mardi 26 mai 2020

Responsabilité décennale : une cave n'a pas vocation à être inondée

Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb. 2020-7, p. 26


Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 14 mai 2020
N° de pourvoi: 19-10.921
Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Chauvin (président), président
SCP Boulloche, SCP Gaschignard, SCP Le Bret-Desaché, avocat(s)


Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 mai 2020




Déchéance et Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 297 F-D

Pourvoi n° P 19-10.921







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2020

M. U... K..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° P 19-10.921 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (3e chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires Thébaïde, dont le siège est [...] , représenté par son syndic, la société Cabinet Century 21, Argens immobilier, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Boulouris immobilier, dont le siège est [...] , prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Thébaïde,

3°/ à M. J... L..., domicilié [...] ,

4°/ à M. T... E..., domicilié [...] (Danemark), pris en qualité de syndic de faillite de la société Alpha Insurance,

5°/ à la Mutuelle des architectes français, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. K..., de la SCP Boulloche, avocat de M. L..., de la Mutuelle des architectes français, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. K... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat des copropriétaires de la copropriété Thebaïde et M. E..., en sa qualité de syndic de faillite de la société Alpha Insurance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 novembre 2018), M. K... a acquis de la société Thébaïde, en l'état futur d'achèvement, un appartement de trois pièces et une cave dans un ensemble immobilier réalisé sous la maîtrise d'oeuvre de M. L..., assuré auprès de la Mutuelle des architectes français.

3. Se plaignant de désordres d'infiltrations d'eau dans une pièce de son appartement et d'inondations récurrentes, à la suite d'épisodes pluvieux, de la cave en rez-de-jardin qu'il avait aménagée en pièce d'habitation, M. K... a, après expertise, assigné en réparation son vendeur, le maître d'oeuvre et l'assureur de celui-ci, ainsi que le syndicat des copropriétaires.

Sur la déchéance partielle du pourvoi, relevée d'office, après avis délivré aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile

4. M. K... n'ayant pas signifié à la société Boulouris immobilier, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Thébaïde, le mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée dans le délai fixé à l'article 978 du code de procédure civile, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi à l'égard de celle-ci.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

6. M. K... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en réparation du préjudice résultant de la perte de valeur de l'appartement, alors « que tout jugement doit être motivé ; qu'en déboutant M. K... de sa demande relative à la perte de valeur vénale de l'appartement, au seul motif que "cette demande ne peut prospérer" tout en relevant que M. K... avait acquis son appartement pour 456 000 euros et que les attestations versées aux débats faisaient état d'une valeur comprise entre 396 000 et 405 000 euros, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel, ayant, par motifs adoptés, retenu, pour rejeter la prétention de M. K... au titre du préjudice résultant de la dépréciation du bien, que seule une attestation de valeur, établie le 18 juin 2012, était versée aux débats et qu'aucun avis de valeur plus récent n'était produit, a pu, par ces seuls motifs, en déduire que la demande indemnitaire de M. K... devait être rejetée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. M. K... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en réparation des préjudices locatif, de jouissance et moral, alors « que les juges du fond ont eux-mêmes constaté que les désordres relevés portent atteinte à la solidité de l'ouvrage et sa destination, "même une cave n'ayant pas vocation à être inondée" et encore que "l'appartement dont M. K... est propriétaire ne peut être loué en raison des infiltrations récurrentes constatées dans la pièce située en rez-de-jardin" ; qu'en déboutant néanmoins M. K... de toutes ses demandes, en ce compris le préjudice locatif et de jouissance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil :

10. Aux termes de ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

11. Pour rejeter les demandes, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les infiltrations localisées au plafond du séjour, d'importance modérée, n'obèrent pas l'occupation du logement et que la difficulté rencontrée pour louer l'appartement ne résulte que des désordres affectant la pièce créée dans la cave.

12. En statuant ainsi, après avoir constaté, par motifs propres, que la récurrence des désordres et l'importance du taux d'humidité relevé par l'expert dans la pièce située en rez-de-jardin, provoquées notamment par l'insuffisance du réseau d'évacuation des eaux pluviales, rendaient l'appartement ainsi que la cave, qui n'avait pas vocation à être inondée, impropres à leur destination et retenu, par motifs adoptés, que l'appartement dont l'étanchéité n'était pas assurée ne pouvait être occupé de manière pérenne, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi à l'égard de la société Boulouris immobilier, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Thébaïde ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant rejeté les demandes en réparation de M. K... au titre du préjudice locatif et des préjudices moral et de jouissance et condamné M. K... à payer la somme de 1 000 euros à M. L... et à la Mutuelle des architectes français (MAF) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et en ce qu'il condamne M. K... à payer la somme de 1 000 euros à M. L... et à la MAF, ensemble, ainsi qu'aux dépens, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne in solidum M. L... et la MAF aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. L... et la société Mutuelle des architectes français et les condamne à payer à M. K... la somme globale de 3 000 euros ;

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