû agrandir la trémie d'accès, ce qui a empoussiéré le stock de marchandises.

4. La société DSDT a, après expertises, saisi d'une demande de provision le juge des référés qui a renvoyé le litige devant le juge du fond.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

6. La société DSDT fait grief à l'arrêt de condamner la société Sofams, in solidum avec la société Axa, à lui payer une somme au titre de la mise en conformité des escaliers et de rejeter ses autres demandes, alors :

« 1°/ que le maître de l'ouvrage qui s'immisce dans l'exécution de la mission de l'entrepreneur ne commet une faute susceptible d'exonérer l'entrepreneur de sa responsabilité, que s'il est notoirement compétent dans le domaine d'intervention de l'entrepreneur ; qu'en retenant, pour en déduire que les responsabilités devaient être partagées par moitié entre le maître de l'ouvrage, la société DSDT, et le maître d'oeuvre, la société Sofams que la première avait décidé en connaissance de cause de s'affranchir des prescriptions du bureau Socotec en sollicitant la modification de l'implantation des escaliers aux fins de rechercher un gain d'espace, quand il ressortait de ses propres constatations que la société Sofams ne pouvait invoquer une exonération de sa responsabilité tirée d'une acceptation des risques et qu'elle ne justifiait pas du conseil nécessaire et de la mise en garde qu'elle devait adresser au maître de l'ouvrage dans le cadre de mission de pilotage, ce dont il résultait nécessairement que la société DSDT n'était pas notoirement compétente dans le domaine concerné et ne pouvait se voir reprocher une immixtion fautive exonératoire de responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que le constructeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en démontrant des actes positifs d'immixtion fautive du maître de l'ouvrage dans l'opération réalisée en lien avec les désordres ; qu'en se bornant à relever que la société DSDT, maître de l'ouvrage, avait demandé la modification de l'implantation des deux escaliers aux fins de rechercher un gain d'espace malgré l'avis du rapport de la Socotec pour en déduire qu'elle avait une part de responsabilité dans la non-conformité des deux escaliers exonérant partiellement la société Sofams, maître d'oeuvre, de sa responsabilité dans la non-conformité des escaliers aux règles de l'art et aux normes de sécurité, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser des actes positifs d'immixtion fautive du maître de l'ouvrage, privant son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que le juge doit assurer la réparation intégrale du préjudice prévisible en l'estimant au jour où il s'est réalisé et en l'actualisant au jour de sa décision ; qu'en affirmant que le coût de la réfection des escaliers avait été justement chiffré par l'expert à la somme de 59 012,15 euros HT et que le devis Qualycom ne pouvait être retenu car non soumis à l'expert judiciaire ni probant, sans rechercher, comme elle y était invitée si le coût des travaux chiffrés par l'expert en 2015 ne devait pas être actualisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe selon lequel le préjudice doit être intégralement réparé, sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

7. D'une part, la cour d'appel a retenu que la société DSDT avait demandé la modification de l'implantation des deux escaliers pour obtenir un gain d'espace, au mépris de ses engagements et de l'avis du bureau de contrôle, s'affranchissant des prescriptions de ce dernier en connaissance de cause.

8. Elle a pu en déduire, sans se fonder sur une immixtion fautive du maître de l'ouvrage, que la société DSDT avait une part de responsabilité dans la non-conformité des escaliers.

9. D'autre part, ayant retenu que le coût de la réfection des escaliers avait été justement chiffré par l'expert judiciaire et que le devis produit n'était pas probant, la cour d'appel a souverainement apprécié l'étendue du préjudice.

10. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société DSDT aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

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