mercredi 15 décembre 2021

Devoir de conseil du maître d'œuvre

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 décembre 2021




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 857 F-D

Pourvoi n° W 20-20.086




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2021

1°/ Mme [Z] [V],

2°/ M. [I] [R],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° W 20-20.086 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [T] [M], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de liquidateur amiable de la société Agence [T] [M],

2°/ à M. [S] [F], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de mandataire ad hoc de la société Agence [T] [M],

3°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [V] et de M. [R], de la SCP Boulloche, avocat de la société Mutuelle des architectes français, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 janvier 2020), le 1er mars 2011, M. [R] et Mme [V] ont confié à la société Agence [T] [M], assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), une mission de maîtrise d'oeuvre complète portant sur la construction d'une maison et d'une piscine.

2. La société Les Entrepreneurs du bâtiment (société LEDB) a été chargée des travaux, la date d'achèvement étant fixée au 27 février 2013.

3. Le chantier a été abandonné par l'entreprise le 15 novembre 2012 et celle-ci a été mise en liquidation judiciaire le 17 septembre 2013.

4. Le 12 juillet 2013, M. [R] et Mme [V] ont conclu un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture du plan avec la société Baxter & Partners, celle-ci s'engageant à fournir une attestation de livraison à prix et délai convenus au plus tard à la date d'ouverture du chantier, le début des travaux étant fixé au 12 septembre 2013.

5. Par lettre du 13 septembre 2013, la société Agence [T] [M] a résilié son contrat en invoquant la perte de confiance manifestée par les maîtres de l'ouvrage.

6. La société Baxter & Partners, désormais en liquidation judiciaire, qui n'a pas fourni de garantie de livraison, a abandonné le chantier.

7. Invoquant les fautes de la société de maîtrise d'oeuvre prises, d'une part, de l'absence de conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle avec la société LEDB et, d'autre part, du commencement des travaux par la société Baxter & Partners sans qu'ait été fournie la garantie de livraison, M. [R] et Mme [V] ont assigné en réparation M. [M], pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société Agence [T] [M], puis, celle-ci ayant été radiée du registre du commerce et des sociétés, M. [F], pris en sa qualité de mandataire ad hoc, ainsi que la MAF.

Examen des moyens

Sur le quatrième moyen, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. M. [R] et Mme [V] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir déclarer la société Agence [T] [M] responsable de la non-construction de leur maison à la suite du devis signé avec la société LEDB et de limiter, en conséquence, les condamnations prononcées in solidum à l'encontre de la société de maîtrise d'oeuvre et de la MAF aux seules sommes qu'il a retenues, alors « que l'architecte auquel est confié une mission d'assistance pour la passation des contrats de travaux est tenu d'informer le maître d'ouvrage profane de l'obligation, s'il choisit de contracter avec une seule entreprise pour la construction d'une maison individuelle, de conclure un contrat selon les règles impératives prévues par le code de la construction et de l'habitation, et de l'informer des caractéristiques essentielles de ce contrat, notamment l'obligation pour l'entrepreneur de fournir une garantie de livraison avant l'ouverture du chantier ; que l'architecte est également tenu, le cas échéant, de mettre en garde le maître de l'ouvrage sur les risques associés à la conclusion d'un contrat qui ne respecte pas ses règles, en particulier le risque d'insolvabilité de l'entreprise de construction et d'inachèvement du chantier qui en découle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que M. [R] et Mme [V] avaient été informés de l'existence du contrat de construction de maison individuelle au mois d'avril 2012 et qu'ils avaient librement et en toute connaissance de cause écarté ce contrat et choisi de signer avec la société LEDB un devis détaillant la nature des travaux à réaliser et leur prix, et qu'en conséquence ils ne pouvaient pas en faire le reproche à l'architecte ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il appartenait à l'architecte, professionnel de la construction, d'éclairer les maîtres de l'ouvrage, profanes en la matière, sur la différence entre contrat de droit commun et contrat de construction de maison individuelle et si en toute hypothèse il lui était interdit, dès lors qu'elle leur avait proposé de conclure un contrat de construction avec un seul prestataire, de soumettre à leur signature un contrat qui n'était pas conforme aux exigences légales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, devenu 1231-1 du code civil et L. 230-1 et L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation :

10. Selon le premier de ces textes, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

11. Selon le second, le contrat de louage d'ouvrage n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation et ayant au moins pour objet l'exécution des travaux de gros oeuvre, de mise hors d'eau et hors d'air d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation, ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage, dénommé contrat de construction de maison individuelle sans fourniture du plan, est soumis, à peine de nullité, aux prescriptions d'ordre public édictées par les articles L. 232-1 et L. 232-2 du code de la construction et de l'habitation, au titre desquelles figure la délivrance d'une garantie de livraison au bénéfice du maître de l'ouvrage.

12. Pour rejeter les demandes des maîtres de l'ouvrage tendant à voir déclarer la société Agence [T] [M] responsable de l'absence d'achèvement de leur maison à la suite du devis signé avec la société LEDB, l'arrêt retient que les premiers, informés dès le mois d'avril 2012 de l'existence d'un contrat de construction de maison individuelle, ont librement et en toute connaissance de cause écarté ce contrat et choisi de signer avec l'entreprise un contrat de louage d'ouvrage de droit commun, de sorte qu'ils ne sauraient en faire le reproche à la société de maîtrise d'oeuvre.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les maîtres de l'ouvrage avaient été préalablement informés par la société de maîtrise d'oeuvre, en sa qualité de professionnelle de la construction, des protections et garanties d'ordre public offertes par le contrat de construction de maison individuelle sans fourniture du plan au regard du contrat de louage d'ouvrage de droit commun, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

14. M. [R] et Mme [V] font grief à l'arrêt de dire qu'ils avaient contribué à leur propre préjudice en effectuant de nombreux règlements auprès de la société Baxter & Partners tout en sachant qu'elle ne leur avait pas fourni de garantie de livraison et, par conséquent, de limiter les condamnations prononcées in solidum à l'encontre de la société Agence [T] [M] et de la MAF à la moitié des préjudices subis, alors « que seule la faute contributive de la victime est de nature à réduire son droit à indemnisation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que M. [R] et Mme [V] avaient contribué à hauteur de moitié à leur préjudice, dès lors qu'après la signature du contrat avec la société Baxter & Partners, et malgré l'absence de fourniture par cette dernière d'une garantie d'achèvement, ils lui avaient payé une somme totale de 325 052,88 € en connaissance de cause de l'absence de fourniture de la garantie d'achèvement et du « danger » que cela constituait pour eux ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que M. [R] et Mme [V] avaient procédé à des versements, contractuellement prévus, entre septembre 2013 et avril 2014, et qu'ils avaient mis en demeure la société Baxter & partners de fournir la garantie de livraison par lettre du 15 juillet 2014, laquelle mentionnait une mise en demeure du 20 avril précédent, soit à des dates postérieures aux paiements adressés à la société Baxter & partners, ce qui excluait que les paiements aient été effectués en connaissance de cause, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

15. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

16. Pour limiter la condamnation à réparation prononcée à l'encontre de la société de maîtrise d'oeuvre et de son assureur à la moitié des préjudices subis par les maîtres de l'ouvrage, l'arrêt retient que ceux-ci ont contribué à leur propre préjudice en acceptant de prendre le risque de verser une somme totale de 325 052,88 euros à l'entreprise et en persévérant dans leurs paiements tout en sachant qu'ils ne bénéficiaient pas de la garantie de livraison, comme cela ressortait d'une lettre qu'ils lui avaient adressée le 15 juillet 2014.

17. En statuant ainsi, après avoir relevé que les paiements effectués par les maîtres de l'ouvrage, qui n'avaient pas été mis en garde par la société de maîtrise d'oeuvre sur les conséquences de l'absence d'une garantie de livraison prévue au contrat, étaient antérieurs à la lettre du 15 juillet 2014, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

18. M. [R] et Mme [V] font grief à l'arrêt de limiter la condamnation à réparation prononcée à l'encontre de la société Agence [T] [M] et de la MAF au titre de leurs frais du fait de la non-réalisation de leur construction à une certaine somme, alors « que le préjudice doit être réparé sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a chiffré l'assiette du préjudice subi par les consorts [R] – [V], s'agissant de leur préjudice financier, à une somme de 48 852 €, correspondant à la différence entre la somme du prix d'achat du terrain nu et du montant trop versé à la société Baxter & partners par rapport à l'avancement réel des travaux, soit un total de 434 852 € (240 000 + 194.852) et le prix de 385 000 € obtenu pour la vente du terrain et de la maison en cours de construction ; qu'en se prononçant ainsi tandis que le préjudice financier subi par les consorts [R] – [V] correspondait a minima, sans même tenir compte du gain manqué lié à la moins-value liée à la revente d'une maison inachevée, à la différence entre les sommes qu'ils avaient exposées pour l'acquisition du terrain et la construction de la maison par la société Baxter & partners, soit un montant de 565 052 € (240 000 + 325 052) et le prix de revente de leur maison en cours de construction et du terrain (385 000 €), soit un montant de 185 052 €, la cour d'appel, qui n'a intégré que partiellement le coût assumé par les consorts [V] – [R] pour la construction de leur maison qui ne se limitait pas au trop-versé à la société Baxter & Partners, a violé le principe de la réparation intégrale et l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de réparation intégrale du préjudice :

19. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

20. Pour limiter le préjudice financier des maîtres de l'ouvrage au titre de la non-réalisation de leur construction à la somme de 49 852 euros et condamner, par conséquent, in solidum la société de maîtrise d'oeuvre et la MAF à leur payer la moitié de cette somme compte tenu de leur part de responsabilité, l'arrêt retient que, dans la mesure où ceux-ci ne vont pas faire exécuter les travaux d'achèvement de leur maison qu'ils ont vendue, le préjudice s'établit au prix du terrain nu, augmenté du montant des sommes qu'ils ont trop versées à l'entreprise au regard de l'état réel d'avancement des travaux, déduction faite du prix de vente de leur maison.

21. En statuant ainsi, sans prendre en considération la totalité des sommes que M. [R] et Mme [V] avaient réglées au constructeur pour faire réaliser une maison, demeurée inachevée et vendue en l'état, la cour d'appel, qui n'a pas réparé l'entier préjudice des maîtres de l'ouvrage, a violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement :

- en ce qu'il confirme le jugement qui a rejeté la demande de M. [R] et de Mme [V] tendant à voir déclarer la société Agence [T] [M], prise en la personne de son mandataire ad hoc, responsable de la non-construction de leur maison suite au devis qu'ils ont signé avec la société LEDB ;

- en ce qu'il dit que M. [R] et Mme [V] ont contribué à leur propre préjudice en effectuant de multiples règlements auprès de la société Baxter & Partners tout en sachant qu'elle ne leur avait pas fourni sa garantie de livraison ;

- en ce qu'il déclare la société Agence [T] [M], prise en la personne de son mandataire ad hoc, responsable seulement pour moitié du préjudice subi par M. [R] et [V] du fait de l'inachèvement travaux de la construction de leur maison individuelle entreprise par la société Baxter & Partners ;

- en ce qu'il limite la condamnations à paiement prononcée in solidum à l'encontre de la société Agence [T] [M], prise en la personne de son mandataire ad hoc, et de son assureur, la Mutuelle des architectes français, dans les limites et conditions de la police, au bénéfice de M. [R] et Mme [V] à la somme de 24 926 euros au titre de leurs frais du fait de la non réalisation de leur construction ;

l'arrêt rendu le 22 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [F], pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Agence [T] [M], et la société Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Mutuelle des architectes français et la condamne à payer à M. [R] et à Mme [V] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour Mme [V] et M. [R]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [R] ET MME [V] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, de les avoir déboutés de leur demande tendant à voir déclarer la société Agence [T] [M], prise en la personne de son mandataire ad hoc M. [S] [F], responsable de la non-construction de leur maison à la suite du devis qu'ils ont signé avec la société LEDB et d'avoir en conséquence limité la condamnation de la société Agence [T] [M], prise en la personne de son mandataire ad hoc M. [S] [F], et son assureur la société MAF, dans les limites et conditions de la police, à leur payer à les seules sommes de 24.926 € au titre de leurs frais du fait de la non-réalisation de leur construction, 56.317,68 € au titre de leurs frais de relogement et 5.000 € en réparation de leur préjudice de jouissance ;

1°) ALORS QUE l'architecte auquel est confié une mission d'assistance pour la passation des contrats de travaux en vue de l'édification d'un ouvrage, est tenu, lorsqu'il présente au donneur d'ordre un seul entrepreneur pour réaliser cette construction, de veiller à la mise en place d'un contrat de construction individuelle, lequel est d'ordre public ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Agence [T] [M], chargée par M. [R] et Mme [V] de rechercher des entreprises pour construire leur maison d'habitation, leur avait présenté le devis de la société LEDB pour réaliser seule la totalité de la construction, après avoir échoué à leur proposer un ensemble d'entreprises pour intervenir par corps d'état (arrêt, p. 8 § 4 et 9) ; qu'elle a cependant jugé que la société Agence [T] [M] n'avait « pas l'obligation de veiller à la mise en place d'un contrat de construction de maison individuelle », dans la mesure où elle avait procédé préalablement à un appel d'offres qui s'était révélé infructueux (arrêt, p. 8 § 9) ; qu'en se prononçant ainsi, par un motif inopérant tiré de l'échec de l'appel d'offres, tandis que l'architecte qui présente au maître de l'ouvrage un seul et unique entrepreneur pour l'édification d'une maison d'habitation doit proposer la conclusion d'un contrat conforme au régime de la construction d'une maison individuelle, d'ordre public, la cour d'appel a violé les articles 6 du code civil et L. 230-1 et L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation ;

2°) ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHÈSE, l'architecte auquel est confié une mission d'assistance pour la passation des contrats de travaux est tenu d'informer le maître d'ouvrage profane de l'obligation, s'il choisit de contracter avec une seule entreprise pour la construction d'une maison individuelle, de conclure un contrat selon les règles impératives prévues par le code de la construction et de l'habitation, et de l'informer des caractéristiques essentielles de ce contrat, notamment l'obligation pour l'entrepreneur de fournir une garantie de livraison avant l'ouverture du chantier ; que l'architecte est également tenu, le cas échéant, de mettre en garde le maître de l'ouvrage sur les risques associés à la conclusion d'un contrat qui ne respecte pas ses règles, en particulier le risque d'insolvabilité de l'entreprise de construction et d'inachèvement du chantier qui en découle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que M. [R] et Mme [V] avaient été informés de l'existence du contrat de construction de maison individuelle au mois d'avril 2012 et qu'ils avaient librement et en toute connaissance de cause écarté ce contrat et choisi de signer avec la société LEDB un devis détaillant la nature des travaux à réaliser et leur prix, et qu'en conséquence ils ne pouvaient pas en faire le reproche à l'architecte (arrêt, p. 8 § 10) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 24), s'il appartenait à l'architecte, professionnel de la construction, d'éclairer les maîtres de l'ouvrage, profanes en la matière, sur la différence entre contrat de droit commun et contrat de construction de maison individuelle et si en toute hyophtèse il lui était interdit, dès lors qu'elle leur avait proposé de conclure un contrat de construction avec un seul prestataire, de soumettre à leur signature un contrat qui n'était pas conforme aux exigences légales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, devenu 1231-1 du code civil et L. 230-1 et L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation ;

3°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la société Agence [T] [M] s'était engagée envers les maîtres de l'ouvrage, dans une attestation établie le 4 avril 2012 et signée des deux parties, à « veiller à la mise en place d'un contrat de construction de maison individuelle conforme aux obligations prescrites par le code de la construction et de l'habitation », en cas d'échec de l'appel d'offres permettant de confier les travaux à plusieurs entreprises ou un groupement d'entreprises ; qu'ainsi, il résultait de cette attestation l'obligation pour la société Agence [T] [M], à titre principal, d'organiser un appel d'offres afin de permettre à M. [R] et Mme [V] de conclure un marché de travaux avec plusieurs entreprises de construction, et à titre éventuel, pour le cas où cet appel d'offres serait infructueux, de veiller à la conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle ; que la cour d'appel a pourtant décidé que selon l'attestation, dès lors que l'architecte avait organisé un appel d'offres, même s'il s'était révélé infructueux, il n'avait « dès lors pas l'obligation de veiller à la mise en place d'un contrat de construction de maison individuelle » (arrêt, p. 8 § 9) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il résultait des termes clairs et précis de l'attestation que la société Agence [T] [M] s'était engagée à obtenir la conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle en cas d'échec de la procédure d'appel d'offres prévue au contrat, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'attestation du 4 avril 2012 et violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ;

4°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que M. [R] et Mme [V] avaient été informés de l'existence du contrat de construction de maison individuelle avec l'attestation signée de la société Agence [T] [M] et des maîtres de l'ouvrage le 4 avril 2012 (arrêt, p. 8 § 10) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'attestation énonçait seulement, en cas d'échec de la procédure d'appels d'offres, que l'architecte s'engageait à « veiller à la mise en place d'un contrat de construction de maison individuelle conforme aux obligations prescrites par le code de la construction et de l'habitation », sans aucune mention du contrat de construction de maison individuelle, ni aucune explication du régime de ce contrat de construction, ce qui excluait une conclusion du contrat litigieux par les consorts [R] – [V] « en connaissance de cause » de l'absence de respect aux dispositions impératives du code de la construction, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'attestation du 4 avril 2012 et violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ;

5°) ALORS QUE l'architecte auquel est confié une mission d'assistance pour la passation des contrats de travaux doit s'abstenir de proposer la conclusion d'un contrat avec une entreprise sur laquelle les informations à sa disposition suscitent un doute sur sa solvabilité ou sa solidité financière ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'en l'état des éléments dont elle pouvait disposer, la société Agence [T] [M], qui s'était personnellement engagée pour assurer sa mission de maîtrise d'oeuvre sans avoir recours à un contrat de construction de maison individuelle n'avait pas, en juin 2012, de motif légitime pour déconseiller de contracter avec la société LEDB par la voie couramment pratiquée dans le domaine de la construction sur devis accepté, dès lors que ce n'était que plus d'un an plus tard que le tribunal de commerce avait prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de cette société, en fixant la date de cessation des paiements au 30 avril 2013 (arrêt, p. 9 § 2 et 3) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 25), si la société Agence [T] [M] avait reconnu, dans ses écritures de première instance, que le contrat de louage d'ouvrage avait été conclu avec la société LEDB en considération des éléments connus à cette date, à savoir 11.000 € de capitaux propres au 31 décembre 2009 pour 36.000 € de dettes échues à cette même date, ce qui était de nature à susciter un doute sur sa solvabilité et aurait dû imposer à l'architecte de ne pas présenter cette société aux maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article au regard de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION :

M. [R] ET MME [V] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir dit qu'ils avaient contribué à leur propre préjudice en effectuant de multiples règlements auprès de la société Baxter & Partners tout en sachant qu'elle ne leur avait pas fourni sa garantie de livraison, d'avoir en conséquence déclaré la société Agence [T] [M], prise en la personne de son mandataire ad hoc M. [F], responsable pour moitié seulement du préjudice subi par M. [R] et Mme [V] du fait de l'inachèvement des travaux de la construction de leur maison individuelle entreprise par la société Baxter & Partners, et d'avoir limité la condamnation de la société Agence [T] [M], prise en la personne de son mandataire ad hoc M. [S] [F], et son assureur la société MAF, dans les limites et conditions de la police, à payer à M. [R] et Mme [V] les seules sommes de 24.926 € au titre de leurs frais du fait de la non-réalisation de leur construction, 56.317,68 € au titre de leurs frais de relogement et 5.000 € en réparation de leur préjudice de jouissance ;

1°) ALORS QUE l'architecte qui, après avoir servi d'intermédiaire pour la conclusion par le maître de l'ouvrage d'un contrat de construction de maison individuelle, est chargé d'une mission de direction de l'exécution des travaux doit interdire à l'entrepreneur de débuter les travaux tant qu'il n'a pas fourni la garantie financière d'achèvement prévue par la loi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la seule faute commise par la société Agence [T] [M] consistait dans le défaut de mise en garde des maîtres de l'ouvrage de l'absence de fourniture, par la société Baxter & Partners, de l'absence de fourniture par cette dernière de la garantie de livraison prévue par le code de la construction et de l'habitation, et des risques associés (arrêt, p. 10) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 28 in fine et p. 29), si l'architecte avait commis une deuxième faute en n'empêchant pas la société Baxter & Partners de débuter les travaux puisqu'elle n'avait pas fourni de garantie de livraison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;

2°) ALORS QUE le contrat constitue la loi des parties ; qu'en l'espèce, M. [R] et Mme [V] faisaient valoir dans leurs écritures que le contrat d'architecte ne pouvait être résilié qu'un mois après mise en demeure restée sans effet, notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception, et contenant déclaration d'user du bénéfice de la clause de résiliation dans tous les cas d'inexécution ou d'infraction par l'autre partie aux dispositions du contrat (concl., p. 29 et 30, v. égal. prod. 1, article 13) ; qu'ils ajoutaient que la société Agence [T] [M] avait décidé la résiliation unilatérale et immédiate du contrat, invoquant une perte de confiance et le défaut de paiement d'une note d'honoraires, par une lettre du 13 septembre 2013 qui ne comportait pas la moindre mise en demeure et ne visait pas non plus l'article 13 du contrat d'architecte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la seule faute commise par la société Agence [T] [M], avant qu'elle ait valablement résilié le contrat d'architecte, consistait dans le défaut de mise en garde des maîtres de l'ouvrage de l'absence de fourniture, par la société Baxter & Partners, de l'absence de fourniture par cette dernière de la garantie de livraison prévue par le code de la construction et de l'habitation, et des risques associés (arrêt, p. 10) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher si la société Agence [T] [M] avait commis une faute en résiliation de manière brutale et unilatérale le contrat d'architecte, sans respecter les modalités de résiliation prévues par ce contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;

3°) ALORS QUE seule la faute contributive de la victime est de nature à réduire son droit à indemnisation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que M. [R] et Mme [V] avaient contribué à hauteur de moitié à leur préjudice, dès lors qu'après la signature du contrat avec la société Baxter & Partners, et malgré l'absence de fourniture de cette dernière d'une garantie d'achèvement, ils lui avaient payé une somme totale de 325.052,88 € (arrêt, p. 11 § 3) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 36), si M. [R] et Mme [V], profanes en matière de construction, s'étaient contentés d'exécuter les termes du contrat que la société Agence [T] [M] leur avait fait conclure avec la société Baxter & Partners, correspondant au versement en deux fois d'un acompte initial de 30%, soit 125.194,60 € au total puis à des paiements mensuels, et n'avaient dès lors commis aucune faute puisqu'ils s'étaient estimés contractuellement tenu de procéder aux règlements prévus puisque la société Baxter & Partners avait débuté les travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;

4°) ALORS QUE seule la faute contributive de la victime est de nature à réduire son droit à indemnisation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que M. [R] et Mme [V] avaient contribué à hauteur de moitié à leur préjudice, dès lors qu'après la signature du contrat avec la société Baxter & Partners, et malgré l'absence de fourniture de cette dernière d'une garantie d'achèvement, ils lui avaient payé une somme totale de 325.052,88 € en connaissance de cause de l'absence de fourniture de la garantie d'achèvement et du « danger » que cela constituait pour eux (arrêt, p. 11 § 3) ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que M. [R] et Mme [V] avaient procédé à des versements, contractuellement prévus, entre septembre 2013 et avril 2014, et qu'ils avaient mis en demeure la société Baxter & Partners de fournir la garantie de livraison par lettre du 15 juillet 2014, laquelle mentionnait une mise en demeure du 20 avril précédent (arrêt, p. 11§ 3), soit à des dates postérieures aux paiements adressés à la société Baxter & Partners, ce qui excluait que les paiements aient été effectués en connaissance de cause, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [R] ET MME [V] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir limité la condamnation de la société Agence [T] [M], prise en la personne de son mandataire ad hoc M. [S] [F], et son assureur la société MAF, dans les limites et conditions de la police, à leur payer la seule somme de 24.926 € au titre de leurs frais du fait de la non-réalisation de leur construction ;

ALORS QUE le préjudice doit être réparé sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a chiffré l'assiette du préjudice subi par les consorts [R] – [V], s'agissant de leur préjudice financier, à une somme de 48.852 €, correspondant à la différence entre la somme du prix d'achat du terrain nu et du montant trop versé à la société Baxter & Partners par rapport à l'avancement réel des travaux, soit un total de 434.852 € (240.000 + 194.852) et le prix de 385.000 € obtenu pour la vente du terrain et de la maison en cours de construction (arrêt, p. 12) ; qu'en se prononçant ainsi tandis que le préjudice financier subi par les consorts [R] – [V] correspondait a minima, sans même tenir compte du gain manqué lié à la moins-value liée à la revente d'une maison inachevée, à la différence entre les sommes qu'ils avaient exposées pour l'acquisition du terrain et la construction de la maison par la société Baxter & Partners, soit un montant de 565.052 € (240.000 + 325.052) et le prix de revente de leur maison en cours de construction et du terrain (385.000 €), soit un montant de 185.052 €, la cour d'appel, qui n'a intégré que partiellement le coût assumé par les consorts [V] – [R] pour la construction de leur maison qui ne se limitait pas au trop-versé à la société Baxter & Partners, a violé le principe de la réparation intégrale et l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [R] ET MME [V] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir limité la condamnation de la société Agence [T] [M], prise en la personne de son mandataire ad hoc M. [S] [F], et son assureur la société MAF, dans les limites et conditions de la police, à leur payer la seule somme de 56.317,68 € au titre de leurs frais de relogement ;

ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel a évalué le préjudice résultant des frais de relogement provisoire à hauteur de 112.635,36 €, après avoir considéré que ces frais correspondaient à un montant de 132.512,19 € auquel il convenait de déduire le montant des charges que les consorts [R] – [V] auraient en toute hypothèse assumé à hauteur de 15% (arrêt, p. 13 § 3) ; qu'en se prononçant ainsi, « au vu des pièces produites », c'est-à-dire notamment les contrats de bail et les quittances de loyer, d'où il résultait que le propriétaire ne facturait pas de charges, puisque le bien en location était une maison, ce qui impliquait que l'intégralité des charges était assumée par les locataires en sus du loyer, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des contrats de bail conclus par les consorts [R] - [V] et des quittances de loyer, et méconnu le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause.ECLI:FR:CCASS:2021:C300857

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