mardi 25 novembre 2025

Vente immobilière et clause de non-garantie des vices cachés

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 13 novembre 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, présidente



Arrêt n° 530 F-D

Pourvoi n° T 23-18.899




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 NOVEMBRE 2025

1°/ Mme [V] [M],

2°/ M. [U] [E],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° T 23-18.899 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2023 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1er section), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [F] [L], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à la société Agence des sacres, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillaudier, conseillère, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de Mme [M] et de M. [E], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [L], après débats en l'audience publique du 23 septembre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Guillaudier, conseillère rapporteure, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 mai 2023), par acte authentique du 31 août 2017, Mme [L] (la venderesse) a vendu à Mme [M] et M. [E] (les acquéreurs) une maison à usage d'habitation.

2. Les parties avaient, préalablement, signé un compromis de vente par l'intermédiaire de la société Agence des sacres (l'agent immobilier).

3. Invoquant l'existence de désordres affectant l'immeuble, les acquéreurs ont, après expertise, assigné la venderesse et l'agent immobilier en réparation de leurs préjudices.


Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième à septième branches, sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et sur le troisième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

5. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées contre la venderesse au titre de la toiture du salon et de la toiture principale, alors :

« 1°/ que saisie d'une action en garantie des vices cachés à laquelle le défendeur oppose une clause exonératoire de garantie, la juridiction doit vérifier de manière concrète si le vendeur avait connaissance du vice invoqué ; qu'en retenant, pour refuser la garantie au titre du vice caché tiré du défaut de conformité de la toiture du salon aux règles de l'art, que s'agissant de la toiture, et de l'extension de cette dernière au niveau du salon, l'expert judiciaire mentionne que le défaut de pente ne pouvait être perceptible que par un professionnel (de sorte que Mme [L] ne pouvait en avoir connaissance) », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la venderesse n'avait pas connaissance du défaut de conformité de la toiture aux règles de l'art pour avoir été alertée par un couvreur qui intervenait régulièrement chez elle, notamment à la suite d'un dégât des eaux survenu en 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1643 du code civil ;

2°/ qu'en se prononçant par des motifs qui ne suffisaient pas à exclure la garantie au titre du vice caché affectant la toiture principale en très mauvais état, tirés de ce que, concernant la toiture principale, au vu de l'âge de construction de la bâtisse et Mme [L] n'ayant pas entrepris de travaux de réfection mais simplement de vérification de l'état général tous les deux ans, les consorts [C] ne peuvent prétendre avoir acquis une maison avec les caractéristiques d'une maison neuve, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la venderesse n'avait pas été informée par un couvreur du mauvais état de la toiture qui nécessitait une réfection totale à brève échéance, ce dont elle n'avait toutefois pas averti les acquéreurs, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1643 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1643 du code civil :

6. Il résulte de ce texte que la clause exclusive de garantie des vices cachés ne peut être invoquée par le vendeur qui connaissait le vice de la chose vendue.

7. Pour rejeter la demande de garantie des acquéreurs à raison des défauts cachés des toitures, l'arrêt retient, s'agissant de l'extension de la toiture au niveau du salon, que l'expert judiciaire a mentionné que le défaut de pente ne pouvait être perceptible que par un professionnel, de sorte que la venderesse ne pouvait en avoir connaissance, s'agissant de la toiture principale, qu'au vu de l'âge de construction de la bâtisse et la venderesse n'ayant pas entrepris de travaux de réfection mais simplement de vérification de l'état général tous les deux ans, les acquéreurs ne peuvent prétendre avoir acquis une maison avec les caractéristiques d'une maison neuve.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la venderesse n'avait pas été informée par un couvreur du défaut de conformité et de la nécessité de la réfection totale des toitures, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande formée contre l'agent immobilier pour manquement à son obligation d'information sur l'état de la toiture principale, alors « que l'agent immobilier est tenu d'une obligation d'information, de renseignement et de conseil à l'égard de l'acquéreur qui lui impose de vérifier la réalité des travaux que le vendeur déclare avoir effectués ; qu'en retenant, pour rejeter la demande indemnitaire formée contre l'agent immobilier au titre de sa responsabilité civile, que « les consorts [C] reprochent à la SARL Agence des sacres une négligence manifeste en ne s'étant pas assurée que la toiture avait bien été vérifiée tous les deux ans conformément aux déclarations de la venderesse » et que « contrairement à l'argumentaire développée par les appelants, l'agent immobilier n'avait pas à vérifier la réalité des travaux réalisés par Mme [L] depuis l'acquisition par ses soins de la maison en 1988 jusqu'à sa mise en vente au printemps 2017, mais devait cependant s'assurer que les diagnostics techniques et énergétiques étaient exécutés et conformes aux caractéristiques du bien proposé à la vente », cependant que l'agent immobilier devait vérifier la réalité des travaux que la venderesse disait avoir réalisés sur le bien immobilier objet de la vente, afin de renseigner les acquéreurs sur l'état matériel dudit bien, la cour d'appel a violé les articles 1231-1 et 1992 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1231-1 du code civil :

10. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

11. Pour rejeter la demande des acquéreurs formée contre l'agent immobilier, l'arrêt retient qu'il n'avait pas à vérifier la réalité des travaux réalisés par la venderesse depuis l'acquisition par ses soins de la maison en 1988 jusqu'à sa mise en vente au printemps 2017, mais devait cependant s'assurer que les diagnostics techniques et énergétiques étaient exécutés et conformes aux caractéristiques du bien proposé à la vente.

12. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'agent immobilier de vérifier si la venderesse avait bien fait procéder, comme elle l'avait déclaré, au contrôle de l'état de la toiture de la maison tous les deux ans, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de garantie des vices cachés des toitures formée par Mme [M] et M. [E] à l'égard de Mme [L] et la demande de condamnation de la société Agence des sacres pour manquement à son obligation d'information concernant la toiture principale, et en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 23 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne Mme [L] et la société Agence des sacres aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [L] à payer à Mme [M] et M. [E] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le treize novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300530

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