mardi 25 novembre 2025

Conditions et portée de l'effet dévolutif de l'appel

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 20 novembre 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, présidente



Arrêt n° 557 FS-B

Pourvoi n° T 23-23.315




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 NOVEMBRE 2025

1°/ M. [B] [O],

2°/ Mme [N] [V], épouse [O],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° T 23-23.315 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2023 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige les opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence le [5], [Adresse 4], représenté par son syndic la société Nexity Lamy, [Adresse 1], avec une agence Nexity [Localité 6], sise [Adresse 3], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. et Mme [O], de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence le [5], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 septembre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseillère doyenne, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 4 octobre 2023), M. et Mme [O] (les copropriétaires) sont propriétaires de lots dans la résidence Le [5], soumise au statut de la copropriété, dont le règlement de copropriété a été modifié le 20 décembre 2005 pour prévoir expressément une destination de résidence-services.

2. Le 28 décembre 2021, le syndicat des copropriétaires de la résidence les a assignés en paiement de provisions pour charges de services pour les exercices 2018 à 2021 sur le fondement de l'article 19-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de juger non saisie la cour d'appel des demandes formées dans les huit premiers paragraphes figurant dans le dispositif des conclusions des copropriétaires sous le titre « en tout état de cause » et de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation

Enoncé du moyen

3. Les copropriétaires font grief à l'arrêt de juger que la cour d'appel n'était pas saisie des demandes qu'ils ont formées dans les huit premiers paragraphes figurant dans le dispositif de leurs conclusions sous le titre « en tout état de cause » et de rejeter l'exception de nullité de l'assignation, alors « que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l' annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en l'occurrence, la déclaration d'appel formée par M. et Mme [O] était ainsi libellée, s'agissant des chefs du jugement critiqué : « objet/portée de l'appel : ledit appel tend à l'annulation et en tout cas à la réformation des chefs du jugement rendu selon la procédure accélérée au fond ayant rejeté l'exception de nullité de l'assignation formulée par M. et Mme [O] déclaré recevable l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence le [5], rejeté la demande de sursis à statuer formulée par M. et Mme [O], condamné solidairement M. et Mme [O] à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence le [5] la somme de 15 600 euros au titre des charges de copropriété impayées au 30 juin 2021, débouté M. et Mme [O] de leur demande reconventionnelle à titre de dommages-intérêts, rejeté le surplus des demandes de M. et Mme [O] » ; qu'il en ressortait que la cour d'appel était saisie de l'entier litige, de sorte qu'en retenant qu'elle n'était valablement saisie que des demandes relatives à la validité de l'assignation et à la recevabilité des prétentions du syndicat des copropriétaires et en estimant ne pas être saisie des demandes formées par M. et Mme [O] dans les huit premiers paragraphes figurant dans le dispositif de ses conclusions sous le titre « en tout état de cause », la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 562 et 901, 4°, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

4. Selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

5. Selon le second, régissant la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration d'appel qui tend à la réformation du jugement doit mentionner les chefs du jugement critiqués.

6. Il en résulte que, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de dispositif du jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

7. Pour juger que la cour d'appel n'est pas saisie des demandes formées par les copropriétaires dans les huit premiers paragraphes figurant dans le dispositif de leurs conclusions sous le titre « en tout état de cause » et rejeter l'exception de nullité de l'assignation, l'arrêt retient que la déclaration d'appel mentionne sous le titre « objet/portée de l'appel : ayant rejeté l'exception de nullité de l'assignation, déclaré recevable l'action du syndicat des copropriétaires, rejeté la demande de sursis à statuer formulée par les copropriétaires, condamné solidairement ces derniers à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 15 600 ¿ au titre des charges de copropriété impayées au 30 juin 2021, débouté les copropriétaires de leur demande reconventionnelle à titre de dommages-intérêts, rejeté le surplus de leurs demandes, condamné solidairement les copropriétaires à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 200 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile », que ces formules constituent une critique des décisions figurant dans le dispositif du jugement querellé et que la cour n'est valablement saisie que des demandes relatives à la validité de l'assignation, et à la recevabilité des prétentions du syndicat des copropriétaires, et non des demandes tendant à voir juger non écrite la modification de la destination de l'immeuble, à voir juger que le règlement de copropriété de l'immeuble ne comporte pas d'autre objet que celui conforme à l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, que le règlement de copropriété ne comporte en son chapitre 5 aucune charge de copropriété relative à des services spécifiques, que le syndicat des copropriétaires n'est pas soumis au chapitre IV de la loi du 10 juillet 1965, à voir juger d'une nullité absolue le second paragraphe de l'article 2 du règlement du 9 décembre 1978, à voir prononcer la nullité absolue de la convention de services du 27 avril 2004 et de ses avenants, non plus que de la demande de libération des parties communes et de la demande tendant à voir juger non écrite la modification du règlement de copropriété du 20 décembre 2005.

8. En statuant ainsi, alors que la déclaration d'appel visait l'ensemble des chefs de dispositif du jugement critiqué et que la cour d'appel était saisie des demandes nouvelles formulées par les copropriétaires à hauteur d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. Les copropriétaires font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du syndicat des copropriétaires et de les condamner à lui payer une certaine somme au titre de charges, alors « que le budget prévisionnel étant voté chaque année et les provisions versées par les copropriétaires ne concernant que l'année en cours et non les exercices précédents, la procédure de recouvrement accélérée n'est applicable qu'aux provisions dues pour l'année en cours et aux sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes ; qu'en faisant droit à la demande du syndicat des copropriétaires quand elle constatait, par motifs adoptés, qu'elle concernait les années 2018 à 2021, ce qui excluait que la procédure de recouvrement puisse être mise en oeuvre pour les années antérieures à l'exercice 2021, sauf approbation des comptes dont elle n'a pas constaté l'existence, la cour d'appel a violé les articles 14-1 et 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 dans leur rédaction issue de la loi Elan du 23 novembre 2018. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 14-1, 14-2, I et 19-2, alinéas 1er à 3, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, les premiers dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, le dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019, et l'article 45-1 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 :

10. Selon le premier de ces textes, pour faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d'administration des parties communes et équipements communs de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires vote, chaque année, un budget prévisionnel. Les copropriétaires versent au syndicat des provisions égales au quart du budget voté. Toutefois, l'assemblée générale peut fixer des modalités différentes.

11. Aux termes du deuxième, ne sont pas comprises dans le budget prévisionnel les dépenses pour travaux dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. Les sommes afférentes à ces dépenses sont exigibles selon les modalités votées par l'assemblée générale.

12. Aux termes du troisième, à défaut du versement à sa date d'exigibilité d'une provision due au titre de l'article 14-1 ou du I de l'article 14-2, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues en application des mêmes articles 14-1 ou 14-2 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles. Le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, après avoir constaté, selon le cas, l'approbation par l'assemblée générale des copropriétaires du budget prévisionnel, des travaux ou des comptes annuels, ainsi que la défaillance du copropriétaire, condamne ce dernier au paiement des provisions ou sommes exigibles. Le présent article est applicable aux cotisations du fonds de travaux mentionné à l'article 14-2.

13. Selon le dernier, au sens et pour l'application des règles comptables du syndicat, sont nommées provisions sur charges les sommes versées ou à verser en attente du solde définitif qui résultera de l'approbation des comptes du syndicat. Les charges sont les dépenses incombant définitivement aux copropriétaires, chacun pour sa quote-part.

14. Il en résulte que si le syndicat des copropriétaires est recevable à agir sur le fondement de l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 en paiement d'une provision due au titre de l'article 14-1 ou du I de l'article 14-2, des provisions non encore échues devenues exigibles, ainsi que des arriérés de charges des exercices précédents approuvés par l'assemblée générale, il ne l'est pas pour agir en paiement des sommes restant dues au titre d'exercices précédents, pour lesquels les comptes du syndicat n'ont pas encore été approuvés.

15. Pour déclarer recevable l'action du syndicat des copropriétaires et condamner les copropriétaires à lui payer une certaine somme au titre des charges impayées au 30 juin 2021, l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'il est sollicité paiement de diverses redevances de services facturées de l'année 2018 à l'année 2021 et qu'il ressort des procès-verbaux des assemblées générales du 26 juin 2019, du 22 janvier 2021 et du 29 juin 2021 que les budgets prévisionnels des services pour les années 2018, 2019, 2020 et 2021 ont été adoptés.

16. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il le lui était demandé, si les comptes du syndicat des copropriétaires pour les exercices 2018 à 2020 avaient été approuvés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer de M. et Mme [O], l'arrêt rendu le 4 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence le [5] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence le [5] et le condamne à payer à M. et Mme [O] la somme globale de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2025:C300557

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