lundi 25 octobre 2021

L'arrêt du Conseil d'Etat sur la réclamation financière de la société Corsica Ferries France contre la collectivité de Corse

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

La société Corsica Ferries France a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la collectivité de Corse à lui verser la somme de 88 200 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2014, en réparation du préjudice résultant de l'exploitation du " service complémentaire " instauré par la délégation de service public de desserte maritime de la Corse pour la période 2007-2013. Par un jugement n° 1500375 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Bastia a condamné la collectivité de Corse à verser à la société Corsica Ferries France la somme de 84 362 593,12 euros, actualisée selon la méthode décrite par le rapport d'audit produit par cette société et assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2014.

Par un arrêt n°s 17MA01582, 17MA01583 du 12 février 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a ordonné qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué et qu'il soit procédé à une expertise permettant de déterminer l'accroissement de clientèle dont la société Corsica Ferries France aurait pu bénéficier en l'absence de " service complémentaire " au cours de la période en cause, et le bénéfice net qu'elle en aurait tiré.

Par un arrêt n°s 17MA01582, 17MA01583 du 22 février 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la société Corsica Ferries France, porté à 86 304 183 euros la somme que la collectivité de Corse est condamnée à verser à la société Corsica Ferries France, réformé le jugement du tribunal administratif et rejeté le surplus des conclusions de sa requête, ainsi que l'appel de la collectivité de Corse.

Procédures devant le Conseil d'Etat

1° Sous le n° 450892, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 mars, 27 mai et 15 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la collectivité de Corse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ces arrêts ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles ;

4°) de mettre à la charge de la société Corsica Ferries France la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 453021, par une requête, enregistrée le 27 mai 2021, la collectivité de Corse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ces arrêts ;

2°) de mettre à la charge de la société Corsica Ferries France la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la collectivité de Corse ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 septembre 2021 sous le n° 450892, présentée par la collectivité de Corse ;





Considérant ce qui suit :

1. Le pourvoi et la requête visés ci-dessus sont dirigés contre les mêmes arrêts. Il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'une seule décision.

Sur le pourvoi dirigé contre les arrêts attaqués :

2. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

3. Pour demander l'annulation des arrêts qu'elle attaque, la collectivité de Corse soutient que la cour administrative d'appel de Marseille a :
- entaché d'irrégularité son arrêt du 22 février 2021 en ne rouvrant pas l'instruction pour tenir compte du mémoire qu'elle avait produit le 28 mai 2020, alors que celui-ci portait à sa connaissance un rapport d'expertise qu'elle ne pouvait produire avant la clôture de l'instruction et qui était susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire ;
- commis une erreur de droit et inexactement qualifié ou dénaturé les faits en reconnaissant la possibilité d'engager sa responsabilité en raison du versement irrégulier d'aides d'Etat à une société concurrente de la société Corsica Ferries et en estimant que cette dernière disposait du droit à l'indemnisation d'un tel préjudice, sans même rechercher l'existence d'une faute lourde ;
- commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits ou, à tout le moins, insuffisamment motivé son arrêt en reconnaissant le caractère direct et certain du lien de causalité entre le dommage allégué par la société Corsica Ferries et la faute qu'elle lui imputait, et dénaturé les faits pour ce faire ;
- commis une erreur de droit dans le calcul du préjudice dont la société Corsica Ferries s'estime victime, faute d'avoir tenu compte des conditions habituelles de gestion de l'ensemble des entreprises du secteur en cause ;
- commis une erreur de droit, ou à tout le moins dénaturé les pièces du dossier, en refusant de tenir compte, dans l'évaluation du préjudice dont la société Corsica Ferries se dit victime, de certaines subventions perçues par celle-ci, au titre notamment de l'" aide sociale " ;
- commis deux erreurs de droit en ne respectant pas les règles qui gouvernent la charge de la preuve et l'office du juge de la responsabilité dans l'établissement du montant du préjudice indemnisable, faute d'avoir, d'une part, fait usage de ses pouvoirs d'instruction pour vérifier le montant des charges de personnel supportées par la société Corsica Ferries et, d'autre part, établi le caractère rigoureux et véridique du bénéfice net de cette société, tel qu'il résultait de l'indemnisation calculée par l'experte ;
- dénaturé l'ensemble des éléments du dossier dans le cadre de son analyse économique du montant du préjudice, du fait de multiples erreurs relatives notamment au nombre de passagers ayant bénéficié du service complémentaire, au degré de substituabilité entre les traversées, à la part de report sur les offres de la société Corsica Ferries, à la possibilité d'absorber ces passagers et au chiffre d'affaires et au bénéfice qu'en aurait tiré cette société.

4. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

Sur la requête à fin de sursis à exécution :

5. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi formé par la collectivité de Corse contre les arrêts des 12 février 2018 et 22 février 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille n'est pas admis. Par suite, les conclusions à fin de sursis à l'exécution de ces arrêts sont devenues sans objet.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de la société Corsica Ferries France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi n° 450892 de la collectivité de Corse n'est pas admis.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par la collectivité de Corse sous le n° 453021.
Article 3 : Les conclusions présentées par la collectivité de Corse sous le n° 453021 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la collectivité de Corse.
Copie en sera adressée à la société Corsica Ferries France.

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