mardi 26 octobre 2021

Erreur de l'architecte dans la vérification des situations de l'entreprise

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 octobre 2021




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 739 F-D

Pourvoi n° E 20-21.267




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2021

La société Commercimmo, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 20-21.267 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Jean-Pierre Bergeret architecte DPLG, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Commercimmo, de la SCP Boulloche, avocat de la société Jean-Pierre Bergeret architecte DPLG, de la société Mutuelle des architectes français, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 2020), la société Commercimmo a confié à la société Jean-Pierre Bergeret (l'architecte), assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre complète d'une opération de réhabilitation de deux bâtiments existants et de construction de logements et de commerces.

2. Au cours du chantier, le maître de l'ouvrage a procédé au règlement des situations, transmises par l'architecte après vérification.

3. Se plaignant d'une carence dans la vérification des comptes et de l'absence de retenue de garantie, le maître de l'ouvrage a assigné en indemnisation l'architecte et son assureur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. La société Commercimmo fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes en paiement et de la condamner à verser à la société Bergeret la somme de 13 422 euros, alors « que la cour d'appel a elle-même constaté que « Les parties ne sont pas contraires sur le montant total des deux marchés de la société Apsotech et il n'est nullement soutenu que ces travaux n'auraient pas été réalisés dans leur intégralité » ; qu'en conséquence, l'existence d'un « trop versé » par le maître de l'ouvrage devait se déduire du paiement par lui d'un prix total supérieur au prix convenu pour les travaux réalisés, sauf à constater qu'il avait accepté des prestations supplémentaires ou une modification du prix initial ; qu'un tel « trop versé » résultait du rapport d'expertise retenant, sans être contesté, un prix total convenu de 2 890 559,94 + 300 852,16 = 3 191 412,10 euros conforme à celui retenu par la cour d'appel et des paiements à hauteur de 3 322 127,48 + 352 117,44 = 3 674 244,92 euros ; qu'en écartant cependant l'existence d'un « trop versé » au prétexte que « les travaux ont été réalisés et que l'expert ne fait pas mention de facturations correspondant à des travaux non effectués, la cour cherche vainement quelles sommes n'auraient pas été dues par le maître d'ouvrage qui s'en est pourtant volontairement acquitté et quelle faute pourrait être reprochée au maître de l'ouvrage pour le pas les avoir visées », la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les paiements réalisés par la société Commercimmo au-delà du prix convenu étaient justifiés par l'acceptation par elle de prestations supplémentaires ou d'une modification des prix initialement convenus, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel, devant laquelle la société Commercimmo n'avait pas soutenu que les paiements effectués au-delà du prix convenu n'étaient justifiés ni par l'acceptation par elle de prestations supplémentaires ni par une modification des prix initialement convenus, n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.

7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société Commercimmo fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes en paiement et de la condamner à verser à la société Bergeret la somme de 13 422 euros, alors « qu'il ressort des constatations de la décision attaquée que le principe d'une retenue de garantie de 5 % était convenu pour les deux marchés de travaux de la société Apsotech, ce point étant au demeurant constant ; que la cour d'appel a retenu que la société Commercimmo, qui a néanmoins réglé l'intégralité des factures et des situations de travaux présentées sans que soit appliquée une retenue de 5 %, ne pouvait en faire reproche au maître d'oeuvre ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invité, si l'étendue de la mission de l'architecte, qui comprenait le suivi financier du chantier, ne l'obligeait pas à présenter pour paiement au maître de l'ouvrage des factures dont était déduite la retenue de garantie de 5 %, et si le manquement à cette obligation n'avait pas causé un préjudice au maître de l'ouvrage, qu'il lui aurait alors appartenu d'apprécier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 févier 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

10. Selon le second, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution.

11. Pour rejeter les demandes en paiement de la société Commercimmo et la condamner à verser à l'architecte la somme de 13 422 euros, l'arrêt retient que le maître de l'ouvrage, qui a néanmoins réglé l'intégralité des factures et des situations de travaux présentées sans que soit appliquée une retenue de 5 %, ne pouvait en faire reproche au maître d'oeuvre.

12. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le principe d'une retenue de garantie de 5 % était convenu pour les deux marchés de travaux de la société Apsotech et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la mission de l'architecte, qui comprenait le suivi financier, ne l'obligeait pas à présenter au maître de l'ouvrage des factures dont était déduite la retenue de garantie de 5 %, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement formée au titre de la retenue de garantie, l'arrêt rendu le 3 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Jean-Pierre Bergeret architecte DPLG et la société Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Commercimmo

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société Commercimmo fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement en toutes ses dispositions, d'AVOIR débouté la société Commercimmo de l'ensemble de ses demandes en paiement, et de l'AVOIR condamnée à verser à la SARL Jean-Pierre Bergeret la somme de 13 422 euros outre la TVA en vigueur et intérêt au taux légal,

1) ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la société Bergeret ne contestait pas l'existence d'un « trop versé » par rapport au prix convenu avec l'entrepreneur principal Apsotech ; qu'elle faisait tout au plus valoir que ce « trop versé » était « consécutif à la mise en place de paiements directs des sous-traitants et fournisseurs d'Apsotech par le maître d'ouvrage d'une part et au règlement par le maître d'ouvrage de situations non-visées par la SARL Bergeret, maître d'oeuvre d'autre part » (conclusions n° 2 adverses page 8) ; que jamais elle n'a fait valoir que toutes les sommes versées étaient dues, ni a fortiori qu'elles étaient justifiées du fait de l'acceptation par la société Commercimmo d'une hausse du prix convenu ou de prestations supplémentaires ; qu'en niant cependant l'existence d'un « trop versé » en affirmant que « Dès lors que les travaux ont été réalisés et que l'expert ne fait pas mention de facturations correspondant à des travaux non effectués, la cour cherche vainement quelles sommes n'auraient pas été dues par le maître d'ouvrage qui s'en est pourtant volontairement acquitté et quelle faute pourrait être reprochée au maître de l'ouvrage pour le pas les avoir visées » (arrêt page 5, § 4), bien qu'aucune partie n'ait fait valoir que la société Apsotech n'avait bénéficié d'aucun « trop versé », la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE la cour d'appel a elle-même constaté que « Les parties ne sont pas contraires sur le montant total des deux marchés de la société Apsotech et il n'est nullement soutenu que ces travaux n'auraient pas été réalisés dans leur intégralité » (arrêt page 4 in fine) ; qu'en conséquence, l'existence d'un « trop versé » par le maître de l'ouvrage devait se déduire du paiement par lui d'un prix total supérieur au prix convenu pour les travaux réalisés, sauf à constater qu'il avait accepté des prestations supplémentaires ou une modification du prix initial ; qu'un tel « trop versé » résultait du rapport d'expertise retenant, sans être contesté, un prix total convenu de 2 890 559,94 + 300 852,16 = 3 191 412,10 euros (conforme à celui retenu par la cour d'appel) et des paiements à hauteur de 3 322 127,48 + 352 117,44 = 3 674 244,92 euros ; qu'en écartant cependant l'existence d'un « trop versé » au prétexte que « les travaux ont été réalisés et que l'expert ne fait pas mention de facturations correspondant à des travaux non effectués, la cour cherche vainement quelles sommes n'auraient pas été dues par le maître d'ouvrage qui s'en est pourtant volontairement acquitté et quelle faute pourrait être reprochée au maître de l'ouvrage pour le pas les avoir visées » (arrêt page 5, § 4), la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les paiements réalisés par la société Commercimmo au-delà du prix convenu étaient justifiés par l'acceptation par elle de prestations supplémentaires ou d'une modification des prix initialement convenus, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Commercimmo fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement en toutes ses dispositions, d'AVOIR débouté la société Commercimmo de l'ensemble de ses demandes en paiement, et de l'AVOIR condamnée à verser à la SARL Jean-Pierre Bergeret la somme de 13 422 euros outre la TVA en vigueur et intérêt au taux légal,

ALORS QU'il ressort des constatations de la décision attaquée que le principe d'une retenue de garantie de 5 % était convenu pour les deux marchés de travaux de la société Apsotech (arrêt page 5, § 2), ce point étant au demeurant constant ; que la cour d'appel a retenu que la société Commercimmo, qui a néanmoins réglé l'intégralité des factures et des situations de travaux présentées sans que soit appliquée une retenue de 5 %, ne pouvait en faire reproche au maître d'oeuvre ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invité, si l'étendue de la mission de l'architecte, qui comprenait le suivi financier du chantier, ne l'obligeait pas à présenter pour paiement au maître de l'ouvrage des factures dont était déduite la retenue de garantie de 5 %, et si le manquement à cette obligation n'avait pas causé un préjudice au maître de l'ouvrage, qu'il lui aurait alors appartenu d'apprécier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 févier 2016.ECLI:FR:CCASS:2021:C300739

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