mardi 9 janvier 2024

Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 décembre 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 848 F-D

Pourvoi n° C 22-16.627






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023

L'association d'éducation populaire Saint Yves, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 22-16.627 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2022 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Eiffage immobilier grand ouest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Eiffage construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'association d'éducation populaire Saint Yves, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat des sociétés Eiffage immobilier grand ouest et Eiffage construction, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen,1er mars 2022), par acte notarié du 14 novembre 2016, l'association d'éducation populaire Saint Yves (le promettant) a promis de vendre à la société Eiffage immobilier grand ouest (le bénéficiaire), un bien immobilier moyennant le prix de 2 450 000 euros, sous la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire, dont la demande devait être déposée dans un délai de quatre mois à compter de l'opposabilité du futur plan local d'urbanisme (PLU).

2. La vente a été consentie pour une durée de vingt-quatre mois à compter de l'approbation du nouveau PLU, sans pouvoir dépasser le 31 décembre 2019 et une indemnité d'immobilisation d'un montant de 122 500 euros était prévue à défaut de réalisation de la vente dans ce délai.

3. Les obligations du bénéficiaire ont été garanties par le cautionnement de la société Eiffage construction.

4. Par lettre du 21 mars 2018, le promettant a mis le bénéficiaire en demeure d'attester du respect de son obligation de dépôt d'une demande de permis de construire dans le délai contractuel et, par acte du 10 septembre 2018, l'a assigné, avec la société Eiffage construction, en constatation de la caducité de la promesse et condamnation au paiement de l'indemnité d'immobilisation ainsi que de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le promettant fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne solidairement les sociétés Eiffage immobilier et Eiffage construction à lui verser la somme de cent vingt-deux mille cinq cents euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 15 juin 2018 et rejette la totalité de ses demandes, alors « que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que le contrat en l'espèce prévoyait de façon claire et précise que l'indemnité d'immobilisation : « sera versée au promettant et lui restera acquise (?) faute par le bénéficiaire (?) d'avoir réalisé l'acquisition dans les délais ci-dessus, toutes conditions suspensives ayant été réalisées » ; que pour dire que l'indemnité d'immobilisation n'était pas due, la cour d'appel a retenu que « la clause relative à l'indemnité d'immobilisation ne prévoit pas qu'elle doit être payée dans l'hypothèse où le promettant se prévaut de la caducité de la promesse en l'absence de dépôt de demande de permis de construire dans le délai fixé » ; qu'en statuant ainsi lorsqu'il ressortait de ses propres constatations que la défaillance du bénéficiaire, s'agissant de la condition suspensive tenant au dépôt d'une demande de permis de construire faisait échec à la réalisation de la vente, la condition suspensive étant réputée accomplie, la cour d'appel, qui a méconnu la force obligatoire de clauses non équivoques, a violé l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1103 du code civil :

6. Aux termes de ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

7. Pour rejeter la demande du promettant en paiement de l'indemnité d'immobilisation, l'arrêt retient que la clause relative à cette indemnité ne prévoit pas qu'elle doit être payée dans l'hypothèse où il se prévaut de la caducité de la promesse faute de dépôt de demande de permis de construire dans le délai fixé.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la clause litigieuse prévoyait que l'indemnité serait versée au promettant faute pour le bénéficiaire ou ses substitués d'avoir réalisé l'acquisition avant le 31 décembre 2019, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées et, s'agissant de la condition suspensive d'obtention du permis de construire, qu'il était stipulé que si le bénéficiaire ne déposait pas de dossier de demande dans les quatre mois de l'opposabilité du futur plan local d'urbanisme révisé, il ne pourrait se prévaloir de cette condition, le promettant pouvant alors se délier de tout engagement huit jours après une mise en demeure de justifier du dépôt de cette demande, ce dont il résultait que le manquement du bénéficiaire à cette obligation empêchait la réalisation de la vente, la condition suspensive d'obtention du permis de construire étant réputée accomplie, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne les sociétés Eiffage immobilier grand ouest et Eiffage construction aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Eiffage immobilier grand ouest et Eiffage construction et les condamne à payer à l'association d'éducation populaire Saint Yves la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300848 

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