mercredi 8 décembre 2021

Assurance : nullité entière de la clause d'exclusion par liste partiellement non formelle et non limitée

 Note D. Noguéro, RDI 2021, p. 668

Cour de cassation - Chambre civile 2

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 juin 2021




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 617 FS-B+R

Pourvoi n° N 19-24.467





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 JUIN 2021


M. [C] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 19-24.467 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre B), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc, société coopérative à capital et personnel variables, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société CNP assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano et les plaidoiries de Me Rocheteau, avocat de M. [N], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia et les plaidoiries de Me Bendel-Vasseur, avocat de la société CNP assurances, de la SCP Yves et Blaise Capron et les plaidoiries de Me Capron, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, MM. Besson, Martin, conseillers, Mme Guého, MM. Talabardon, Ittah, Pradel, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 septembre 2019) et les productions, M. [N] a souscrit, pour les besoins de sa profession d'agriculteur, quatre emprunts auprès de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque). Il a adhéré à l'assurance de groupe souscrite par la banque auprès de la société CNP assurances (l'assureur), garantissant les risques de décès et d'incapacité temporaire totale de travail pour l'ensemble de ces prêts, ainsi que le risque d'invalidité absolue et définitive pour l'un d'entre eux et le risque perte totale et irréversible d'autonomie pour les trois autres.

2. A la suite d'un accident du travail ayant provoqué des hernies discales avec lombo-sciatalgie et empêché la poursuite par M. [N] de son activité professionnelle, l'assureur, invoquant les exclusions de garantie relatives aux pathologies lombaires prévues par les contrats d'assurance, a refusé la prise en charge des échéances des prêts.

3. M. [N] a assigné la banque et l'assureur devant un tribunal de grande instance aux fins, à titre principal de condamnation de ce dernier à lui payer une somme au titre des mensualités d'emprunt et, à titre subsidiaire, de condamnation des parties adverses au paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. M. [N] fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de l'assureur, alors :

« 1°/ qu'une clause d'exclusion de garantie qui est sujette à interprétation n'est pas formelle et limitée ; que pour faire application de la clause d'exclusion litigieuse, à l'exception de ses termes « et autre mal de dos », la cour d'appel a énoncé qu'une fois expurgée de cette expression maladroite et imprécise inopposable à l'assuré, la clause redevient parfaitement claire, formelle et limitée, pour le restant en excluant les incapacités et invalidités (qu'elles soient temporaires, permanentes, définitives et/ou absolues) qui résultent de lombalgie, de sciatalgie, dorsalgie, cervicalgie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il ressortait qu'elle avait dû interpréter la clause pour déterminer dans quelle mesure celle-ci était formelle et limitée, en violation de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

2°/ qu'une clause d'exclusion de garantie imprécise, fût-ce pour partie, est inapplicable pour le tout ; que la cour d'appel a retenu que l'expression « et autre mal de dos », qui est maladroite et imprécise, ne répond pas aux exigences de l'article L. 113-1 du code des assurances en ce qu'il ne s'agit pas d'une exclusion formelle et limitée ; qu'en faisant néanmoins application de cette clause en ses termes résiduels, au motif erroné qu'expurgée de cette expression maladroite et imprécise inopposable à l'assuré, la clause redevient parfaitement claire, formelle et limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

6. Il résulte de ce texte que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées.

7. Pour dire opposable à l'assuré la clause d'exclusion de garantie figurant dans le prêt n° 49625011PR, stipulant que ne donnent pas lieu à prise en charge « les incapacités et invalidités (qu'elles soient temporaires, permanentes, définitives et/ou absolues) qui résultent : - de lombalgie, de sciatalgie, dorsalgie, cervicalgie et autre "mal au dos". », l'arrêt retient d'abord que dans cette clause d'exclusion, seule l'expression « et autre mal au dos » n'est pas formelle et limitée et qu'une fois expurgée de cette expression maladroite et imprécise, inopposable à l'assuré, la clause redevient parfaitement claire, formelle et limitée, pour le restant.

8. La décision énonce ensuite que, dès lors que M. [N] déclarait un sinistre avec lombo-sciatalgie droite, cette pathologie entrait nécessairement dans le champ contractuel de la clause excluant à la fois les lombalgies et les sciatalgies et que l'assureur était bien fondé à dénier sa garantie au titre de ce prêt.

9. En statuant ainsi, alors que cette clause d'exclusion de garantie, dès lors qu'elle mentionne : « et autre "mal de dos" » n'est pas formelle et limitée et ne peut recevoir application, peu important que l'affection dont est atteint M. [N] soit l'une de celles précisément énumérées à la clause, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, subsidiaire, pris en ses quatre premières branches en ce qu'il porte sur les contrats n° 113549011PR, n° 125305016PR et n° 009BP6015PR, non affectés par la cassation prononcée sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. M. [N] fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la banque, alors :

« 1°/ que le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur ; que, par suite, cette obligation n'est pas satisfaite du fait que le client a signé une demande d'adhésion à ce contrat mentionnant une exclusion de garantie ; qu'en l'espèce, en retenant néanmoins que la Crcam du Languedoc, en sa qualité de souscriptrice de l'assurance de groupe en cause, n'avait pas manqué à son devoir de mise en garde à l'égard de M. [N], dès lors que pour chacun des quatre prêts litigieux la demande d'adhésion du client portait une exclusion de garantie dont l'emprunteur était parfaitement informé pour avoir signé et paraphé chacune d'entre elles et qu'en dépit de la signature de ces demandes, il ne s'était pas enquis de la possibilité d'assurer les prêts avec une meilleure couverture des risques, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que la circonstance que le client du banquier a déclaré qu'un risque déterminé ne s'est pas réalisé avant son adhésion au contrat d'assurance de groupe n'exonère pas le banquier de son obligation d'éclairer son client sur l'opportunité de voir couvrir ce risque au regard de sa situation personnelle telle qu'elle peut raisonnablement être envisagée en cours d'exécution du contrat de prêt ; qu'il en va ainsi en particulier lorsque la survenance de ce risque est fréquente dans la population générale ; que, dès lors, en l'espèce, en affirmant que dans la mesure où M. [N] avait répondu « non » aux questions dans le questionnaire de santé concernant les lumbagos et les sciatiques, la Crcam du Languedoc ne pouvait pas prévoir qu'il pourrait être dans l'avenir atteint d'une pathologie vertébrale des lombaires, laquelle faisait l'objet d'une exclusion de garantie, et que le client était mieux placé que son banquier pour connaître les pathologies auxquelles sa profession d'agriculteur l'exposerait particulièrement, quand il incombait à le banquier de prendre l'initiative de vérifier l'adéquation des risques couverts à la situation personnelle de l'emprunteur et donc au métier qu'il exerçait, la cour d'appel, qui a constaté au surplus que la fréquence des lombalgies et sciatalgies était importante dans la population générale, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que la perte d'une chance consiste en la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'en affirmant que M. [N] ne démontre aucun préjudice de perte de chance de ne pas contracter, dès lors qu'il ne démontre pas qu'il aurait accepté de régler une assurance nécessairement plus coûteuse si le banquier l'avait davantage mis en garde sur les exclusions de garantie en cause, la cour d'appel, qui a ainsi subordonné l'indemnisation de la perte d'une chance à la preuve de la certitude que l'emprunteur aurait souscrit une assurance complémentaire s'il avait été mieux éclairé, quand seule importait la question de savoir si, faute de mise en garde du banquier, il avait perdu l'éventualité de souscrire une telle assurance, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que le préjudice résultant du manquement du banquier à son devoir d'éclairer son client sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur réside dans la disparition pour celui-ci de l'éventualité de contracter des garanties plus appropriées à sa situation personnelle ; que, dès lors, en affirmant, pour débouter M. [N] de sa demande au titre de ce manquement, qu'il ne démontre aucun préjudice de perte de chance de ne pas contracter, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147, devenu 1217, du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

11. Il résulte de ce texte que la banque, qui propose à son client auquel elle consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'elle a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur.

12. Il se déduit du principe susvisé que toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé.

13. Pour rejeter la demande d'indemnisation de la perte de chance alléguée en raison des manquements de la banque à son devoir de mise en garde, l'arrêt retient que, pour chacun des prêts, la demande d'adhésion portait une exclusion dont l'emprunteur était parfaitement informé pour avoir dûment signé et paraphé chacune de ces demandes, qu'il ne peut donc être utilement reproché au prêteur ne pas l'avoir informé de ces clauses d'exclusions, que M. [N] a déclaré, dans le questionnaire de santé, n'avoir pas subi de lumbagos ou de sciatiques et qu'en sa qualité d'agriculteur, il était mieux placé que la banque pour connaître les pathologies auxquelles sa profession l'exposait particulièrement et que s'il s'estimait particulièrement soumis à un risque de lombalgies et sciatalgies, il a néanmoins signé, à quatre reprises, les différentes demandes d'adhésion, sans même s'enquérir de la possibilité d'assurer les prêts avec une meilleure couverture des risques mais avec la contre-partie de primes d'assurances plus élevées.

14. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la perte de chance alléguée par M. [N], et alors qu'il appartenait à la banque d'éclairer l'emprunteur sur l'adéquation de la garantie proposée aux risques auxquels l'exposait son activité professionnelle, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation prononcée sur le fondement du deuxième moyen, formulé à titre principal, tiré de la nullité de la clause d'exclusion de garantie figurant dans le contrat d'assurance relatif au prêt n° 496125016PR, rend irrévocable l'arrêt attaqué en ce qu'il rejette les demandes formées par M. [N] contre la banque au titre de ce contrat, dès lors que le troisième moyen a été présenté à titre subsidiaire.

Mise hors de cause

16. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause l'assureur, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi et sur le troisième moyen subsidiaire en ce qu'il porte sur le contrat n° 496125016PR, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il juge non prescrite l'action en responsabilité dirigée contre la banque et déboute M. [N] de sa demande de garantie formée à l'encontre de la SA CNP assurances au titre des prêts n° 113549011PR, n° 125305016PR et n° 009BP6015PR et de sa demande d'indemnisation formée à l'encontre de la SA CNP assurances au titre du prêt n° 496125016PR, l'arrêt rendu le 18 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société CNP assurances ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne les sociétés Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc et CNP assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc et CNP assurances et les condamne in solidum à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. [N]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté M. [N] de sa demande de garantie formée à l'encontre de la SA CNP assurances au titre des prêts n° 113549011PR, n° 125305016PR et n° 009BP6015PR ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE pour débouter M. [C] [N] de sa demande de garantie formée à l'encontre de la SA CNP Assurances au titre des prêts n° 113549011PR, n° 125305016PR et n° 0098P6015PR, le premier juge a fait une juste analyse de la clause d'exclusion, en ce qu'elle est parfaitement valide et s'applique bien à la pathologie de M. [C] [N] qui déclarait un sinistre pour hernies discales avec lombo-sciatalgie droite ; qu'en effet, cette clause, claire et précise stipule : « ne donnent pas lieu à prise en charge les incapacités et invalidités, qu'elles soient temporaires, permanentes, définitives et/ou irréversibles qui résultent : d'atteintes discales, vertébrales, para-vertébrales, intravertébrales et leurs conséquences neuromusculaires » ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE sur la validité de la clause d'exclusion de garantie concernant les prêts n° 113549011PR, n° 125305016PR et n° 009BP6015PR. Aux termes de l'article L 113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causé par la force majeure sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ; qu'il résulte de cette disposition que les clauses d'exclusion de garantie dans une police d'assurance doivent être formelles et limitées de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie ; qu'en l'espèce, aux termes des conditions particulières annexées aux demandes d'adhésion de [C] [N] aux polices d'assurance groupe souscrites par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc auprès de la SA CNP assurances dans le cadre des contrats de prêts n° 113549011PR, n° 125305016PR et n° 009BP6015PR, figure une clause d'exclusion spécifique qui stipule « ne donne pas lieu à prise en charge les incapacités et invalidités (qu'elles soient temporaires, permanentes, définitives et / ou absolues) qui résultent d'une affection psychiatrique (...) d'atteintes discales, vertébrales, paravertébrales, intravertébrales et leur conséquences neuromusculaires » ; que si la notion d'atteinte visée par cette disposition est large, le champ d'application de cette clause stipulée en caractère très apparent est précis en ce que leur siège est formellement déterminé et limité en ce que les risques exclus sont précisément énumérés dans une liste exhaustive ;

Que dès lors cette clause ne contrevenant pas aux dispositions de l'article L 113-1 du code des assurances, sera déclarée opposable à [C] [N] ; qu'or il ressort des documents médicaux produits aux débats qu'à la suite de son accident du travail survenu le 14 avril 2009 [C] [N] a présenté deux hernies discales avec lombo-sciatalgie droite soit une pathologie faisant partie des risques exclus ; qu'en conséquence sa demande en garantie au titre des 3 contrats de prêts dont s'agit sera rejetée ;

1) ALORS QUE les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ; qu'en l'espèce, la clause d'exclusion de garantie stipulée dans la police d'assurance groupe souscrite par la Crcam du Languedoc auprès de la société CNP Assurances, énonçait que « ne donnent pas lieu à prise en charge les incapacités et invalidités, qu'elles soient temporaires, permanentes, définitives et/ou irréversibles qui résultent : d'atteintes discales, vertébrales, para-vertébrales, intravertébrales et leurs conséquences neuromusculaires. » ; que pour déclarer valable cette clause, la cour d'appel a énoncé, par motif adopté, que si la notion d'atteinte visée par cette disposition est large, le champ d'application de cette clause est précis en ce que leur siège est formellement déterminé et limité en ce que les risques exclus sont précisément énumérés dans une liste exhaustive ; qu'en statuant ainsi, quand, en l'absence de toute précision sur l'origine des atteintes visées ou les pathologies qui en découlaient, la clause ne se référait pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées, de sorte qu'elle n'était ni formelle ni limitée et ne pouvait ainsi recevoir application en raison de son imprécision, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

2) ALORS QUE les clauses des polices édictant des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ; que pour faire application de la clause d'exclusion litigieuse, la cour d'appel s'est bornée à affirmer, par motif adopté, qu'elle est « stipulée en caractère très apparent » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la clause litigieuse était rédigée en termes très apparents de manière à attirer spécialement l'attention de l'assuré sur l'exclusion de garantie qu'elle édictait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-4 du code des assurances.


DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société CNP assurances ;

AUX MOTIFS QUE pour faire droit dans son principe à la demande M. [C] [N] au titre de l'assurance du prêt n° 496125016PR en date du 23 décembre 1999 d'un montant de 15 244,90 ?, le premier juge a : « Dit non valide et inopposable à M. [C] [N] la clause d'exclusion de garantie portée sur la demande d'adhésion à l'assurance groupe portant sur le contrat de prêt n° 496125016PR en date du 23 décembre 1999 d'un montant de 15 244,90 ?, en ce qu'elle vise les incapacités et invalidités (qu'elles soient temporaires, permanentes, définitives et/ou absolues) qui résultent de lombalgie, de sciatalgie, dorsalgie, cervicalgie et autre "mal au dos", pour ne pas répondre aux exigences de l'article L. 113-1 du code des assurances » ; qu'or, dans cette clause d'exclusion, seule l'expression « et autre mal au dos » ne répond pas aux exigences de l'article L. 113-1 du code des assurances en ce qu'il ne s'agit pas d'une exclusion formelle et limitée ; que cette expression encourt donc l'inopposabilité à l'assuré ; qu'en revanche, une fois expurgée de cette expression maladroite et imprécise inopposable à l'assuré, la clause redevient parfaitement claire, formelle et limitée, pour le restant en excluant les incapacités et invalidités (qu'elles soient temporaires, permanentes, définitives et/ou absolues) qui résultent de lombalgie, de sciatalgie, dorsalgie, cervicalgie ; que dès lors que M. [C] [N] qui déclarait un sinistre avec lombosciatalgie droite, cette pathologie - qui n'est autre que la combinaison d'une lombalgie et d'une sciatalgie - entre nécessairement dans le champ contractuel de la clause excluant à la fois les lombalgies et les sciatalgies ; que la compagnie d'assurance était donc bien fondée à dénier sa garantie également au titre de ce prêt ; que le jugement sera donc infirmé sur ce point ;

1) ALORS QU'une clause d'exclusion de garantie qui est sujette à interprétation n'est pas formelle et limitée ; que pour faire application de la clause d'exclusion litigieuse, à l'exception de ses termes « et autre mal de dos », la cour d'appel a énoncé qu'une fois expurgée de cette expression maladroite et imprécise inopposable à l'assuré, la clause redevient parfaitement claire, formelle et limitée, pour le restant en excluant les incapacités et invalidités (qu'elles soient temporaires, permanentes, définitives et/ou absolues) qui résultent de lombalgie, de sciatalgie, dorsalgie, cervicalgie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il ressortait qu'elle avait dû interpréter la clause pour déterminer dans quelle mesure celle-ci était formelle et limitée, en violation de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

2) ALORS en toute hypothèse QU'une clause d'exclusion de garantie imprécise, fût-ce pour partie, est inapplicable pour le tout ; que la cour d'appel a retenu que l'expression « et autre mal dos », qui est maladroite et imprécise, ne répond pas aux exigences de l'article L. 113-1 du code des assurances en ce qu'il ne s'agit pas d'une exclusion formelle et limitée ; qu'en faisant néanmoins application de cette clause en ses termes résiduels, au motif erroné qu'expurgée de cette expression maladroite et imprécise inopposable à l'assuré, la clause redevient parfaitement claire, formelle et limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances.


TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc ;

AUX MOTIFS QUE subsidiairement, la banque conclut au débouté des demandes au fond en ce que l'emprunteur a manifesté son consentement aux garanties proposées comme aux clauses d'exclusion ; que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc fait notamment grief au jugement s'agissant de son devoir de mise en garde, d'avoir opéré un distinguo entre les prêts alors que pour chacun d'eux la demande d'adhésion portait une exclusion dont l'emprunteur était parfaitement informé pour avoir dûment signé et paraphé chacune de ces demandes d'adhésion ; qu'il ne peut donc être utilement reproché au prêteur ne pas l'avoir informé de ces clauses d'exclusions ; qu'en outre, dans la mesure où il avait répondu « non » aux questions dans le questionnaire de santé concernant les lumbagos et les sciatiques, la banque ne pouvait prévoir qu'il pourrait être dans l'avenir atteint d'une pathologie vertébrale des lombaires ; que de façon très hasardeuse, le premier juge a considéré sur ce point, qu'au regard de sa profession d'agriculteur l'exposant particulièrement à ce type de pathologie en raison des tâches physiques, l'emprunteur aurait dû être particulièrement alerté sur cette exclusion de garantie ; qu'or, Monsieur [N] est pourtant mieux placé que son banquier pour connaître les pathologies auxquelles sa profession l'exposerait particulièrement ; qu'ainsi que le fait observer la banque, s'il s'estimait particulièrement exposé à un risque de lombalgies et sciatalgies, il a néanmoins signé - à 4 reprises - les différentes demandes d'adhésion, sans même s'enquérir de la possibilité d'assurer les prêts avec une meilleure couverture des risques mais avec la contre-partie de primes d'assurances plus élevées ; qu'en effet, si les contrats d'assurance-groupe des prêts établis par la CNP sont restrictifs quant à la couverture des incapacités et invalidités - notamment s'agissant de l'exclusion des pathologies vertébrales, telles que les lombalgies et sciatalgies dont la fréquence est importante dans l'ensemble de la population générale - la contre-partie de ces exclusions contractuelles est un coût d'assurance qui se veut particulièrement concurrentiel ; que lorsque un emprunteur contracte un crédit, il recherche prioritairement un coût total de crédit avantageux ; que l'emprunteur ne démontre pas qu'il aurait accepté de régler une assurance nécessairement plus coûteuse - ce qui aurait augmenté le coût total de crédit - si la banque l'avait davantage mis en garde sur les exclusions figurant aux contrats d'assurance-groupe peu onéreux qu'elle lui proposait ; que Monsieur [N] ne démontre donc, en toute hypothèse, aucun préjudice de perte de chance de ne pas contracter ;

Que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a : Dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc a manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de Monsieur [C] [N] dans le cadre de l'adhésion à l'assurance groupe concernant les prêts n° 113549011PR, n° 125305016 PR et n° 0098P6015PR et condamné en conséquence la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc à payer à Monsieur [C] [N] la somme de 90 000 ? en indemnisation de ses préjudices à ce titre ; que Monsieur [N] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts ; qu'en définitive, Monsieur [N] sera débouté de toutes ses demandes, aussi bien à l'encontre de son assureur que de sa banque ;

1) ALORS QUE le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur ; que, par suite, cette obligation n'est pas satisfaite du fait que le client a signé une demande d'adhésion à ce contrat mentionnant une exclusion de garantie ; qu'en l'espèce, en retenant néanmoins que la Crcam du Languedoc, en sa qualité de souscriptrice de l'assurance de groupe en cause, n'avait pas manqué à son devoir de mise en garde à l'égard de M. [N], dès lors que pour chacun des quatre prêts litigieux la demande d'adhésion du client portait une exclusion de garantie dont l'emprunteur était parfaitement informé pour avoir signé et paraphé chacune d'entre elles et qu'en dépit de la signature de ces demandes, il ne s'était pas enquis de la possibilité d'assurer les prêts avec une meilleure couverture des risques, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2) ALORS QUE la circonstance que le client du banquier a déclaré qu'un risque déterminé ne s'est pas réalisé avant son adhésion au contrat d'assurance de groupe n'exonère pas le banquier de son obligation d'éclairer son client sur l'opportunité de voir couvrir ce risque au regard de sa situation personnelle telle qu'elle peut raisonnablement être envisagée en cours d'exécution du contrat de prêt ; qu'il en va ainsi en particulier lorsque la survenance de ce risque est fréquente dans la population générale ; Que, dès lors, en l'espèce, en affirmant que dans la mesure où M. [N] avait répondu « non » aux questions dans le questionnaire de santé concernant les lumbagos et les sciatiques, la Crcam du Languedoc ne pouvait pas prévoir qu'il pourrait être dans l'avenir atteint d'une pathologie vertébrale des lombaires, laquelle faisait l'objet d'une exclusion de garantie, et que le client était mieux placé que son banquier pour connaître les pathologies auxquelles sa profession d'agriculteur l'exposerait particulièrement, quand il incombait à la banque de prendre l'initiative de vérifier l'adéquation des risques couverts à la situation personnelle de l'emprunteur et donc au métier qu'il exerçait, la cour d'appel, qui a constaté au surplus que la fréquence des lombalgies et sciatalgies était importante dans la population générale, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3) ALORS QUE la perte d'une chance consiste en la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'en affirmant que M. [N] ne démontre aucun préjudice de perte de chance de ne pas contracter, dès lors qu'il ne démontre pas qu'il aurait accepté de régler une assurance nécessairement plus coûteuse si la banque l'avait davantage mis en garde sur les exclusions de garantie en cause, la cour d'appel, qui a ainsi subordonné l'indemnisation de la perte d'une chance à la preuve de la certitude que l'emprunteur aurait souscrit une assurance complémentaire s'il avait été mieux éclairé, quand seule importait la question de savoir si, faute de mise en garde du banquier, il avait perdu l'éventualité de souscrire une telle assurance, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4) ALORS QUE le préjudice résultant du manquement du banquier à son devoir d'éclairer son client sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur réside dans la disparition pour celui-ci de l'éventualité de contracter des garanties plus appropriées à sa situation personnelle ; que, dès lors, en affirmant, pour débouter M. [N] de sa demande au titre de ce manquement, qu'il ne démontre aucun préjudice de perte de chance de ne pas contracter, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; que, dans ses conclusions récapitulatives (p. 17-19), M. [N] soutenait, en sa qualité d'agriculteur au moment de la conclusion des prêts, que la banque avait engagé sa responsabilité à son égard pour avoir manqué à son devoir de mise en garde au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi de ces prêts ; qu'il invoquait et produisait en ce sens les contrats de prêts souscrits auprès de la Crcam entre 1998 et 2009, ainsi que les rapports du Centre de l'économie rurale sur ses résultats de 2002 et de M. [W] ainsi que ses avis d'impôts des années 2004 à 2007 et 2009 ; qu'en délaissant ce moyen déterminant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2021:C200617

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