vendredi 28 janvier 2022

Obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 janvier 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 52 F-D

Pourvoi n° G 20-12.277




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JANVIER 2022

La société Van Ameyde France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 20-12.277 contre l'arrêt rendu le 10 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute (SNEGA), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Euroins Insurance Plc, dont le siège est [Adresse 2] (Bulgarie),

3°/ à la société Karsen Harmani Eood, dont le siège est [Adresse 4] BULGARIE,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Van Ameyde France, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la Société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute (SNEGA), de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Euroins Insurance Plc, et après débats en l'audience publique du 24 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 octobre 2019) et les productions, un autobus appartenant à la société Karsen Harmani Eood, assuré auprès de la société de droit bulgare Euroins Insurance Plc, a pris feu sur l'autoroute française A 8, le 29 juillet 2013.

2. La Société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute (la SNEGA), société concessionnaire de remorquage de l'autoroute, ayant dépanné puis entreposé le véhicule dans son dépôt, a assigné devant un tribunal de commerce la société Van Ameyde France, représentante en France de l'assureur, afin qu'elle soit condamnée à lui payer les frais de gardiennage de ce véhicule. La société Van Ameyde France a alors appelé en intervention forcée les sociétés Karsen Harmani Eood et Euroins Insurance Plc.

3. Un arrêt d'une cour d'appel en date du 15 novembre 2018, ayant statué sur l'appel formé contre le jugement du tribunal de commerce, est devenu irrévocable à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation qui a rejeté les pourvois (2ème Civ., 11 mars 2021, n° 19-18.818).

4. La SNEGA a déposé une requête en omission de statuer.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, et le second moyen, pris en sa seconde branche ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société Van Ameyde France fait grief à l'arrêt d'ajouter à l'arrêt rendu le 15 novembre 2018, rôle n° 16/02941 « – aux motifs de la décision p. 5 après le 4ème paragraphe: il convient de dire que les frais de gardiennage sont dus et continuent à l'être tant que le véhicule accidenté se trouve soumis au gardiennage de SNEGA - au dispositif après le 4ème paragraphe: dit que les frais de gardiennage sont dus et continuent à l'être tant que le véhicule accidenté se trouve soumis au gardiennage de SNEGA » alors «que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis; qu'au cas d'espèce, l'arrêt du 15 novembre 2018 énonce « condamne in solidum la société SDE Krasen Harmani Eood et la société Van Ameyde France à payer à la société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute la somme de 39 984, 73 euros arrêtée au 31 décembre 2015 » ; qu'en retenant que « la cour, dans l'arrêt précité, a condamné la Société VAN AMEYDE FRANCE à payer la somme de 39.984,73 euros TVA comprise au titre du gardiennage arrêté au 31 décembre 2015 outre 37,63 euros hors taxes TVA en sus pour le surplus jusqu'à retrait du véhicule accidenté contre parfait paiement dans les locaux de SNEGA », la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

7. L'arrêt retient que la décision du 15 novembre 2018 a condamné la société Van Ameyde France à payer la somme de 39 984, 73 euros arrêtée au 31 décembre 2015, outre 37, 63 euros hors taxes, TVA en sus pour le surplus, jusqu'à retrait du véhicule accidenté contre parfait paiement dans les locaux de la SNEGA.

8. En statuant ainsi, alors que la décision précitée avait condamné notamment la société Van Ameyde France à payer à la SNEGA la somme de 39 984, 73 euros arrêtée au 31 décembre 2015, sans autre chef de dispositif relatif aux frais de gardiennage postérieurs à cette date, la cour d'appel a dénaturé cette décision qui lui était déférée, par adjonction d'une énonciation qu'elle ne comportait pas, et violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la Société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute (SNEGA) aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société nouvelle d'exploitation du garage de l'autoroute (SNEGA) et la condamne à payer à la société Van Ameyde France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Van Ameyde France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a ajouté à l'arrêt rendu le 15 novembre 2018, rôle n° 16/02941 – aux motifs de la décision p. 5 après le 4ème paragraphe « il convient de dire que les frais de gardiennage sont dus et continuent à l'être tant que le véhicule accidenté se trouve soumis au gardiennage de SNEGA » - au dispositif après le 4ème paragraphe « dit que les frais de gardiennage sont dus et continuent à l'être tant que le véhicule accidenté se trouve soumis au gardiennage de SNEGA » ;

AUX MOTIFS QUE « Dans les conclusions devant la cour du 15 novembre 2016, la SNGA demandait notamment de : « Dire et juger que les frais de gardiennage sont dus et continuent à l'être tant que lé véhicule accidenté se trouve soumis au gardiennage de SNEGA ; Constater que le montant total des sommes dues au titre du gardiennage du véhicule poids lourds représente 37,63 euros hors taxes par jours ; Que le décompte arrêté au 31 décembre 2015 fait apparaître un total hors taxes de 39.984,73 euros ; Confirmer le jugement en son principe mais le réformer en ce qu'il a cru devoir supprimer toute dette au titre du gardiennage à la date du 25 octobre 2013 à l'égard de la SAS VAN AMEYDE FRANCE ; Condamner en conséquence la Société VAN AMEYDE FRANCE à payer la somme de 39.984,73 euros TVA comprise au titre du gardiennage arrêté au 31 décembre 2015 outre 37,63 euros hors taxes TVA en sus pour le surplus jusqu'à retrait du véhicule accidenté contre parfait paiement dans les locaux de SNEGA ». La cour dans l'arrêt précité a condamné la Société VAN AMEYDE FRANCE à payer la somme de 39.984,73 euros TVA comprise au titre du gardiennage arrêté au 31 décembre 2015 outre 37,63 euros hors taxes TVA en sus pour le surplus jusqu'à retrait du véhicule accidenté contre parfait paiement dans les locaux de SNEGA, conformément à la demande. La cour ayant omis de statuer sur les frais futurs de gardiennage, conformément à la demande présentée dans les conclusions précitées, il convient d'ajouter - aux motifs de la décision p. 5 après le 4ème paragraphe ; « il convient de dire que les frais de gardiennage sont dus et continuent à l'être tant que le véhicule accidenté se trouve soumis au gardiennage de SNEGA ». - au dispositif après le 4ème paragraphe : « Dit que les Irais de gardiennage sont dus et continuent à l'être tant que le véhicule accidenté se trouve soumis au gardiennage de SNEGA » ;

ALORS QUE, la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, la cassation de l'arrêt de la cour d'appel d'AIX EN PROVENCE du 15 novembre 2018, entraînera l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt du 10 octobre 2019, qui en est la suite, et ce, en application de l'article 625 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a ajouté à l'arrêt rendu le 15 novembre 2018, rôle n° 16/02941 – aux motifs de la décision p. 5 après le 4ème paragraphe « il convient de dire que les frais de gardiennage sont dus et continuent à l'être tant que le véhicule accidenté se trouve soumis au gardiennage de SNEGA » - au dispositif après le 4ème paragraphe « dit que les frais de gardiennage sont dus et continuent à l'être tant que le véhicule accidenté se trouve soumis au gardiennage de SNEGA » ;

AUX MOTIFS QUE « Dans les conclusions devant la cour du 15 novembre 2016, la SNGA demandait notamment de : « Dire et juger que les frais de gardiennage sont dus et continuent à l'être tant que le véhicule accidenté se trouve soumis au gardiennage de SNEGA ; Constater que le montant total des sommes dues au titre du gardiennage du véhicule poids lourds représente 37,63 euros hors taxes par jours ; Que le décompte arrêté au 31 décembre 2015 fait apparaître un total hors taxes de 39.984,73 euros ; Confirmer le jugement en son principe mais le réformer en ce qu'il a cru devoir supprimer toute dette au titre du gardiennage à la date du 25 octobre 2013 à l'égard de la SAS VAN AMEYDE FRANCE ; Condamner en conséquence la Société VAN AMEYDE FRANCE à payer la somme de 39.984,73 euros TVA comprise au titre du gardiennage arrêté au 31 décembre 2015 outre 37,63 euros hors taxes TVA en sus pour le surplus jusqu'à retrait du véhicule accidenté contre parfait paiement dans les locaux de SNEGA ». La cour dans l'arrêt précité a condamné la Société VAN AMEYDE FRANCE à payer la somme de 39.984,73 euros TVA comprise au titre du gardiennage arrêté au 31 décembre 2015 outre 37,63 euros hors taxes TVA en sus pour le surplus jusqu'à retrait du véhicule accidenté contre parfait paiement dans les locaux de SNEGA, conformément à la demande. La cour ayant omis de statuer sur les frais futurs de gardiennage, conformément à la demande présentée dans les conclusions précitées, il convient d'ajouter - aux motifs de la décision p. 5 après le 4ème paragraphe ; « il convient de dire que les frais de gardiennage sont dus et continuent à l'être tant que le véhicule accidenté se trouve soumis au gardiennage de SNEGA ». - au dispositif après le 4ème paragraphe : « Dit que les Irais de gardiennage sont dus et continuent à l'être tant que le véhicule accidenté se trouve soumis au gardiennage de SNEGA » ;

ALORS QUE, PREMIÈREMENT, le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'au cas d'espèce, l'arrêt du 15 novembre 2018 énonce « Condamne in solidum la société SDE KRASEN HARMANI EOOD et la société VAN AMEYDE FRANCE à payer à la SOCIETE NOUVELLE D'EXPLOITATION DU GARAGE DE L'AUTOROUTE la somme de 39.984,73 euros arrêtée au 31 décembre 2015 » ; qu'en retenant que « La cour dans l'arrêt précité a condamné la Société VAN AMEYDE FRANCE à payer la somme de 39.984,73 euros TVA comprise au titre du gardiennage arrêté au 31 décembre 2015 outre 37,63 euros hors taxes TVA en sus pour le surplus jusqu'à retrait du véhicule accidenté contre parfait paiement dans les locaux de SNEGA », la Cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

ET ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, et en tout cas, tout jugement doit être motivé ; qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré inopposable à la société MAILLE VERTE DES VOSGES les arrêts de travail successifs à compter du 15 juin 2017 sans motiver, fut-ce sommairement, sa décision, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2022:C200052

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.