lundi 11 mai 2020

Sous couvert d'urgence sanitaire, l'Etat pourrait imaginer disposer de prétendues "disponibilités" financières des organismes de la profession d'avocat

Madame Nicole Belloubet
Garde des Sceaux, ministre de la Justice
Ministère de la Justice
13 place Vendôme 75042 Paris Cedex 01

Par courriel

Paris, le 10 mai 2020

 Objet : Projet de loi “portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19” – article 3

Madame la Ministre,

Lors du Conseil des ministres du 7 mai, qui a suivi notre entretien téléphonique, a été présenté un Projet de loi “portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19”, qui a été porté à notre connaissance par plusieurs parlementaires.

Dans son article 3, ce projet de loi prévoit que “le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi destinées, afin d’améliorer la gestion de la trésorerie de l’Etat, à prescrire (...) le dépôt sur le compte du Trésor des disponibilités des personnes morales soumises aux règles de la comptabilité publique et d’organismes publics ou privés chargés d'une mission de service public.”

Cet article ouvre un champ d'application extrêmement large à cette prescription de l'Etat et pourrait affecter les libertés fondamentales. Il nous inquiète donc et peut nous alarmer, tout comme il peut alarmer d'autres acteurs de la société civile. Sous couvert d'urgence sanitaire, l'Etat pourrait imaginer disposer de prétendues "disponibilités" financières des organismes de la profession.

Vous savez que ces sommes sont très majoritairement issues des cotisations de nos confrères et permettent d'assurer le fonctionnement de structures en charge de garantir l'autorégulation de la profession indépendante d'avocat.

Nous vous demandons donc de bien vouloir nous préciser de toute urgence les réelles intentions du Gouvernement et de modifier cet article pour en limiter son champ d’application à l’occasion du processus parlementaire qui commence cette semaine. D’autres professions du droit et du chiffre se sentent tout autant menacées par une telle proposition.

Nous n'hésiterons pas à agir de concert pour faire échec à des dispositions qui, en l'état, nous paraissent inadmissibles. Vous connaissez la mobilisation des avocats dès lors qu'il s'agit de défendre leur indépendance qui participe de l'état de droit démocratique.

Nous vous prions de croire, Madame la Ministre, à l’assurance de notre haute considération.

Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux ; Hélène Fontaine, vice-présidente de droit, présidente de la Conférence des bâtonniers ; Nathalie Roret pour le bâtonnier de Paris, vice-président de droit ; Catherine Jonathan-Duplaa, vice-présidente ; Jean-Luc Forget, vice-président ; Christian Leroy, trésorier ; Élodie Mulon, secrétaire du bureau ; Régine Barthélémy, Matthieu Dulucq, Catherine Gazzeri, Christophe Thévenet, membres du bureau.

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