jeudi 6 décembre 2018

Un contrat régulièrement formé qui perd, postérieurement à sa conclusion, un élément essentiel à sa validité devient caduc

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 7 novembre 2018
N° de pourvoi: 16-26.354
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Gaschignard, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 juillet 2016) et les productions, que le 5 septembre 2006, M. Z..., courtier d'assurance de la société du journal l'Est républicain (l'Est républicain), et la société Procourtage, cabinet de courtage du groupe Crédit mutuel centre est Europe (le Crédit mutuel), ont conclu une convention de cocourtage concernant le client société Ebra holding, détenue pour 51 % par l'Est républicain et pour 49 % par le Crédit mutuel, agissant pour le compte de six autres journaux ainsi que leurs filiales, et concernant tous les contrats d'assurances existants ou à venir destinés à garantir le patrimoine, les pertes d'exploitation et la responsabilité civile du client et de ses dirigeants ; que cette convention, qui réglait les attributions respectives de chaque courtier et le partage des commissions, était souscrite pour une période de cinq ans à compter de sa date d'effet, fixée au 1er mai 2006, renouvelable sauf résiliation pour une nouvelle période de cinq ans ; qu'à la suite de la cession, courant 2009, par l'Est républicain au Crédit mutuel du contrôle de la société Ebra, les clients de M. Z... ont résilié leurs contrats en fin d'année et en ont souscrit de nouveaux, à effet du 1er janvier 2010, par l'intermédiaire de la société Procourtage ; que M. Z... a assigné cette société en paiement des commissions par elle perçues à compter de l'exercice 2010 et de dommages-intérêts pour déloyauté ;

Sur les premier et deuxième moyens et le troisième moyen, pris en ses deuxième et quatrième à treizième branches, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen, pris en ses première et troisième branches :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir dire que la convention de cocourtage demeurait en vigueur en 2010 et 2011, qu'elle s'était renouvelée pour cinq ans à compter du 1er mai 2011, et, en conséquence, à voir condamner sous astreinte cette société à lui payer les commissions dues entre 2010 et 2016, alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la disparition de l'objet du contrat ne met pas automatiquement fin au contrat ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure applicable au litige ;

2°/ que la convention de cocourtage conclue le 5 septembre 2006 avait pour objet l'aménagement des relations entre les deux courtiers et précisait notamment le droit à commission de chaque courtier au titre des contrats d'assurances souscrits par la société Ebra et visés au chapitre I de la convention ; que la prétendue cession du contrôle de la société Ebra au Crédit mutuel par le groupe l'Est républicain n'a pas fait disparaître cet objet ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et a violé le même texte ;

Mais attendu qu'un contrat régulièrement formé qui perd, postérieurement à sa conclusion, un élément essentiel à sa validité devient caduc ; que l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la cession, parachevée le 29 décembre 2009, du contrôle de la société Ebra au groupe Crédit mutuel par le groupe l'Est républicain, client de M. Z..., a entraîné la résiliation des contrats d'assurances et la souscription de nouveaux contrats à effet au 1er janvier 2010 par la seule société Procourtage et que M. Z... n'a plus exercé d'activité de courtage pour les organes de presse désormais contrôlés par le Crédit mutuel ; qu'il relève que l'objet de la convention, dont le maintien n'était pas conciliable avec la prise de contrôle du Crédit mutuel, a disparu et que la convention a cessé de produire ses effets à compter de cette prise de contrôle ; qu'il en résulte que la disparition de l'objet de la convention a entraîné sa caducité ; que, par ce motif de pur droit suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, le chef de dispositif de l'arrêt rejetant les demandes de M. Z... en exécution de la convention pour la période postérieure au 1er janvier 2010 se trouve légalement justifié ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire pour attitude déloyale de la société Procourtage lui ayant fait perdre une chance de conserver les affaires hors convention, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel, M. Z... faisait valoir, preuve à l'appui, que pendant l'exécution de la convention de cocourtage, la société Procourtage avait, avec la complicité du Crédit mutuel, activement démarché certains clients de M. Z... ; qu'il résultait en effet de mails échangés en mai et juin 2009 que, pendant la période d'exécution de la convention, la société Procourtage avait directement fait souscrire des contrats à l'Est républicain, client exclusif de M. Z... aux termes de la convention de cocourtage, ou encore des contrats à d'autres sociétés portant sur les véhicules ou la prévoyance des salariés, affaires appartenant exclusivement à M. Z... selon la même convention ; que dès lors, en se bornant à énoncer que les résiliations des contrats par les sociétés DNA, A télé, ou encore la résiliation des contrats Audiens, n'étaient que « des suites logiques de la prise de contrôle » de la société Ebra par le groupe Crédit mutuel, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces résiliations ne trouvaient pas leur source dans les manoeuvres déloyales engagées pendant la période d'exécution de la convention de cocourtage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la convention de cocourtage excluait les assurances de véhicules, les assurances de personnes et l'assurance responsabilité civile personnelle des dirigeants, qu'à la suite de la prise de contrôle par le Crédit mutuel de la société Ebra, les clients de M. Z... ont résilié leurs contrats, que les groupes de presse, tous contrôlés par le Crédit mutuel, ont adhéré à des propositions d'assurance émanant de la branche assurance du Crédit mutuel et qu'il n'est pas prouvé que la société Procourtage détenait ces risques en portefeuille, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que ces résiliations constituent la suite logique de la prise de contrôle du Crédit mutuel et que M. Z..., qui a subi les conséquences de la loi du marché, ne rapporte pas la preuve d'une faute contractuelle de la société Procourtage ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Procourtage la somme de 3 000 euros ;

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