jeudi 14 mai 2020

Assurances : la faute intentionnelle implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu

Note Groutel, RCA 2020-4, p.29.
Note Waltz-Teracol, GP 2020, n° 22, p. 58.


Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 16 janvier 2020
N° de pourvoi: 18-18.909
Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Pireyre (président), président
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)


Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 janvier 2020




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 37 F-D

Pourvoi n° A 18-18.909




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020

1°/ la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ M. Y... S..., domicilié [...] , agissant en qualité d'administrateur ad hoc de la société Les Lutins,

ont formé le pourvoi n° A 18-18.909 contre l'arrêt rendu le 10 avril 2018 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [...] , anciennement dénommée [...] ,

2°/ à M. U... E..., domicilié [...] ,

3°/ à Mme L... T... , épouse I..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD et de M. S..., en qualité d'administrateur ad hoc de la société Les Lutins, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Generali IARD, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Rosette, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Donne acte à la société Axa France IARD du désistement de son pourvoi en ce qu'il dirigé contre M. E... et Mme T... ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances ;

Attendu que la faute intentionnelle au sens du texte susvisé, qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu, n'exclut de la garantie due par l'assureur à l'assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l'infraction ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le 21 juin 2008, M. E..., alors âgé de 19 ans, a mis le feu à des chaises en plastique situées sur la terrasse du salon de thé exploité par la société Les Lutins, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa) ; que l'incendie s'est propagé à l'intérieur de l'établissement, entraînant d'importants dégâts matériels ; qu'à l'époque des faits, M. E... résidait chez sa mère, Mme T... , assurée auprès de la société Generali IARD (la société Generali) au titre d'un contrat d'assurance couvrant la responsabilité civile des enfants vivant au foyer ; que par jugement du 21 avril 2009, un tribunal correctionnel a condamné M. E... du chef de dégradation volontaire d'un bien immobilier par l'effet d'un incendie, d'une substance explosive ou d'un moyen de nature à créer un danger pour les personnes ; que la société Les Lutins a assigné M. E..., Mme T... et la société Generali en réparation de ses préjudices ; que la société Axa est intervenue volontairement à l'instance pour obtenir la condamnation de la société Generali à lui rembourser les indemnités versées à son assurée au titre de son préjudice matériel et de sa perte d'exploitation ; que la société Les Lutins ayant été dissoute, M. S..., désigné en qualité de liquidateur puis d'administrateur ad hoc de cette société, est intervenu volontairement à la procédure ;

Attendu que pour débouter la société Axa et M. S..., ès qualités, des demandes présentées contre la société Generali, l'arrêt retient que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale ; que M. E... a été définitivement jugé pour l'incendie volontaire de l'immeuble et que la société Generali est bien fondée à lui opposer un refus de garantie par application des dispositions de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la condamnation de M. E... pour cet incendie volontaire n'impliquait pas, en elle-même, qu'il ait recherché le dommage tel qu'il est survenu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a infirmé le jugement ayant condamné la société Generali IARD, d'une part, à verser à la société Les Lutins la somme de 29 523 euros correspondant à son préjudice matériel et aux frais de réouverture restés à sa charge et celle de 1 000 euros correspondant aux frais de défense prévus par l'article 475-1 du code de procédure pénale et, d'autre part, à verser à la société Axa France IARD la somme de « 340 285,76 euros » (344 285,76 euros), de dire que la garantie de la société Generali est exclue en raison de la faute intentionnelle de M. E... et de débouter en conséquence la société Axa France IARD et M. S..., en qualité d'administrateur ad hoc de la société Les Lutins, de leurs demandes de dommages-intérêts présentées contre la société Generali IARD, l'arrêt rendu le 10 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société Generali IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Generali IARD et la condamne à payer à la société Axa France IARD et à M. S..., pris en sa qualité d'administrateur ad hoc de la société Les Lutins, la somme globale de 3 000 euros ;

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