mercredi 20 décembre 2023

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2023




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1219 F-D

Pourvoi n° Q 21-25.650




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023

Mme [D] [H], épouse [Z], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-25.650 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société [6], société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, dont le siège est service contentieux général, [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de Mme [H], épouse [Z], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés [5] et [6], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 21 octobre 2021), Mme [H], épouse [Z] (la victime), salariée de la société [5] (l'employeur), a été victime de trois accidents, pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse).

2. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à l'origine des deux derniers accidents, survenus les 16 octobre 2009 et 19 septembre 2012, et en indemnisation de ses préjudices. La faute inexcusable de l'employeur a été reconnue.

Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La victime fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa demande d'expertise complémentaire, alors « que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande, formée par la salariée, d'une expertise complémentaire aux fins notamment d'évaluation de son déficit fonctionnel temporaire, de ses besoins d'assistance par une tierce personne, de ses frais de logement et de véhicule adaptés et de son préjudice sexuel consécutifs aux deux accidents de travail qu'elle avait subis les 16 octobre 2009 et 19 septembre 2012, que ladite salariée aurait circonscrit sa demande initiale d'expertise à l'évaluation « sur une échelle de 1 à 7, [d]es souffrances physiques, [d]es souffrances morales endurées et [du] préjudice esthétique subi consécutivement à chacun des deux accidents de travail du 16 octobre 2009 et du 19 septembre 2012 » et que, partant, elle n'aurait pas initialement recherché la réparation de l'intégralité de ses préjudices, cependant qu'il résultait au contraire de telles constatations que la demande de la salariée avait le même fondement que celle initiale et poursuivait la même fin de réparation des préjudices résultant des accidents de travail subis les 16 octobre 2009 et 19 septembre 2012, de sorte qu'elle constituait le complément de celle formée en première instance et était recevable, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 565 et 566 du code de procédure civile :

5. Selon le second de ces textes, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Selon le premier, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

6. Pour dire irrecevable la demande d'expertise complémentaire, l'arrêt relève que la victime n'a initialement pas cherché la réparation de l'intégralité de ses préjudices et qu'elle a délibérément exclu de la mission d'expertise qu'elle sollicitait l'évaluation de son déficit fonctionnel temporaire, de ses besoins d'assistance par une tierce personne, de ses frais de logement et de véhicule adaptés et de son préjudice sexuel. Il en déduit que la demande d'expertise complémentaire est nouvelle, ne tend pas aux mêmes fins, et qu'elle n'est ni l'accessoire, ni la conséquence ni le complément nécessaire de la demande initiale à laquelle il a été fait droit.

7. En statuant ainsi, alors que cette demande, qui avait le même fondement que les demandes initiales et poursuivait la même fin d'indemnisation, constituait le complément de celles formées en première instance par la victime, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande d'expertise complémentaire de Mme [Z], l'arrêt rendu le 21 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société [5] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés [5] et [6] et condamne la société [5] à payer à Mme [H], épouse [Z], la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C201219

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