vendredi 17 septembre 2021

Défaut de motivation sur l'existence effective d'une délégation de pouvoirs

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° Y 19-84.737 F-D

N° 1687


SM12
13 OCTOBRE 2020


CASSATION PARTIELLE


M. SOULARD président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 OCTOBRE 2020



La société Cegelec nord industrie a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6echambre, en date du 11 juin 2019, qui, pour blessures involontaires et infractions à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs, l'a condamnée à 5 000 euros d'amende ainsi qu'à deux amendes de 1 000 euros, et a statué sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme de Lamarzelle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Cegelec nord industrie, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme de Lamarzelle, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué, du procès verbal de l'inspection du travail et des autres pièces de procédure ce qui suit.

2. M. O... H..., employé par la société Cegelec nord industrie (la société Cegelec), a été blessé lors d'une opération de maintenance au sein des locaux de la société Hyet Sweet. Alors qu'il remplaçait, en utilisant un chalumeau, des caillebotis sur le couvercle d'une cuve contenant notamment du méthanol, une explosion s'est produite, le projetant en l'air et le faisant chuter.

3. Les deux sociétés ont été poursuivies devant le tribunal correctionnel des chefs de blessures involontaires ayant entrainé une incapacité totale de travail de plus de trois mois et d'infractions à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs.

4. Les juges du premier degré ont déclaré les sociétés coupables et ils les ont condamnées. La société Cegelec a interjeté appel du jugement, le procureur de la République formant appel incident.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen est pris de la violation des articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale.

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société Cegelec nord Industrie coupable d'avoir exécuté des travaux en qualité d'entreprise extérieure sans plan de prévention et d'avoir employé un travailleur à une activité comportant des risques d'explosion à des agents chimiques dangereux sans respect des règles de prévention, alors « qu' il appartient au juge d'identifier, au besoin en ordonnant un supplément d'information, celui des organes ou représentants de la personne morale, qui a commis pour son compte les manquements constatés, en s'expliquant suffisamment sur l'éventuelle existence de délégations de pouvoirs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. H..., chef d'équipe, comptant plus de 25 années d'ancienneté et ayant bénéficié de plusieurs formations en matière de sécurité et de risques, avait reçu le pouvoir de « représenter la société et de signer tout plan de prévention relatif à l'activité du Département Nord Picardie Industrie », ce qu'il a fait en l'espèce ; qu'en écartant cette délégation au motif insuffisant qu'il n'aurait « manifestement » pas eu la compétence suffisante, sans s'en expliquer davantage, pour retenir que c'était M. B..., chargé d'affaires, qui avait représenté en fait la société, tout en refusant expressément de vérifier si ce dernier était titulaire d'une délégation de pouvoir et bien qu'ayant constaté qu'il « n'a pas même été entendu par les enquêteurs », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121-2 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

8. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

9. Pour confirmer le jugement ayant déclaré la société Cegelec coupable d'homicide involontaire et d'infractions au code du travail, l'arrêt retient que les infractions ont été commises par M. R... B..., employé de cette société, chargé de superviser et coordonner les travaux effectués dans l'entreprise utilisatrice et signataire du plan de prévention.

10. Les juges ajoutent que l'intéressé, qui n'a pas été entendu au cours de l'enquête et dont on ignore s'il était délégataire de pouvoirs pour le compte de la société Cegelec, disposait sur le chantier de l'autorité, de la compétence et des moyens nécessaires pour que la sécurité des salariés soit assurée.

11. En se déterminant ainsi, sans mieux s'expliquer sur l'existence effective d'une délégation de pouvoirs ni sur le statut et les attributions de M. B... propres à en faire un représentant de la personne morale, au sens de l'article 121-2 du code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin d'examiner le quatrième moyen, la Cour :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai en date du 11 juin 2019, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de la société Cegelec et aux peines prononcées des chefs de blessures involontaires, de défaut d'analyse des risques pouvant résulter de l'interférence entre les activités et d'absence d'évaluation des risques induits par la présence de produits chimiques dangereux et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

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