mardi 26 mars 2024

Droit de propriété et obligation de démolir...

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 mars 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 160 F-D

Pourvoi n° D 22-12.258


Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [R] [K].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 24 mars 2022.

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [V] [K].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 24 mars 2022.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MARS 2024

M. [F] dit [G] [Y], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° D 22-12.258 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [R] [K], pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de [L] [Z], épouse [K],

2°/ à Mme [V] [K], prise en sa qualité d'héritière de [L] [Z] épouse [K],




3°/ à M. [D] [K], pris en sa qualité d'héritier de [L] [Z] épouse [K],

tous trois domiciliés [Adresse 4]

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [Y], de la SCP Boullez, avocat de M. [D] [K] et de Mme [V] [K], après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 28 octobre 2021), par acte notarié du 19 juin 1997, M. [R] [K] et [L] [K], son épouse, ont acquis auprès de la Société agricole de Guadeloupe (la société SAG) des parcelles de terre cadastrées [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 1].

2. Ils ont assigné M. [Y], qui occupait une partie de la seconde d'entre-elles et y avait édifié une maison d'habitation, en expulsion et démolition de cette construction, sur le fondement de l'article 555 du code civil. Celui-ci, se prévalant d'un titre putatif, s'y est opposé en se disant constructeur de bonne foi.

3. A la suite du décès de [L] [K], ses deux enfants, M. [D] [K] et Mme [V] [K], ont repris l'instance au côté de leur père (les consorts [K]).

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche



Enoncé du moyen

4. M. [Y] fait grief à l'arrêt de le condamner à libérer la parcelle qu'il occupe, cadastrée [Cadastre 3], d'autoriser les consorts [K] à faire procéder à son expulsion, de le condamner à démolir, à ses frais, des constructions édifiées sur cette parcelle et d'autoriser les consorts [K] à faire procéder à la démolition de ces constructions, à ses frais, alors « qu'est de bonne foi le constructeur qui invoque un titre putatif, c'est-à-dire un titre dans l'efficacité duquel il a pu croire ; qu'en l'espèce, pour soutenir qu'il était constructeur de bonne foi, M. [Y] se prévalait de deux documents émanant tous deux de son oncle [U] [K] et indiquant que ce dernier lui avait vendu un terrain de 1 000 m² issu de la parcelle [Cadastre 3] et que le prix en avait été payé ; qu'en considérant que ces documents ne pouvaient pas constituer un titre putatif dans la mesure où ils n'émanaient pas du véritable propriétaire de la parcelle, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article 555, alinéa 4, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 555 du code civil :

5. La bonne foi, au sens de ce texte, s'entend par référence à l'article 550 du même code et concerne celui qui possède comme propriétaire, soit en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices, soit en vertu d'un titre putatif.

6. Le titre putatif est celui dont le constructeur a pu croire qu'il l'autorisait à bâtir en qualité de propriétaire.

7. Pour accueillir la demande de démolition, l'arrêt énonce que les deux documents dont se prévalait M. [Y] pour établir sa bonne foi, dès lors qu'ils n'émanaient pas du véritable propriétaire de la parcelle litigieuse, ne pouvaient constituer un titre putatif.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à écarter l'existence d'un titre putatif, dont M. [Y] aurait pu croire qu'il l'autorisait à bâtir en qualité de propriétaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. M. [Y] fait le même grief à l'arrêt, alors « que, tenu de motiver sa décision, le juge ne peut statuer par voie d'affirmation sans préciser sur quels éléments de preuve il se fonde ; qu'en affirmant que M. [Y] n'ignorait pas que ses droits étaient précaires et que [U] [K] n'était pas propriétaire de la parcelle en litige mais en avait été le locataire dans le cadre d'un contrat de colonage conclu avec la société SAG, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

11. Pour ordonner la démolition de la construction litigieuse, l'arrêt énonce que M. [Y] n'ignorait pas que son oncle, [U] [K], n'était pas propriétaire, mais locataire de la parcelle appartenant alors à la société SAG, dans le cadre d'un contrat de colonage, et que, celui-ci s'étant désisté par un acte du 12 avril 1995 de la promesse d'achat de la parcelle litigieuse, le terrain avait été acquis par M. [R] [K] et [L] [K], en 1997.

12. En statuant ainsi, par voie d'affirmation et sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour retenir que M. [Y], qui le contestait, n'ignorait pas que son oncle avait renoncé à devenir propriétaire de la parcelle litigieuse, de sorte qu'il connaissait la précarité de ses droits sur celle-ci, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de M. [R] [K], Mme [V] [K] et M. [D] [K], l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne MM. [D] et [R] [K] et Mme [V] [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300160

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