mercredi 13 mars 2024

La cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.
FB
COUR DE CASSATION
_____________________
Audience publique du 6 mars 2024
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 110 F-D
Pourvoi n° B 22-16.074
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 MARS 2024

M. [I] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-16.074 contre l'arrêt rendu le 8 février 2022 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Banque Courtois, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ au fonds commun de titrisation (FCT) Ornus, dont le siège est [Adresse 1], ayant pour société de gestion la société Eurotitrisation, représenté par son recouvreur la société MCS & associés, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Banque Courtois,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Calloch, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [J], de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du fonds commun de titrisation Ornus, représenté par la société MCS & associés, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Calloch, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 8 février 2022), le 24 novembre 2009, M. [J] s'est porté caution solidaire d'un prêt consenti par la société Banque Courtois (la banque) à la société Victor dont il était le gérant.

2. Cette société a été mise en redressement judiciaire le 1er février 2012 et la banque a déclaré sa créance. La procédure ayant été convertie en liquidation judiciaire, le 16 mai 2018, la banque a assigné la caution en paiement des sommes restant dues au titre du prêt. Le 18 mars 2019, le tribunal a accueilli cette demande.

3. Le 19 avril 2021, la banque a cédé les créances détenues sur M. [J] au fonds commun de titrisation Ornus (le fonds Ornus) ayant pour société de gestion la société Eurotitrisation.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [J] fait grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir opposées au fonds Ornus, de dire que la cession de créance à ce fonds lui est opposable et de le condamner à payer à ce fonds la somme de 77 171,32 euros, alors « que le recouvrement des créances cédées à un fonds de titrisation continue d'être assuré par le cédant ou peut à tout moment être assuré par la société de gestion, sauf à être confié, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet ; que, pour rejeter la fin de non-recevoir résultant du défaut de qualité à agir de la société MCS & associés, faute pour elle d'avoir été désignée par une convention, la cour d'appel a jugé que la production d'une lettre de désignation, acte unilatéral émanant de la société de gestion représentant le Fonds, permettait d'établir que la société MCS & associés avait été régulièrement chargée du recouvrement ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 214-172 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable, issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, une société de gestion, en tant que représentant légal d'un fonds de titrisation, peut confier par voie de convention à une entité désignée à cet effet le recouvrement de toute créance dont ce fonds serait cessionnaire.

7. Ayant relevé que l'acte de cession de créances stipule que, conformément aux dispositions de l'article L. 214-172, alinéa 6, du code monétaire et financier, la société MCS & associés est désignée par le cessionnaire comme l'établissement chargé de la gestion, du suivi et du recouvrement des créances cédées et que cette société interviendra seule, en qualité de représentant direct du fonds, dans toutes les actions en justice liées à la gestion, au suivi et au recouvrement de ces créances, faisant ressortir l'existence d'une convention confiant à la société MCS & associés le recouvrement des créances cédées au fonds Ornus, la cour d'appel en a exactement déduit que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société MCS & associés devait être rejetée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. M. [J] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en mainlevée des mesures conservatoires d'ores et déjà engagées, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'après avoir retenu, dans ses motifs, que la demande de mainlevée des mesures conservatoires prises par le Fonds devait être présentée au juge de l'exécution, la cour d'appel l'en a débouté ; qu'en statuant ainsi, elle a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs relatifs à la compétence de la juridiction saisie et le dispositif touchant au fond du litige et a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs.

11. Après avoir, dans ses motifs, énoncé que le code des procédures civiles d'exécution donne compétence au juge de l'exécution pour ordonner la mainlevée des mesures qu'il a prononcées, et retenu que M. [J] ne justifiant pas avoir saisi ce juge à cette fin, il lui appartiendra de porter sa contestation devant ce juge compétent en cas de saisie, l'arrêt, dans son dispositif, rejette les demandes en mainlevée des mesures conservatoires formées par M. [J].

12. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes en mainlevée des mesures conservatoires formées par M. [J], l'arrêt rendu le 8 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée ;

Condamne M. [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [J] et le condamne à payer au fonds commun de titrisation Ornus, représenté par la société MCS & associés, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Labat, greffier présent lors du prononcé.ECLI:FR:CCASS:2024:CO00110

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