lundi 22 février 2021

Principe de proportionnalité

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 septembre 2020




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 657 FS-P+B+I

Pourvoi n° V 19-17.068

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme Q... B....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 août 2019.

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme T... W....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 août 2019.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020

La société Tridoubec, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-17.068 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme Q... B...,

2°/ à Mme T... W...,

domiciliées [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la SCI Tridoubec, de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mmes B... et W..., et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Andrich, Provost-Lopin, M. Jessel, conseillers, Mme Corbel, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2019), par acte du 1er juillet 1955, la société « Les jeunes économes » a donné à bail à L... et K... B... un appartement à usage d'habitation. Après leurs décès survenus respectivement en 1963 et en 2015, la société civile immobilière Tridoubec (la SCI), devenue propriétaire des lieux, a assigné Mme B..., leur fille, et Mme W..., fille d'K... B..., occupantes du logement, afin de les voir déclarer occupantes sans droit ni titre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir dire que l'application de la loi du 1er septembre 1948 constitue une violation de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que les consorts B... W... ne peuvent en bénéficier alors « que le juge ne peut déduire la compatibilité d'une législation nationale avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de la seule existence d'un but légitime poursuivi par cette législation ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'application des dispositions de la loi du 1er septembre 1948 à l'occupation de l'appartement de la SCI Tridoubec par Mmes B... et W... ne caractérisait pas une atteinte aux exigences de cet article, que ces dispositions avaient pour objet d'encadrer les loyers susceptibles d'être pratiqués dans des zones urbaines marquées par le manque de logements disponibles, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cet objet était toujours justifié en 2018 et si l'ingérence dans le droit de la SCI Triboudec au respect de ses biens, caractérisée notamment par l'impossibilité de récupérer l'appartement ni de percevoir un loyer tenant compte de l'augmentation du prix de l'immobilier à Paris, n'était pas disproportionnée au regard du but poursuivi par la législation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé. »

Réponse de la Cour

3. La cour d'appel a retenu que les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 ont en particulier pour objet d'encadrer les loyers susceptibles d'être pratiqués dans des zones urbaines marquées par le manque de logements disponibles et qu'en considération de cet objet elles ne méconnaissent pas les exigences des dispositions du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et leur application ne caractérise pas en elle-même une atteinte à ces dispositions.

4. Elle n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante dès lors que la SCI avait acquis l'appartement en cours de bail, en toute connaissance des restrictions imposées par la loi du 1er septembre 1948 quant au montant du loyer et à la faculté de reprise des lieux par le bailleur.

5. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'expulsion, alors « que les droits du défunt ne sont transmis qu'aux héritiers qui ont accepté la succession ; que l'acceptation de la succession ne se présumant pas, l'absence d'élément permettant d'affirmer qu'un héritier aurait renoncé à la succession n'établit pas que cet héritier a accepté celle-ci ; qu'en se bornant, pour considérer que Mme Q... B... était devenue, en qualité d'héritière de son père, titulaire du droit au bail, à relever que la renonciation à la succession ne se présumait pas et qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que Mme B... avait renoncé à sa qualité d'héritière, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 730, alinéa 1er, du code civil, la qualité d'héritier s'établit par tous moyens. Aux termes de l'article 804, alinéa 1er, du même code, la renonciation à une succession ne se présume pas.

8. Ayant relevé que Mme B... produisait une copie du livret de famille sur lequel elle figurait comme enfant unique d'K... et L... B... et retenu à bon droit que la renonciation à une succession ne se présume pas, la cour d'appel en a souverainement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que sa qualité d'héritière de son père était établie et qu'elle était devenue à ce titre titulaire du droit au bail.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Tridoubec aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI Tridoubec et la condamne à payer à la SCP Gouz-Fitoussi la somme de 3 000 euros ;

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