mardi 18 juillet 2023

Estoppel : moyen irrecevable comme contraire à la thèse soutenue devant la cour d'appel

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 525 F-D

Pourvoi n° A 22-16.211




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023

1°/ M. [Y] [I], domicilié [Adresse 2],

2°/ la société Serenita, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4] à [Adresse 5], [Localité 1],

ont formé le pourvoi n° A 22-16.211 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant à la société de la Pauline, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [I] et de la société Serenita, de la SCP Ghestin, avocat de la société de la Pauline, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 janvier 2022), par acte sous seing privé du 4 mai 2017, la société civile immobilière de la Pauline (le promettant) a promis de vendre à la société civile immobilière Arnaud, dont le gérant est M. [I], trois lots dans un immeuble en copropriété, sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt avant le 15 juin 2017, la promesse devant être réitérée par acte authentique le 10 juillet 2017 au plus tard.

2. La société civile immobilière Serenita (le bénéficiaire), substituée à la société civile immobilière Arnaud, a obtenu un prêt le 12 juillet 2017.

3. Par lettre recommandée du 22 novembre 2017, le promettant a notifié au bénéficiaire la caducité de la promesse.

4. Le bénéficiaire a assigné le promettant en perfection de la vente et en paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. [I] et le bénéficiaire font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ que quand la condition suspensive d'obtention du prêt est stipulée en faveur de l‘acquéreur, seul celui-ci peut se prévaloir de la caducité du contrat en cas de défaillance de la condition ; qu'en l'espèce, dès lors que selon les parties elles-mêmes, la condition suspensive d'obtention d'un prêt était édictée dans l'intérêt exclusif de la société Serenita, substituée à la société Arnaud, la cour d'appel ne pouvait faire droit à la demande de caducité du compromis de vente du 4 mai 2017, présentée par le vendeur, au prétexte que le prêt, accordé le 12 juillet 2017, ne l'avait pas été dans le délai requis du 10 juillet 2017, quand les parties n'avaient ni entendu sanctionner ce simple retard dans l'octroi du prêt par la caducité ni autoriser la venderesse à s'en prévaloir dès lors que la caducité n'était contractuellement prévue que pour les conditions suspensives de droit commun et particulières stipulées à la page 8 du compromis ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1101, 1103 et 1304-4 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige ;

2°/ que le contrat oblige les parties comme le juge ; qu'en l'espèce, le compromis de vente prévoyait au titre des « obligations de l'acquéreur vis-à-vis du crédit sollicité » que celui-ci s'obligeait à déposer ses demandes de prêts au plus tard dans le délai de huit jours du compromis et « à justifier au vendeur de ce dépôt par tous moyens utiles : lettre ou attestation. » Il précisait « cette condition suspensive devra être réalisée au plus tard le 15 juin 2017. A défaut d'avoir apporté la justification dans le délai imparti, le vendeur aura la faculté de demander à l'acquéreur par lettre recommandée? de lui justifier du dépôt du dossier de prêt » et qu'en l'absence de justification dans ce délai, « le vendeur pourra se prévaloir de la caducité des présentes » ; qu'en affirmant que la date du 15 juin 2017 était celle de « l'obtention du prêt », pour en déduire que « il convient donc de constater la caducité du compromis du fait du défaut d'obtention du prêt dans les délais requis par celui-ci », la cour d'appel a violé les articles 1101, 1102, 1103 et 1304-4 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige ;

3°/ que le contrat oblige les parties comme le juge ; qu'en l'espèce, après avoir énoncé que « la date de signature de l'acte authentique de vente ne pourra pas excéder le 10 juillet 2017 », les parties avaient ajouté par une clause expresse que « la date d'expiration de ce délai, ou sa prorogation, n'est pas extinctive mais constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter » ce qui excluait toute caducité automatique et qu'en conséquence, chaque partie pouvait contraindre judiciairement l'autre à faire constater la vente par décision de justice et que « si le défaut de réitération à la date prévue de réalisation dûment constaté, provient de la défaillance de l'acquéreur, le vendeur pourra toujours renoncer à poursuivre l'exécution de la vente en informant l'acquéreur de sa renonciation par lettre recommandée avec accusé de réception » ; qu'en jugeant néanmoins que nonobstant l'absence de toute mise en demeure, d'une part et la demande de l'acquéreur de réitérer la vente après obtention du prêt bancaire, le 12 juillet 2017, d'autre part, le compromis était caduc faute d'avoir été réitéré le 10 juillet, la cour d'appel a violé les articles 1101, 1103 et 1104 du code civil et les termes du compromis ;

4°/ que la volonté de s'engager et de renoncer à se prévaloir de la caducité, en dépit de la défaillance d'une clause suspensive, peut résulter du comportement non équivoque de son auteur ; qu'en l'espèce, dès lors que les parties avaient stipulé que le délai prévu pour la réalisation de la vente, fixé au 10 juillet 2017, serait automatiquement prorogé jusqu'à réception des pièces administratives nécessaires à la perfection de l'acte authentique, la cour d'appel ne pouvait retenir la caducité du compromis de vente au prétexte que la prorogation du délai pour la réitération de la vente fixé au 10 juillet 2017 devait être expresse ce qui ne ressortait pas du courrier du 19 septembre 2017 adressé par le gérant de la SCI de la Pauline, sans vérifier si les acquéreurs justifiaient que M. [G], gérant de la SCI de la Pauline, avait transmis un projet de règlement de copropriété au notaire des exposants, par mail du 25 octobre 2017, ce dont il se déduisait que lui-même considérait que le délai pour la réitération de la vente avait été automatiquement prorogé au moins jusqu'au 25 octobre 2017 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les termes du compromis de vente et les articles 1101, 1102 et 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a exactement retenu que le caractère non extinctif du délai fixé par la promesse de vente pour procéder à la signature de l'acte authentique de vente avait pour seule conséquence de permettre à l'une des parties d'obliger l'autre à s'exécuter si les conditions suspensives étaient réalisées à cette date, mais ne lui conférait aucun délai supplémentaire pour remplir ses obligations.

7. Ayant rappelé qu'en application des dispositions de l'article 1304 du code civil, lorsque dans une promesse synallagmatique de vente, un délai est prévu pour la réalisation de la condition suspensive, et qu'à la date prévue pour la réitération par acte authentique, cette condition n'est pas accomplie, la promesse est caduque, sans qu'il soit nécessaire qu'une clause prévoit la caducité en pareil cas, elle en a déduit, à bon droit, que l'obtention d'un prêt postérieurement à la date fixée pour la signature de l'acte authentique était sans incidence sur la caducité de la promesse, celle-ci pouvant, à partir de cette date et sans formalité obligatoire préalable, être invoquée par le promettant.

8. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche et, en sa quatrième branche irrecevable comme contraire à la thèse soutenue devant la cour d'appel, selon laquelle l'établissement du règlement de copropriété était sans effet sur le caractère parfait de la vente, n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [I] et la société civile immobilière Serenita aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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