lundi 5 octobre 2020

Clause pénale - réduction - prise en considération d'un préjudice distinct

 

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 septembre 2020, 19-15.588, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 septembre 2020




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 545 F-D

Pourvoi n° M 19-15.588







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020

La société Le Vallon, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 19-15.588 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Sogea sud bâtiment, dont le siège est [...] , venant aux droits et obligations de la société Dumez sud,

2°/ à la société Economie de la construction maîtrise d'oeuvre (ECMO), entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

3°/ à M. H... N..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société ECMO,

défendeurs à la cassation.




La société Sogea sud bâtiment a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Le Vallon, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Economie de la construction maîtrise d'oeuvre et de M. N..., ès qualités, de la SCP Richard, avocat de la société Sogea sud bâtiment, après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 janvier 2019), la société civile immobilière Le Vallon (la SCI Le Vallon) a entrepris la construction de logements étudiants. La société Economie de la construction maîtrise d'oeuvre (la société ECMO), aujourd'hui représentée par son mandataire judiciaire, a été chargée de la maîtrise d'oeuvre d'exécution et la société Dumez sud bâtiment, (la société Dumez), aux droits de laquelle vient la société Sogea sud bâtiment (la société Sogea), du lot gros-oeuvre.

2. Les parties étant en désaccord sur les comptes, la SCI Le Vallon a assigné en paiement la société Dumez, qui a assigné la société ECMO.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la SCI Le Vallon, pris en ses cinq premières branches, et le premier moyen du pourvoi incident de la société Sogea, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses trois dernières branches

Enoncé du moyen

4. La SCI Le Vallon fait grief à l'arrêt de condamner la société Sogea à lui payer certaines sommes, de la condamner à payer à la société Sogea certaines sommes, d'ordonner la compensation entre ces sommes et de rejeter ses autres demandes, alors :

« 1°/ que la SCI Le Vallon, qui contestait l'évaluation faite par l'expert des réserves non levées, faisait valoir que le cabinet ECMO les avait chiffrées à 20.030,11 euros en précisant que ce montant ne comprenait pas les malfaçons de type défaut d'aplomb de façades ou garde-corps, ce calcul dépassant sa compétence ; qu'elle ajoutait que les défauts esthétiques engagent la responsabilité contractuelle de la société Dumez et doivent être indemnisés conformément en outre aux articles 3-5 et 5 du CCAP et V du marché de travaux, la retenue pour non-finition étant fixée à 5 % du marché soit 125 200 euros ; qu'ayant constaté que l'expert judiciaire a relevé que les réserves non-levées ne sont que d'ordre esthétique et que la résidence étudiante était au jour de son accédit occupée depuis plus de six ans sans plainte signalée de quiconque, son gestionnaire, les propriétaires ou les étudiants locataires, pour en déduire qu'il n'y a pas plus lieu, en cet état, comme le sollicite également la SCI maître de l'ouvrage, de déduire une retenue égale à 5 % du montant du marché alors que son propre maître d'oeuvre n'invoquait qu'un total de travaux pour lever les réserves de 20 000 euros et que l'expert judiciaire a lui-même relevé que Dumez était intervenue après réception du chantier pour une levée partielle des réserves et ce, à plusieurs reprises jusqu'au janvier 2009, que pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, seule la somme de 17 575 euros sera retenue, quand le montant des reprises évalué par le cabinet ECMO ne tenait pas compte des désordres esthétiques, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1792-6 du code civil ;

2°/ que la SCI Le Vallon, qui contestait l'évaluation faite par l'expert des réserves non levées, faisait valoir que le cabinet ECMO les avait chiffrées à 20.030,11 euros en précisant que ce montant ne comprenait pas les malfaçons de type défaut d'aplomb de façades ou garde-corps, ce calcul dépassant sa compétence ; qu'elle ajoutait que les défauts esthétiques engagent la responsabilité contractuelle de la société Dumez et doivent être indemnisés conformément en outre aux articles 3-5 et 5 du CCAP et V du marché de travaux, la retenue pour non-finition étant fixée à 5 % du marché soit 125 200 euros ; qu'ayant constaté que l'expert judiciaire a relevé que les réserves non-levées ne sont que d'ordre esthétique et que la résidence étudiante était au jour de son accédit occupée depuis plus de six ans sans plainte signalée de quiconque, son gestionnaire, les propriétaires ou les étudiants locataires, pour en déduire qu'il n'y a pas plus lieu, en cet état, comme le sollicite également la SCI maître de l'ouvrage de déduire une retenue égale à 5 % du montant du marché alors que son propre maître d'oeuvre n'invoquait qu'un total de travaux pour lever les réserves de 20 000 euros et que l'expert judiciaire a lui-même relevé que Dumez était intervenue après réception du chantier pour une levée partielle des réserves et ce, à plusieurs reprises jusqu'au janvier 2009, que pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, seule la somme de 17 575 euros sera retenue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations dont il s'évinçait que les réserves n'avaient pas été levées, en ce que les désordres esthétiques subsistaient, et elle a violé l'article 1792-6 du code civil ;

3°/ que la SCI Le Vallon faisait valoir qu'elle n'avait pas sollicité la réalité de son préjudice, lequel correspondait à l'immobilisation technique, personnelle et financière pour les six mois de retard pris, ainsi que la perte de jouissance concernant les cents quarante-trois appartements qui n'ont pu être loués à hauteur de 500 euros mensuellement, correspondant à la somme de 430 000 euros, ce qui excluait que l'indemnisation sollicitée revête un caractère excessif ; qu'en relevant que Sogea sud (ex Dumez) invoque le caractère manifestement disproportionné des pénalités de retard, que ce dernier s'apprécie au regard du préjudice effectivement subi, pour décider que le préjudice invoqué à cet égard par la SCI Le Vallon ayant été essentiellement réparé par les sommes allouées au titre des indemnités qu'elle a dû verser aux gestionnaire et acquéreurs de la résidence, à hauteur d'une somme de 152 000 euros, des pénalités de retard de 129 858 euros sans autre préjudice invoqué que la préoccupation née du retard et des pourparlers avec le gestionnaire et les acquéreurs, et partant que les indemnités de retard seront regardées comme manifestement excessives et ramenées, faute de plus ample justification, à la somme de 50 000 euros, quand l'exposante invoquait au titre de son préjudice l'immobilisation technique, personnelle et financière pour les six mois de retard pris, ainsi que la perte de jouissance concernant les cents quarante-trois appartements qui n'ont pu être loués à hauteur de 500 euros mensuellement et un total de 430 000 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, la cour d'appel a constaté que des réserves d'ordre esthétique concernant le lot gros-œuvre n'avaient pas été levées et, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, retenu que le coût de leur indemnisation s'élevait à la somme de 17 475 euros.

6. D'autre part, elle a, appréciant souverainement le caractère manifestement disproportionné de la clause pénale au regard du préjudice effectivement subi, pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, que les sommes dues au titre de cette clause devaient être réduites à la somme de 50 000 euros.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi incident de la société Sogea sud bâtiment

Enoncé du moyen

8. La société Sogea fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SCI Le Vallon les sommes de 152 397,83 euros au titre de son préjudice financier lié au retard de livraison et 50 000 euros au titre des pénalités de retard, alors « que la clause pénale institue une évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice, excluant l'attribution de dommages-intérêts destinés à réparer le même préjudice ; qu'en condamnant néanmoins la société Sogea, venant aux droits de la société Dumez, à payer à la SCI Le Vallon, afin de réparer le préjudice résultant du retard dans la réalisation des travaux, d'une part, une somme de 50 000 euros au titre des pénalités de retard conventionnelles et, d'autre part, une somme de 152 397,83 euros au titre de son préjudice financier lié au retard de livraison, la cour d'appel, qui a réparé deux fois le même préjudice, a violé les articles 1147 et 1152 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a retenu une indemnisation de 152 397 euros au titre des préjudices en lien direct avec le retard, correspondant aux sommes que la SCI Le Vallon avait dû verser au gestionnaire de la résidence et aux acquéreurs en raison du retard de livraison et à ceux-ci au titre des intérêts intercalaires.

10. Elle a pris en compte les sommes versées au gestionnaire et aux acquéreurs pour réduire la clause pénale à la somme de 50 000 euros et retenu que cette indemnité réparait le préjudice constitué par la préoccupation née du retard et des pourparlers avec le gestionnaire et les acquéreurs.

11. La cour d'appel a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par l'application de la clause pénale.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Le Vallon aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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