jeudi 2 décembre 2021

Un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 novembre 2021




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1063 F-D

Pourvoi n° P 20-17.434

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [F] [C],.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 novembre 2020.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 NOVEMBRE 2021

La société Guillot Cobreda, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 20-17.434 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2020 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [F] [C], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de L'Ain, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société Ulma Packaging, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Guillot Cobreda, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Ulma Packaging, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [C], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 juin 2020), victime le 8 juillet 2013 d'un accident du travail, M. [C], employé par contrat à durée déterminée par la société Guillot Cobreda (l'employeur), a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. L'employeur fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause la société Ulma Packaging, alors « que l'intervention forcée qui tend à une déclaration de jugement commun suppose seulement que la partie qui en prend l'initiative y ait intérêt, peu important qu'elle ne justifie d'aucun intérêt à agir contre ce tiers dans le cadre de l'instance au cours de laquelle l'intervention est sollicitée ; qu'en l'espèce, l'employeur qui appelait dans la cause la société Ulma Packaging aux fins de lui voir déclarer commun l'arrêt à intervenir, soutenait que si le rapport du bureau Véritas concluait à l'existence de points qui justifiaient des non-conformités, il confirmait également l'existence d'une déclaration CE de conformité de l'équipement en cause établie à la date d'achat par la société Ulma Packaging ainsi que de travaux de maintenance réguliers réalisés par cette société de sorte que la responsabilité de la société Ulma Packaging, qui n'avait jamais fait mention d'aucune non conformité sur ses bons d'intervention pouvait, le cas échéant, être recherchée ultérieurement ; qu'en retenant, pour juger que la société appelée devait être mise hors de cause, que l'employeur n'invoquait aucun vice caché de la machine et que la société Ulma Packaging restait tiers au litige relatif à la faute inexcusable de l'employeur, sans rechercher si la société employeur ne justifiait pas d'un intérêt à ce que l'arrêt statuant sur sa faute inexcusable soit rendu commun au tiers appelé dans la cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 331 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 331, alinéa 2, du code de procédure civile :

3. Selon ce texte, un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

4. Pour mettre hors de cause la société Ulma Packaging, après avoir constaté que celle-ci était appelée à l'instance par l'employeur aux fins de lui déclarer commun l'arrêt à intervenir au motif qu'elle était le vendeur de la machine sur laquelle le salarié avait eu son accident, l'arrêt retient qu'à supposer que cette machine soit affectée d'un vice caché ce que l'employeur n'affirmait même pas, il n'en demeurait pas moins que la société Ulma Packaging restait tiers au litige relatif à la faute inexcusable de l'employeur.

5. En se déterminant ainsi, alors que l'intervention forcée ne tendait qu'à une déclaration de jugement commun et non à une décision sur les relations entre les parties, sans rechercher si l'employeur justifiait d'un intérêt à ce que l'arrêt statuant sur sa faute inexcusable soit rendu commun à un tiers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de reconnaître sa faute inexcusable, alors « que l'obligation de dispenser une formation à la sécurité renforcée et la présomption de faute inexcusable en cas d'accident du travail qui résulte de l'inexécution de cette obligation supposent que le poste auquel le salarié en contrat à durée déterminée est affecté présente des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité ; qu'en l'espèce, l'employeur expliquait que le poste que le salarié occupait au moment de l'accident ne présentait aucun risque particulier puisque son intervention à ce poste se limitait à vérifier que les barquettes étaient correctement filmées et précisait que si aucune liste de postes à risques n'avait été formalisée par écrit, ni les procès-verbaux des CHSCT, ni le document unique d'évaluation des risques professionnels n'avaient identifié ce poste comme un poste présentant un risque particulier pour la santé ou la sécurité des salariés ; qu'en retenant, pour juger qu'il existait une présomption de faute inexcusable, que l'attestation portant sur une formation d'une demi-journée était très générale, sans même constater que les tâches exécutées par le salarié à son poste de travail présentaient des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, la cour d'appel a violé les articles L. 4154-2 et 4154-3 du code du travail et L. 452-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4154-2 et L. 4154-3 du code du travail et L. 452-1 du code de la sécurité sociale :

7. Il résulte du deuxième de ces textes que l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, au sens du dernier, est présumée établie pour les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, victimes d'un accident du travail, alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n'ont pas bénéficié de la formation renforcée à la sécurité prévue par le premier.

8. Pour reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt retient que le salarié était embauché depuis dix jours en tant qu'opérateur de production puis avait été affecté au service conditionnement, que l'employeur affirmait lui avoir dispensé la formation nécessaire, que, cependant, la signature d'une fiche de poste ne constituait pas une formation et que l'attestation de formation, portant sur une demi-journée, était très générale et antérieure à la prise de fonction et ne pouvait donc porter sur le nouveau poste attribué au salarié. Il est déduit l'existence d'une présomption de faute inexcusable.

4. En statuant ainsi, sans caractériser l'affectation du salarié à un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. [C] et la société Ulma Packaging aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Guillot Cobreda

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR mis hors de cause la SARL Ulma Packaging.

AUX MOTIFS QUE « la société est appelée à l'instance par l'employeur aux fins de se voir déclarer commun l'arrêt à intervenir au motif qu'elle est le vendeur de la machine sur laquelle le salarié a eu un accident ; or à supposer que cette machine soit affectée d'un vice caché ce que l'intimée n'affirme même pas, il n'en demeure pas moins que la SARL Ulma Packaging reste tiers au litige relatif à la faute inexcusable de l'employeur ; sa mise hors de cause doit être ordonnée ; »

ALORS QUE l'intervention forcée qui tend à une déclaration de jugement commun suppose seulement que la partie qui en prend l'initiative y ait intérêt, peu important qu'elle ne justifie d'aucun intérêt à agir contre ce tiers dans le cadre de l'instance au cours de laquelle l'intervention est sollicitée ; qu'en l'espèce, la société Guillot Cobreda qui appelait dans la cause la société Ulma Packaging aux fins de lui voir déclarer commun l'arrêt à intervenir, soutenait que si le rapport du bureau Véritas concluait à l'existence de points qui justifiaient des non-conformités, il confirmait également l'existence d'une déclaration CE de conformité de l'équipement en cause établie à la date d'achat par la société Ulma Packaging ainsi que de travaux de maintenance réguliers réalisés par cette société (conclusions p.22) de sorte que la responsabilité de la société Ulma Packaging, qui n'avait jamais fait mention d'aucune nonconformité sur ses bons d'intervention pouvait, le cas échéant, être recherchée ultérieurement (conclusions p.24) ; qu'en retenant, pour juger que la société appelée devait être mise hors de cause, que la société Guillot Cobreda n'invoquait aucun vice caché de la machine et que la société Ulma Packaging restait tiers au litige relatif à la faute inexcusable de l'employeur, sans rechercher si la société employeur ne justifiait pas d'un intérêt à ce que l'arrêt statuant sur sa faute inexcusable soit rendu commun au tiers appelé dans la cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 331 du code de procédure civile ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'accident de M. [C] du 8 juillet 2013 résultait de la faute inexcusable de la SAS Guillot Cobreda et d'AVOIR ordonné la majoration au maximum de la rente qui lui était versée, d'AVOIR alloué à M. [C] une indemnité provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation future de ses préjudices non couverts par la livre IV du code de la sécurité sociale ; et enfin d'AVOIR ordonné une expertise pour fixer le dommage définitif de la victime ;

AUX MOTIFS QUE : « l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat ; la faute inexcusable est établie dès lors qu'il aurait du avoir conscience du danger auquel il exposait le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; il existe une présomption de faute inexcusable pour les salariés embauchés à durée déterminée qui n'ont pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée alors qu'ils étaient affectés à un poste présentant des risques pour la santé ou la sécurité des salariés ; en l'espèce, le salarié était embauché depuis dix jours en tant qu'opérateur de production puis a été affecté au service conditionnement ; l'employeur affirme qu'il lui a dispensé la formation nécessaire et en veut pour preuve la fiche de poste et l'attestation de formation signée par le salarié ; toutefois force est de constater que la signature d'une fiche de poste ne constitue pas une formation et que l'attestation portant sur une formation d'une demie journée, est très générale et antérieure à la prise de fonction et ne pouvait donc pas porter sur le nouveau poste attribué au salarié ; il existe donc bien une présomption de faute inexcusable ; il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident, il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée ; en l'espèce, il n'est pas contesté que le salarié a appuyé sur le bouton d'arrêt de la machine pour changer le film cellophane mais la machine ne s'est pas arrêtée et sa main est restée bloquée ; il a alors appuyé sur le bouton d'arrêt d'urgence qui n'a pas stoppé la machine laquelle a du être ouverte à l'aide d'un pied de biche ; or il résulte du rapport de la DIRRECTE (pièce n°35) que cette machine n'était pas conforme avec la législation en vigueur et que, notamment, il existait des risques de non-exécution de l'ordre d'arrêt, des risques d'écrasement des membres supérieurs compte tenu de la présence des mécanismes de fermeture des moules, que l'ordre d'arrêt d'urgence n'entrainait pas la coupure de l'alimentation en énergie ; l'employeur sur lequel repose une présomption de faute inexcusable ne démontre nullement qu'il avait pris toutes les précautions nécessaires à la sécurité du salarié ; bien au contraire, il ressort des éléments évoqués ci-dessus que la faute inexcusable est établie ; en conséquence il convient d'infirmer le jugement » ;

1.ALORS QUE l'obligation de dispenser une formation à la sécurité renforcée et la présomption de faute inexcusable en cas d'accident du travail qui résulte de l'inexécution de cette obligation supposent que le poste auquel le salarié en contrat à durée déterminée est affecté présente des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité ; qu'en l'espèce, l'employeur expliquait que le poste que le salarié occupait au moment de l'accident ne présentait aucun risque particulier puisque son intervention à ce poste se limitait à vérifier que les barquettes étaient correctement filmées et précisait que si aucune liste de postes à risques n'avait été formalisée par écrit, ni les procès-verbaux des CHSCT, ni le document unique d'évaluation des risques professionnels n'avaient identifié ce poste comme un poste présentant un risque particulier pour la santé ou la sécurité des salariés (conclusions p.12 à 14) ; qu'en retenant, pour juger qu'il existait une présomption de faute inexcusable, que l'attestation portant sur une formation d'une demi-journée était très générale, sans même constater que les tâches exécutées par le salarié à son poste de travail présentaient des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, la cour d'appel a violé les articles L.4154-2 et 4154-3 du code du travail et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

2. ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait que si la liste des postes de travail présentant des risques particuliers n'avait effectivement pas été formalisée par écrit, elle résultait, dans les faits, des procès-verbaux du CHSCT et du document unique d'évaluation des risques professionnels et précisait que seuls quatre postes à risques avaient été identifiés : « quai de réception des volailles vivantes, préparation des cartons, fabrication mêlée : 2 postes sur machines cutter et guillotine » ; qu'en jugeant qu'il existait une présomption de faute inexcusable, sans même avoir visé ou analysé ces éléments de preuve qui permettaient notamment de constater que le poste occupé par la salarié au secteur conditionnement avait été identifié comme possédant un indice de risque des plus bas dans l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3. ALORS de même QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait, qu'outre la formation d'une demi-journée qui lui avait été dispensée lors de son arrivée dans l'entreprise, le salarié avait été formé aux règles d'hygiène et de sécurité par un responsable qualité et bénéficié du suivi mis en place pour les nouveaux arrivants afin notamment de contrôler le respect des règles de sécurité ; que pour démontrer la réalité des formations reçues par le salarié, la société Guillot Cobreda produisait une fiche d'entrée « nouvel embauché, personnel saisonnier » signée par le responsable qualité qui avait communiqué les informations en matière d'hygiène et de sécurité et un document intitulé « suivi des arrivants » qui attestait de la connaissance, par le salarié, des règles de sécurité applicables à son poste de travail ; qu'en retenant que pour démontrer la réalité de la formation dispensée au salarié, l'employeur se prévalait de la fiche de poste et de l'attestation de formation signée par le salarié, la cour d'appel qui n'a pas examiné les éléments de preuve précités a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4. ALORS QUE la dénaturation par omission est caractérisée lorsque les juges du fond ont occulté une partie du contenu d'un document régulièrement produit aux débats, de nature à avoir une incidence sur la solution du litige ; qu'en l'espèce, pour établir que le salarié avait reçu une formation adaptée au poste de travail qu'il occupait au service conditionnement, l'employeur produisait un document intitulé « fiche de poste conditionnement S/F et S/V de la découpe et abats » qui décrivait précisément les missions et activités et en particulier la mise sous film, à laquelle le salarié avait été affecté avant l'accident et un document qu'il avait lui-même signé qui attestait de l'existence d'une « formation à la sécurité » reçue lors de son arrivée dans l'entreprise ; qu'en retenant, pour dire qu'il existait une présomption de faute inexcusable, que l'antériorité de la formation que le salarié avait reçue excluait toute formation au « nouveau poste » qu'il occupait au secteur conditionnement au moment de l'accident quand il résultait de sa fiche de poste que les tâches effectuées au poste de conditionnement faisaient, depuis l'origine, partie de ses attributions, la cour d'appel a dénaturé par omission cet élément de preuve et violé le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis ;

5. ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement soutenues à la barre la société Guillot Cobreda expliquait que le rapport de l'enquête réalisée après l'accident indiquait « en voulant tendre le film supérieur de la machine, l'opérateur a passé la main sous le carter de sécurité alors que la machine était en fonctionnement (?) » (conclusions p.10 §5) et soutenait « force est d'admettre que le salarié a commis une faute en glissant ses mains sous le carter alors que la machine était en fonctionnement » (conclusions p.10§8), et ce, même s'il « savait qu'il était totalement proscrit de glisser ses mains dans la machine en mouvement » (conclusions p.6§9), enfin l'employeur affirmait de la façon la plus claire « la difficulté tient au fait que M. [C] est intervenu sur une machine en fonctionnement, en glissant sa main sous le carter, en parfaite violation avec les règles de sécurité qu'il connaissait parfaitement » (conclusions p.17§2); qu'en affirmant qu'il n'était pas contesté que le salarié avait appuyé sur le bouton d'arrêt de la machine pour changer le film cellophane quand ce point, qui n'était confirmé par aucun élément versé aux débats, était, au contraire, au centre du débat qui opposait les parties au litige, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'employeur en violation du principe susvisé et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

6. ALORS en tout état de cause QUE la faute inexcusable est caractérisée lorsque l'employeur aurait du avoir conscience du danger auquel il exposait le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que l'appréciation de la conscience que pouvait avoir l'employeur de ce danger doit se faire au regard des connaissances dont il disposait au moment des faits, de sorte que même en présence d'une présomption de faute inexcusable, l'employeur peut toujours rapporter le preuve qu'en l'état des éléments dont il disposait, il ne pouvait avoir conscience du danger auquel le salarié se trouvait exposé ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait que la société ULMA, qui était à la fois constructeur, vendeur et installateur de l'équipement en cause dans l'accident, avait établi une « déclaration de conformité CE » en décembre 2010 et effectué les opérations de maintenance ultérieures sans jamais faire état d'une quelconque non-conformité ou d'un risque qui en aurait résulté et précisait que le seul risque lié à l'utilisation de la filmeuse sur laquelle le salarié travaillait avait été identifié dans le document unique d'évaluation des risques professionnels mais considéré comme « maitrisé » grâce à une série de mesures « formation du personnel, affichage au poste, fixation de lamelles à la sortie de la machine pour éviter l'introduction de la main » (conclusions p.9§2) de sorte qu'en 2013, date à laquelle l'accident s'est produit, l'employeur ne pouvait avoir conscience d'exposer le salarié à un danger qui aurait résulté de l'utilisation de cet équipement ; qu'en affirmant, pour dire que la faute inexcusable de l'employeur était établie, que ce denier ne justifiait pas avoir pris toutes les mesures de protection du salarié qui résultaient des non conformités qui avaient été relevées dans le rapport établi en 2019, sans rechercher s'il ne rapportait pas la preuve de ce qu'il ne pouvait, en 2013, avoir conscience du danger auquel M. [C] se trouvait exposé, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

7. ALORS subsidiairement QUE la présomption de faute inexcusable instituée par l'article L. 4154-3 du code du travail peut être renversée par la preuve que l'employeur a dispensé au salarié la formation renforcée à la sécurité prévue par l'article L. 4154-2 du même code ; qu'à supposer que ce principe doive être appliqué, en retenant qu'à défaut, pour l'employeur, de démontrer avoir pris toutes les précautions nécessaires pour préserver le salarié du danger qui résultait des non-conformités de l'équipement en cause dans l'accident, la présomption de faute inexcusable ne pouvait être renversée, la cour d'appel a violé les articles L.4154-3 et L.4154-4 du code du travail et l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;ECLI:FR:CCASS:2021:C201063

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