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mardi 17 septembre 2024

Le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 septembre 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 460 F-D

Pourvoi n° W 23-16.602




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024

1°/ M. [Z] [E],

2°/ Mme [T] [J], épouse [E],

tous deux domiciliés, [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° W 23-16.602 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2023 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [V] [R], domicilié [Adresse 3],

2°/ à M. [O] [C], domicilié [Adresse 2],

tous deux pris en leur qualité d'héritiers de [F] [I] épouse [C], elle-même héritière de sa mère, [L] [W] veuve [I],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. et Mme [E], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de MM. [R] et de M. [C], après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 16 mars 2023), par acte authentique du 11 août 2006, [L] [W] a vendu à M. et Mme [E] (les acquéreurs) un immeuble au prix de 184 500 euros en se réservant un droit d'usage et d'habitation pour sa vie durant.

2. Par jugement du 17 mars 2011, [L] [W] a été placée sous tutelle.

3. Le 19 mai 2011, représentée par son tuteur, elle a assigné les acquéreurs
en annulation de la vente.

4. [L] [W] est décédée le 15 février 2015, laissant, pour lui succéder, sa fille, [F] [I], elle-même décédée le 8 juillet 2019, laissant, pour lui succéder, M. [R], son fils, ainsi que M. [C], son époux, (les vendeurs) lesquels ont déclaré reprendre l'instance en leur qualité d'héritiers.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer aux vendeurs la somme de 92 150 euros à titre d'indemnité d'occupation, alors « que la nullité emporte l'effacement rétroactif du contrat et a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale ; qu'il s'ensuit que la remise des parties dans leur état antérieur à la conclusion de la vente exclut que le vendeur puisse obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble par l'acquéreur pendant la période séparant la conclusion de la vente de son annulation ; qu'en considérant que M. et Mme [E] étaient redevables d'une indemnité de 92 150 euros pour avoir occupé indûment l'immeuble qu'ils avaient acquis de Mme [W] à compter de son décès intervenu le 15 février 2015, après avoir annulé la vente de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Les vendeurs contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que celui-ci est incompatible avec la position adoptée par les acquéreurs, qui se bornaient, dans leurs écritures d'appel, à contester toute prise de possession de l'immeuble, faute de remise des clefs.

7. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, n'est pas contraire à la position soutenue par les acquéreurs dans leurs écritures d'appel.

8. Il est, par conséquent, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Il résulte de ce texte que le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble (Ch. mixte, 9 juillet 2004, pourvoi n° 02-16.302, publié).

10. Pour accueillir la demande d'indemnité d'occupation présentée par les vendeurs, l'arrêt, après avoir fait droit à la demande d'annulation de la vente et précisé que les parties devaient être remises dans l'état antérieur où elles se trouvaient avant l'acte anéanti, retient que, depuis le décès d'[L] [W] survenu le 15 février 2015, les acquéreurs occupent indûment l'immeuble en cause, de sorte qu'il y a lieu de les condamner solidairement à payer à ses héritiers une indemnité d'occupation de 950 euros par mois à compter du décès, soit la somme de 92 150 euros arrêtée au 16 mars 2023.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation de la disposition de l'arrêt ayant condamné les acquéreurs au paiement d'une indemnité d'occupation n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt les condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à leur encontre et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. et Mme [E] à payer à MM. [R] et [C], ayants droit d'[L] [W], la somme de 92 150 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période du 15 février 2015 au 16 mars 2023, l'arrêt rendu le 16 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;

Condamne MM. [R] et [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300460 

mercredi 19 juin 2024

Le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL




COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juin 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 285 F-D

Pourvoi n° W 23-10.944




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024

M. [D] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 23-10.944 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2022 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant à M. [P] [U], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 22 novembre 2022), par acte sous seing privé du 22 juillet 2012 intitulé « Contrat de vente sous conditions », M. [U] (le vendeur) a cédé à M. [L] (l'acquéreur) un ensemble immobilier, au prix de 60 000 euros, payable par le versement, le jour de la signature de l'acte, d'une somme de 5 300 euros, puis au moyen de soixante-douze mensualités de 600 euros chacune, le solde étant exigible à l'issue.

2. Plusieurs mensualités étant restées impayées, le vendeur a assigné l'acquéreur en résiliation de la vente, subsidiairement en résolution, ainsi qu'aux fins d'expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au vendeur une indemnité d'occupation de 400 euros par mois à compter du 2 novembre 2016 jusqu'à libération effective des lieux ainsi que de rejeter ses demandes en restitution et expertise, alors « que l'effet rétroactif de la résolution n'autorise pas le vendeur à prétendre à une indemnité correspondant à la seule occupation du bien par l'acquéreur ; que, pour statuer sur la demande de restitution des sommes versées par M. [L] au titre du paiement échelonné du prix, la cour d'appel a retenu que « s'agissant d'un contrat à exécution successive, en l'absence de transfert de propriété, le paiement initial et les mensualités versées par M. [D] [L] restent acquis au créancier, M. [P] [U], à titre d'indemnité d'occupation » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1184 et 1234 du code civil, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1184 et 1234 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

4. Il résulte de ces textes que le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble (Ch. mixte, 9 juillet 2004, pourvoi n° 02-16.302, Bull. 2004, Ch. mixte, n° 2).

5. Pour accueillir la demande d'indemnité d'occupation présentée par le vendeur et rejeter la demande de restitution du prix de vente formée par l'acquéreur, l'arrêt retient que, s'agissant d'un contrat à exécution successive et en l'absence de transfert immédiat de la propriété, le paiement initial et les mensualités versées par ce dernier restent acquis au vendeur, l'acquéreur étant, par ailleurs, tenu, à compter de la date des effets de la résolution judiciaire au paiement d'une indemnité d'occupation de 400 euros par mois jusqu'à la libération effective des lieux.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [L] de restitution et d'expertise et le condamne à payer à M. [U] une indemnité d'occupation de 400 euros par mois à compter du 2 novembre 2016 jusqu'à la libération effective des lieux, l'arrêt rendu le 22 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [U] à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300285

mardi 9 janvier 2024

La promesse de vente excluait que l'indemnité forfaitaire d'immobilisation demeure acquise au promettant si la non-réalisation lui était imputable

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 décembre 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 844 F-D

Pourvoi n° S 22-21.355





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023


1°/ la société Pasquier, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], représentée par son mandataire ad hoc M. [T] [P] [B], domiciliée [Adresse 5],

2°/ la société CB 26, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° S 22-21.355 contre l'arrêt rendu le 22 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [C] [W], domicilié [Adresse 1],

2°/ à Mme [R] [W], domiciliée [Adresse 6], assistée de son curateur, l'UDAF de Charente Maritime,

3°/ à l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de Charente Maritime, dont le siège est [Adresse 4], prise en sa qualité de curateur de Mme [R] [W],


4°/ à M. [U] [W], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat des sociétés civiles immobilières Pasquier et CB 26, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 avril 2022) et les productions, par acte du 11 octobre 2018, [X] [W] a consenti à la société Pasquier une promesse unilatérale de vente portant sur des immeubles au prix principal de 650 000 euros, sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt avant le 30 novembre 2018 et avec faculté de substitution.

2. La promesse devait être réitérée le 15 décembre 2018 au plus tard, et stipulait qu'elle serait réalisée, soit par la signature de l'acte authentique constatant le caractère définitif de la vente, accompagnée par le virement, entre les mains du notaire, d'une somme correspondant au prix de vente et à la provision sur les frais d'acte de vente, soit par la manifestation, par le bénéficiaire, de sa volonté de réitérer la vente, celle-ci devant être faite par exploit d'huissier, lettre recommandée avec accusé de réception ou écrit remis contre récépissé, le tout auprès du notaire chargé de recevoir l'acte authentique de vente, cette levée d'option devant être accompagnée du versement, entre les mains du notaire, de l'intégralité de l'apport personnel du bénéficiaire visé à l'acte, et d'une copie des offres de prêt émises et acceptées conformément à la loi.

3. Le 22 novembre 2018, la société Pasquier a informé le notaire de sa volonté de lever l'option d'achat et de renoncer à la condition suspensive d'obtention d'un prêt.

4. Par un acte du 4 décembre 2018, la société CB 26 s'est substituée à la société Pasquier et s'est engagée à verser le prix de vente ainsi que les frais d'acte huit jours avant la date de réitération de la vente par acte authentique.

5. [X] [W] est décédé le 23 décembre 2018, laissant pour lui succéder ses trois enfants, Mme [R] [W], MM. [C] et [U] [W] (les consorts [W]).

6. La vente n'ayant pas été réitérée, les sociétés Pasquier et CB 26 (les bénéficiaires) ont assigné les consorts [W] aux fins d'exécution forcée de la vente et en paiement de dommages-intérêts, ces derniers ayant demandé, à titre reconventionnel, paiement du montant de l'indemnité d'immobilisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Les bénéficiaires font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir constater la perfection de la vente du bien objet de la promesse du 11 octobre 2018, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations des juges que l'obligation de versement concomitante à la levée d'option portait sur l'apport personnel de l'acquéreur en cas de souscription d'un prêt destiné à financer son acquisition ; que dès lors qu'il a été constaté que les SCI Pasquier et CB 26 ont renoncé à la condition suspensive tenant dans la souscription d'un prêt, et qu'elles apportaient donc l'intégralité des sommes dues en paiement du prix de vente, il était exclu de leur imposer de verser l'intégralité de ce prix le même jour que leur levée d'option ; qu'en s'appuyant néanmoins sur cette stipulation de la promesse de vente pour retenir que, bien qu'ayant renoncé au bénéfice de la condition suspensive d'obtention d'un prêt, la SCI Pasquier n'avait pas régulièrement levé son option d'achat faute pour elle d'avoir simultanément versé l'intégralité du prix de vente entre les mains du notaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1103 du code civil :

8. Aux termes de ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

9. Pour rejeter la demande des bénéficiaires tendant à voir constater la perfection de la vente, l'arrêt retient que ces derniers n'ont pas accompagné l'acte de levée de l'option du paiement de leur apport personnel, de sorte que ladite option n'a pas été levée selon les règles prescrites.

10. En statuant ainsi, alors que la promesse de vente stipulait que sa réalisation était conditionnée, soit à la réitération par acte authentique accompagnée du paiement du prix de vente et des frais, soit à une manifestation expresse de volonté accompagnée du paiement d'un apport personnel et de la copie d'une offre de prêt, et après avoir constaté que les bénéficiaires avaient renoncé à la condition suspensive d'obtention d'un prêt et s'étaient engagés à payer le prix de vente et les frais d'acte avant la date de réitération par acte authentique, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. Les bénéficiaires font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer aux consorts [W] une somme de 65 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, alors « que les promettants qui ont empêché la réitération de la vente en la forme authentique ne peuvent prétendre au paiement d'une indemnité d'immobilisation dont ils ont eux-mêmes provoqué la condition d'application ; qu'à cet égard, l'acte de promesse du 22 novembre 2018 stipulait en même sens que l'indemnité d'immobilisation ne serait pas acquise au promettant si la non-réalisation était imputable au promettant ; qu'en retenant néanmoins que l'irrégularité affectant la levée d'option impliquait d'allouer aux promettants le bénéfice de l'indemnité d'immobilisation stipulée à la promesse, quand il était constant que ces derniers s'opposaient à la volonté des SCI Pasquier et CB 26 de conclure la vente, la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1104 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil :

12. Aux termes du premier de ces textes, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Selon le second, ils doivent être exécutés de bonne foi.

13. Pour condamner les bénéficiaires à payer aux consorts [W] une somme au titre de l'indemnité d'immobilisation, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que, faute de réalisation de la vente, et en l'absence de contestation quant à la réalisation des conditions suspensives, cette somme était due aux consorts [W] en contrepartie de l'immobilisation du bien au profit des bénéficiaires et de l'option d'achat dont elles bénéficiaient.

14. En statuant ainsi, alors que la promesse de vente excluait que l'indemnité forfaitaire d'immobilisation demeure acquise au promettant si la non-réalisation lui était imputable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt rejetant la demande principale en réalisation de la vente des biens objets de la promesse de vente du 11 octobre 2018 et condamnant les sociétés civiles immobilières Pasquier et CB 26 à payer aux consorts [W] une somme de 65 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant leur demande de dommages-intérêts, les condamnant aux dépens et au paiement, au profit des consorts [W], d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts de Mme [R] [W], MM. [C] et [U] [W], l'arrêt rendu le 22 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme [R] [W], MM. [C] et [U] [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [R] [W], MM. [C] et [U] [W] à payer aux sociétés civiles immobilières Pasquier et CB 26 la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300844

Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 décembre 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 848 F-D

Pourvoi n° C 22-16.627






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023

L'association d'éducation populaire Saint Yves, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 22-16.627 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2022 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Eiffage immobilier grand ouest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Eiffage construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'association d'éducation populaire Saint Yves, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat des sociétés Eiffage immobilier grand ouest et Eiffage construction, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen,1er mars 2022), par acte notarié du 14 novembre 2016, l'association d'éducation populaire Saint Yves (le promettant) a promis de vendre à la société Eiffage immobilier grand ouest (le bénéficiaire), un bien immobilier moyennant le prix de 2 450 000 euros, sous la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire, dont la demande devait être déposée dans un délai de quatre mois à compter de l'opposabilité du futur plan local d'urbanisme (PLU).

2. La vente a été consentie pour une durée de vingt-quatre mois à compter de l'approbation du nouveau PLU, sans pouvoir dépasser le 31 décembre 2019 et une indemnité d'immobilisation d'un montant de 122 500 euros était prévue à défaut de réalisation de la vente dans ce délai.

3. Les obligations du bénéficiaire ont été garanties par le cautionnement de la société Eiffage construction.

4. Par lettre du 21 mars 2018, le promettant a mis le bénéficiaire en demeure d'attester du respect de son obligation de dépôt d'une demande de permis de construire dans le délai contractuel et, par acte du 10 septembre 2018, l'a assigné, avec la société Eiffage construction, en constatation de la caducité de la promesse et condamnation au paiement de l'indemnité d'immobilisation ainsi que de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le promettant fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne solidairement les sociétés Eiffage immobilier et Eiffage construction à lui verser la somme de cent vingt-deux mille cinq cents euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 15 juin 2018 et rejette la totalité de ses demandes, alors « que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que le contrat en l'espèce prévoyait de façon claire et précise que l'indemnité d'immobilisation : « sera versée au promettant et lui restera acquise (?) faute par le bénéficiaire (?) d'avoir réalisé l'acquisition dans les délais ci-dessus, toutes conditions suspensives ayant été réalisées » ; que pour dire que l'indemnité d'immobilisation n'était pas due, la cour d'appel a retenu que « la clause relative à l'indemnité d'immobilisation ne prévoit pas qu'elle doit être payée dans l'hypothèse où le promettant se prévaut de la caducité de la promesse en l'absence de dépôt de demande de permis de construire dans le délai fixé » ; qu'en statuant ainsi lorsqu'il ressortait de ses propres constatations que la défaillance du bénéficiaire, s'agissant de la condition suspensive tenant au dépôt d'une demande de permis de construire faisait échec à la réalisation de la vente, la condition suspensive étant réputée accomplie, la cour d'appel, qui a méconnu la force obligatoire de clauses non équivoques, a violé l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1103 du code civil :

6. Aux termes de ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

7. Pour rejeter la demande du promettant en paiement de l'indemnité d'immobilisation, l'arrêt retient que la clause relative à cette indemnité ne prévoit pas qu'elle doit être payée dans l'hypothèse où il se prévaut de la caducité de la promesse faute de dépôt de demande de permis de construire dans le délai fixé.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la clause litigieuse prévoyait que l'indemnité serait versée au promettant faute pour le bénéficiaire ou ses substitués d'avoir réalisé l'acquisition avant le 31 décembre 2019, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées et, s'agissant de la condition suspensive d'obtention du permis de construire, qu'il était stipulé que si le bénéficiaire ne déposait pas de dossier de demande dans les quatre mois de l'opposabilité du futur plan local d'urbanisme révisé, il ne pourrait se prévaloir de cette condition, le promettant pouvant alors se délier de tout engagement huit jours après une mise en demeure de justifier du dépôt de cette demande, ce dont il résultait que le manquement du bénéficiaire à cette obligation empêchait la réalisation de la vente, la condition suspensive d'obtention du permis de construire étant réputée accomplie, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne les sociétés Eiffage immobilier grand ouest et Eiffage construction aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Eiffage immobilier grand ouest et Eiffage construction et les condamne à payer à l'association d'éducation populaire Saint Yves la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300848 

vendredi 14 avril 2023

L'indemnité d'assurance avait été transférée à l'acquéreur, qui devait effectuer les travaux pour laquelle elle avait été versée

 Note, S. Hourdeau, RCA-2023-6, p. 29.

 Note, JP. Karila, RGDA 2023-6, p. 30.

Note, M. Mignot, SJ G 2023, p. 1151.

13 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-24.060

Troisième chambre civile - Formation de section

PUBLIÉ AU BULLETIN

ECLI:FR:CCASS:2023:C300269

Texte de la décision

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 269 FS-B

Pourvoi n° V 19-24.060




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023

M. [Z] [E], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 19-24.060 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [I] [D],

2°/ à Mme [O] [U], épouse [D],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

3°/ à la société MMA IARD, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [E], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société MMA IARD, de la SCP Marc Lévis, avocat de M. et Mme [D], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Delbano, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 septembre 2019), la société civile immobilière Val des cigales (la SCI) a fait construire une maison d'habitation qu'elle a vendue en l'état futur d'achèvement à M. et Mme [D]. Elle a souscrit un contrat d'assurance de dommages à l'ouvrage auprès de la société MMA IARD.

2. Se plaignant de désordres affectant un mur de soutènement, M. et Mme [D] ont assigné la société MMA IARD, qui a été condamnée à leur payer une provision de 175 000 euros à valoir sur le coût des travaux de reprise.

3. M. et Mme [D] ont vendu la maison à M. [E].

4. La société MMA IARD a assigné M. [E] aux fins de remboursement d'une partie des sommes qu'elle avait versée à M. et Mme [D] et qui n'avait pas été affectée aux travaux de réparation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [E] fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser la somme de 136 633 euros à la société MMA IARD, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 15 novembre 2011, alors :

« 1°/ que l'action en répétition de l'indu ne peut être engagée que contre celui qui a reçu le paiement ou pour le compte duquel le paiement a été reçu ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats comme résultant des propres constatations de l'arrêt que la compagnie MMA, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, avait versé aux époux [D] une somme de 175 000 euros aux fins de réaliser les travaux réparatoires et que ceux-ci ne les avaient pas fait réaliser ; que M. [E] n'ayant reçu aucune somme provisionnelle de la part de l'assureur, celui-ci n'était pas fondé à agir contre lui en répétition de l'indu, fût-il nouvel acquéreur du bien immobilier assuré en dommages-ouvrage ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1376 devenu 1302-1 du code civil ;

2°/ que la transmission du bénéfice de l'assurance dommages-ouvrage au nouvel acquéreur du bien immobilier n'emporte pas cession des éventuelles créances détenues par l'assureur contre le maître d'ouvrage initial au nouveau maître de l'ouvrage, sauf à ce que le contrat de vente ait expressément prévu le transfert de l'indemnité d'assurance à l'acquéreur ; qu'en l'espèce, le contrat de vente du 28 mai 2009 ne prévoyait aucun transfert de l'indemnité à M. [E] puisque, bien au contraire, les vendeurs indiquaient « conserver la maîtrise tant physique que pécuniaire de la procédure en cours, faisant leur affaire personnelle des conséquences et du bénéfice pouvant en résulter pour les parties » ; que M. [E], devenu bénéficiaire de l'assurance dommages-ouvrage en sa qualité d'acquéreur de l'immeuble assuré, n'était donc pas devenu débiteur de l'assureur; qu'en déduisant la qualité d'accipiens de M. [E] à l'égard de la société MMA du seul transfert de la qualité de bénéficiaire de l'assurance dommages-ouvrage, sans constater par ailleurs que l'indemnité versée en exécution de l'assurance DO aurait été transférée à l'acquéreur, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code des assurances ;

3°/ que les conventions n'ayant d'effet qu'entre les parties contractantes, un tiers ne peut être lié par un contrat ni davantage s'en prévaloir, sauf à pouvoir invoquer une inexécution dommageable pour lui-même ; qu'en l'espèce, l'acte de vente du 28 mai 2009 ayant prévu une réfaction du prix à charge pour M. [E] de réaliser les travaux du mur de soutènement ne concernait que les époux [D] et M. [E] en leurs qualités respectives de vendeurs et d'acquéreur, à l'exclusion de la compagnie MMA, tiers au contrat de vente ; que dès lors, en retenant que l'assureur était « en droit d'agir en répétition contre l'acquéreur de l'immeuble, (...) seul bénéficiaire de l'assurance dommages-ouvrage » motif pris de ce que les vendeurs, bénéficiaires de l'indemnité, avaient « consenti à l'acquéreur une réduction du prix de vente du bien immobilier au moins équivalente à l'indemnité versée qui permet de satisfaire à l'obligation d'affectation » quand les stipulations du contrat de vente ne pouvaient être invoquées à son profit par la compagnie MMA, la cour d'appel a violé l'article 1165 devenu 1199 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté que l'acquéreur s'était vu consentir une réduction du prix de vente au moins équivalente à l'indemnité versée aux vendeurs par l'assureur de dommages-ouvrage et qu'aux termes de l'acte de vente, le vendeur avait déclaré que l'assureur lui avait versé la somme de 175 000 euros mais ne pas avoir fait exécuter les travaux, qui restaient à la charge de l'acquéreur, ce que celui-ci acceptait expressément.

7. Elle a, ainsi, fait ressortir que, selon la convention des parties à l'acte de vente, l'indemnité d'assurance avait été transférée à l'acquéreur, qui devait effectuer les travaux pour laquelle elle avait été versée.

8. Les tiers pouvant invoquer à leur profit comme constituant un fait juridique la situation créée par un contrat auquel ils ne sont pas parties, la cour d'appel a pu en déduire que M. [E] avait acquis la qualité d'accipiens à l'égard de l'assureur, de sorte qu'il devait lui restituer les indemnités non affectées à la réparation de l'ouvrage.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. M. [E] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de garantie formée contre M. et Mme [D], alors :

« 1°/ que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, le contrat de vente prévoyait que les époux [D] demeuraient, malgré la vente, maîtres de la procédure les opposant à la SCI et à la compagnie MMA sans nullement limiter les conséquences de celle-ci à l'indemnisation de leurs préjudices immatériels ; qu'en énonçant dès lors que « les époux [D] se sont réservés la poursuite de la procédure à l'égard de la SCI Val des Cigales et de la société MMA pour l'indemnisation de leurs préjudices immatériels », la cour d'appel a dénaturé le contrat de vente du 28 mai 2009 et, partant, a violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

2°/ qu'en toute hypothèse, la circonstance selon laquelle la charge de faire exécuter les travaux de confortement aurait été transférée à M. [E] n'induisait pas pour autant que celui-ci se voyait transférer les conséquences de la procédure opposant initialement les vendeurs à l'assureur dommages-ouvrage ; qu'en inférant la charge de la restitution des sommes versées par l'assureur du seul transfert contractuel de l'exécution des travaux à l'acquéreur, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

11. M. [E] soutenait que les vendeurs devaient le garantir en application de la clause du contrat de vente qui stipulait qu'ils faisaient leur affaire personnelle des conséquences et du bénéfice pouvant résulter de la procédure qu'ils avaient engagée contre la SCI et la société MMA IARD.

12. La cour d'appel, ayant constaté que cette procédure était distincte de celle engagée par l'assureur pour obtenir le remboursement des indemnités d'assurances, a pu en déduire, abstraction faite des motifs tenant à la nature des préjudices dont la réparation était poursuivie par les vendeurs, que ceux-ci n'étaient pas tenus de garantir l'acquéreur.

13. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et la société MMA IARD et condamne M. [E] à payer à M. et Mme [D] la somme globale de 3 000 euros ;

mardi 17 mai 2022

L'entreprise était mal fondée à contester l'existence d'un motif légitime d'application de la clause d'indemnisation prévue en cas de résiliation du marché "pour motif d'intérêt général"

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 385 FS-B

Pourvoi n° U 21-12.291




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022

1°/ la société Les Compagnons paveurs, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de son liquidateur judiciaire la société Axyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société Axyme (société d'exercice libéral à responsabilité limitée) dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée EMJ, agissant par M. [J] [V], mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons paveurs, société anonyme,

ont formé le pourvoi n° U 21-12.291 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige les opposant à la société Brest métropole aménagement (BMA), société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Les Compagnons paveurs et de la société Axyme ès qualités, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Brest métropole aménagement, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Jacques, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 décembre 2020), la société d'aménagement d'économie mixte Brest métropole aménagement (la société BMA) a confié à la société Les Compagnons paveurs (la société LCP), désormais en liquidation judiciaire, un marché de travaux de fourniture de pose de pierres naturelles, selon un acte d'engagement prévoyant une durée de réalisation des travaux de quarante mois, dont vingt-trois mois pour la tranche ferme et onze et six mois pour deux tranches conditionnelles.

2. L'ordre de service du démarrage de travaux de la tranche ferme a été notifié le 24 octobre 2011.

3. Les travaux n'ont pas été réalisés.

4. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 novembre 2013, la société LCP a dénoncé la caducité du marché et adressé son décompte final au maître de l'ouvrage qui l'a refusé.

5. Par lettre du 29 novembre 2013, la société BMA a informé la société LCP de sa décision de résilier le marché pour un motif d'intérêt général et lui a notifié le montant de l'indemnité contractuelle due.

6. La société LCP a assigné la société BMA en paiement devant les juridictions administratives. Par décision du 25 octobre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé que le litige ne relevait pas de la compétence de la juridiction administrative.

7. Soutenant que la résiliation notifiée par le maître de l'ouvrage était dépourvue de tout effet juridique, pour l'avoir été postérieurement à la date de caducité du marché de travaux, de sorte que la société BMA ne pouvait se prévaloir de la résiliation pour un motif d'intérêt général, la société LCP, représentée par la société Axyme, en sa qualité de liquidateur judiciaire, a assigné la société BMA en paiement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société LCP et la société Axyme, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ que le juge judiciaire ne peut donner effet aux clauses exorbitantes du droit que comporte un marché de travaux, étrangères par nature à celles consenties par quiconque dans le cadre des lois civiles ou commerciales ; qu'en faisant application de l'article 46.4 du CCAG autorisant le maître d'ouvrage à résilier le marché « pour motif d'intérêt général », clause exorbitante du droit commun qu'elle devait écarter, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que suivant l'article 46.4 du CCAG (arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux), le marché peut être résilié « pour motif d'intérêt général » ; que, pour rejeter la contestation, par la société Les Compagnons paveurs, de l'existence d'un motif légitime de résiliation, la cour d'appel a énoncé que le maître d'ouvrage « justifie de la substitution d'un revêtement en béton aux pavés en pierre naturelle et de sa volonté de recherche d'économies » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser le motif d'intérêt général exigé par le CCAG, a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

10. La société LCP et son liquidateur judiciaire s'étant bornés, dans leurs conclusions d'appel, à contester la justification du motif de résiliation tiré de l'intérêt général, sans soutenir que la clause autorisant le maître de l'ouvrage à résilier le contrat à un tel motif serait exorbitante du droit commun ni demander qu'elle fût réputée non écrite, le grief de la première branche, contraire à leurs écritures, est irrecevable.

11. La cour d'appel, qui a constaté que la société BMA justifiait, au soutien de la résiliation pour un motif d'intérêt général, de la volonté de recherche d'économies qui l'avait conduite à substituer aux pavés de pierre naturelle, prévus dans le marché de la société LCP, un revêtement en béton a, appréciant souverainement cet intérêt, pu retenir que l'entreprise était mal fondée à contester l'existence d'un motif légitime et, faisant application de la clause contractuelle d'indemnisation prévue en un tel cas, rejeter les demandes.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Axyme, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons paveurs aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;