mardi 25 novembre 2025

La réception judiciaire d'une maison d'habitation doit être prononcée à la date à laquelle l'ouvrage est en état d'être reçu, c'est-à-dire : est habitable

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 13 novembre 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, présidente



Arrêt n° 535 F-D

Pourvoi n° M 23-23.631




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 NOVEMBRE 2025

1°/ La Mutuelle des architectes français (MAF), société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 8],

2°/ M. [XU] [E], domicilié [Adresse 26],

ont formé le pourvoi n° M 23-23.631 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2ème chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [RZ] [VE], domiciliée [Adresse 31],

2°/ à M. [XO] [UU],

3°/ à Mme [G] [RE], épouse [UU],

tous deux domiciliés [Adresse 16],

4°/ à M. [DZ] [X], domicilié [Adresse 41],

5°/ à M. [AV] [NU],

6°/ à Mme [NE] [PE], épouse [NU],

tous deux domiciliés [Adresse 5] (Belgique),
7°/ à M. [MJ] [TE], domicilié [Adresse 30],

8°/ à M. [R] [I],

9°/ à Mme [YO] [OU], épouse [I],

tous deux domiciliés [Adresse 18],

10°/ à M. [KZ] [VO], domicilié [Adresse 24] (Belgique),

11°/ à M. [OJ] [SJ],

12°/ à Mme [N] [KU], épouse [SJ],

tous deux domiciliés [Adresse 28],

13°/ à M. [WE] [H], domicilié [Adresse 7],

14°/ à M. [YE] [L],

15°/ à Mme [MO] [XZ], épouse [L],

tous deux domiciliés [Adresse 11],

16°/ à M. [MJ] [PU], domicilié [Adresse 23],

17°/ à Mme [ZU] [T], épouse [A], domiciliée [Adresse 1],

18°/ à M. [LZ] [OZ] [ZE],

19°/ à Mme [PJ] [SO],

tous deux domiciliés [Adresse 29],

20°/ à M. [XE] [SU],

21°/ à Mme [XJ] [K], épouse [SU],

tous deux domiciliés [Adresse 21],

22°/ à Mme [TU] [SZ], veuve [JO], domiciliée [Adresse 33],

23°/ à M. [FZ] [HE], domicilié [Adresse 38],

24°/ à M. [LE] [S],

25°/ à Mme [OO] [B], épouse [S],

tous deux domiciliés [Adresse 4], Ecosse (Royaume-Uni),

26°/ à M. [YU] [C],

27°/ à Mme [ME] [WU], épouse [C],

tous deux domiciliés [Adresse 22],

28°/ à Mme [NZ] [F], épouse [SE], domiciliée [Adresse 27] (Royaume-Uni),

29°/ à Mme [LJ] [F], épouse [UZ], domiciliée [Adresse 19] (Royaume-Uni),

30°/ à M. [U] [BK], domicilié [Adresse 13],

31°/ à Mme [NJ] [EO], domiciliée [Adresse 14],

32°/ à M. [IJ] [KE], domicilié [Adresse 32],

33°/ à M. [J] [D], domicilié [Adresse 36],

34°/ à M. [W] [Z],

35°/ à Mme [P] [HU], épouse [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 12],

36°/ à M. [IU] [GZ],

37°/ à Mme [VU] [Y],

tous deux domiciliés [Adresse 42],

38°/ à M. [JZ] [RU], domicilié [Adresse 43], venant aux droits de la société civile immobilière Vilar,

39°/ au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Chareins, dont le siège est [Adresse 40], représenté par son syndic bénévole Mme [RZ] [VE], domiciliée [Adresse 43],

40°/ à M. [JU] [IZ], domicilié [Adresse 10], pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société civile immobilière Les Chareins,

41°/ à la société Les Chareins, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 25],

42°/ à la société Setec GL ingénierie, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 20], venant aux droits de la société GL ingénierie anciennement dénommée société Georges Lancon ingénierie,

43°/ à la société Asteren, venant aux droits de la société MP associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9], en la personne de M. [PO] [GO], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Avenia,

44°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 17],

45°/ à la société Colas France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] elle-même venant aux droits de la société Colas Rhône-Alpes Auvergne, venant aux droits de la société Screg sud-est,

46°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme,

47°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

toutes deux ayant leur siège au [Adresse 6] et prises en leur qualité d'assureur des sociétés Batiplus et SEMPR,

48°/ à la société Thélem assurances, dont le siège est [Adresse 39],

49°/ à la société Bureau Véritas, dont le siège est [Adresse 37],

50°/ à la société Acte IARD, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 35],

51°/ à la société Avenia, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 15],

52°/ à M. [M] [MZ], domicilié [Adresse 34],

53°/ à M. [FZ] [JO], domicilié [Adresse 3], venant aux droits d'[V] [JO], décédé,

défendeurs à la cassation.

Mme [VE], M. et Mme [UU], M. [X], M. et Mme [NU], M. [TE], M. et Mme [I], M. [VO], M. et Mme [SJ], M. [H], M. et Mme [L], M. [PU], Mme [T], M. [OZ] [ZE], Mme [SO], M. et Mme [SU], Mme [SZ], M. [HE], M. et Mme [S], M. et Mme [C], Mme [SE], Mme [F], M. [BK], Mme [EO], M. [KE], M. [D], M. et Mme [Z], M. [GZ], Mme [Y], M. [RU] venant aux droits de la société civile immobilière Vilar, M. [FZ] [JO], venant aux droits d'[V] [JO] et le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Chareins ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseillère référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société la Mutuelle des architectes français, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Setec GL ingénierie, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles, MMA IARD et Bureau Véritas, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [VE], de M. et Mme [UU], de M. [X], de M. et Mme [NU], de M. [TE], de M. et Mme [I], de M. [VO], de M. et Mme [SJ], de M. [H], de M. et Mme [L], de M. [PU], de Mme [A], de M. [OZ] [ZE], de Mme [SO], de M. et Mme [SU], de Mme [JO], de M. [HE], de M. et Mme [S], de M. et Mme [C], de Mmes [SE] et [UZ], de M. [BK], de Mme [EO], de MM. [KE] et [D], de M. et Mme [Z], de M. [GZ], de Mme [Y], de M. [RU], du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Chareins et de M. [JO], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Colas France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Thélem assurances, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Bironneau, conseillère référendaire rapporteure, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [E] du désistement de son pourvoi.

2. Il est donné acte à la Mutuelle des architectes français (la MAF) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Avenia représentée par la société Asteren, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Avenia, la société civile immobilière Les Chareins (la SCI), M. [IZ], pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SCI, et M. [MZ].

Recevabilité du pourvoi incident examinée d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 1010 du même code.

4. Selon ce texte, le pourvoi incident, même provoqué, doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai prévu pour la remise du mémoire en réponse.

5. Le pourvoi incident de Mme [VE], M. et Mme [UU], M. [X], M. et Mme [NU], M. [TE], M. et Mme [I], M. [VO], M. et Mme [SJ], M. [H], M. et Mme [L], M. [PU], Mme [A], M. [OZ] [ZE], Mme [SO], M. et Mme [SU], Mme [JO], M. [HE], M. et Mme [S], M. et Mme [C], Mme [SE], Mme [UZ], M. [BK], Mme [EO], M. [KE], M. [D], M. et Mme [Z], M. [GZ], Mme [Y], M. [RU], venant aux droits de la société civile immobilière Vilar, M. [FZ] [JO], venant aux droits d'[V] [JO], (les copropriétaires) et du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Chareins (le syndicat des copropriétaires) n'a pas été signifié à M. [MZ].

6. A défaut de signification régulière dans le délai légal, le pourvoi incident des copropriétaires et du syndicat des copropriétaires est irrecevable en tant qu'il est dirigé contre M. [MZ].

Faits et procédure

7. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 septembre 2023), la SCI, qui a souscrit auprès de la MAF une police d'assurance dommages-ouvrage et une police d'assurance constructeur non-réalisateur, a fait édifier un ensemble immobilier de trente-et-un appartements, qu'elle a commercialisés en l'état futur d'achèvement.

8. Sont notamment intervenus aux opérations de construction M. [MZ], chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution, qu'il a sous-traitée à la société Georges Lançon ingénierie, assurée auprès de la société Acte IARD, la société Avenia, à laquelle a été confié le lot carrelage-sols souples, assurée auprès de la société Axa France IARD, et la société Batiplus, pour le lot gros oeuvre, assurée auprès de la société MMA IARD.

9. Se plaignant de divers désordres et non-façons, les copropriétaires et le syndicat des copropriétaires ont, après expertise, assigné la SCI et la MAF, en ses qualités d'assureur dommages-ouvrage et d'assureur constructeur non-réalisateur. La SCI a mis en cause plusieurs constructeurs et assureurs.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

10. La MAF fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au syndicat des copropriétaires, en exécution de la police dommages-ouvrage, une certaine somme au titre du coût des travaux de réfection des enduits de façades et des sols, outre les frais de maîtrise d'oeuvre, alors « que l'assurance dommages-ouvrage couvre les désordres qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination dans le délai de dix ans courant de la réception de l'ouvrage ; qu'il appartient au maître d'ouvrage de démontrer que ces conditions sont réunies ; qu'au cas présent, la MAF a fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que les désordres en façade étaient d'ordre esthétique et que les fissures en carrelage étaient fines et ne revêtaient pas le degré de gravité requis pour relever de la garantie décennale ; que la cour d'appel a condamné la MAF à payer au syndicat des copropriétaires, en exécution de la police dommages-ouvrage, la somme de 264 257,61 euros TTC au titre du coût des travaux correspondant à la réfection des enduits de façades et des sols sans justifier que ces désordres portaient atteinte à la destination de l'ouvrage ou compromettaient sa solidité ; qu'elle a ainsi privé son arrêt de base légale au regard des articles 1792 du code civil et L. 242-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1792 du code civil et L. 242-1 du code des assurances :

11. Selon le premier de ces textes, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

12. Il résulte du second que l'assurance dommages-ouvrage garantit, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de gravité décennale.

13. Pour condamner l'assureur dommages-ouvrage à payer au syndicat des copropriétaires certaines sommes, l'arrêt retient qu'en raison de la nature même des désordres, l'assureur dommages-ouvrage est tenu à les garantir, comme l'ensemble des autres condamnations relatives à la réalisation de travaux qui pourront intervenir.

14. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'assureur dommages-ouvrage qui contestait le caractère décennal des désordres affectant les façades et les fissures du carrelage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

15. La MAF fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'à supposer même que la cour d'appel ait condamné la compagnie MAF, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, en raison du non-respect par les constructeurs de leurs obligations au titre de la garantie de parfait achèvement, la garantie n'est due dans une telle occurrence qu' "après mise en demeure restée infructueuse" ; qu'au cas présent, la MAF avait fait valoir, dans ses écritures d'appel, qu'aucune mise en demeure n'avait été délivrée aux entrepreneurs responsables des désordres ; qu'en condamnant la MAF au paiement de la somme de 264 257,61 euros TTC sans répondre au moyen pris de l'absence de délivrance d'une mise en demeure aux entrepreneurs responsables des désordres, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

16. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

17. Pour condamner l'assureur dommages-ouvrage à payer au syndicat des copropriétaires certaines sommes, l'arrêt retient qu'en raison de la nature même des désordres, l'assureur dommages-ouvrage est tenu à les garantir, comme l'ensemble des autres condamnations relatives à la réalisation de travaux qui pourront intervenir.

18. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la MAF, qui soutenait qu'aucune mise en demeure n'ayant été délivrée aux entrepreneurs responsables de ces désordres, elle n'était pas tenue de garantir les désordres relevant de la garantie de parfait achèvement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

19. La MAF fait le même grief à l'arrêt, alors « que, dans ses conclusions d'appel, la MAF a soutenu que le taux de TVA applicable était de 10 %, si bien que sa condamnation ne pouvait dépasser la somme de 228 645,50 euros, outre 3 544 euros TTC pour les frais de maîtrise d'oeuvre ; qu'en confirmant le jugement qui avait octroyé au syndicat de copropriétaires la somme de 264 257,61 euros TTC sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

20. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

21. Pour condamner l'assureur dommages-ouvrage à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 264 257,61 euros TTC, l'arrêt retient qu'en raison de la nature même des désordres, l'assureur dommages-ouvrage est tenu à les garantir, comme l'ensemble des autres condamnations relatives à la réalisation de travaux qui pourront intervenir.

22. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la MAF, qui soutenait que le taux de TVA applicable était de 10 % et qu'ainsi sa condamnation à paiement ne pouvait excéder la somme de 228 645,50 euros, outre 3 544 euros TTC pour les frais de maîtrise d'oeuvre, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

23. La MAF, en sa qualité d'assureur constructeur non-réalisateur, fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à chacun des copropriétaires une indemnité de jouissance, soit les sommes de 1 500 euros à dix-sept d'entre eux, 3 000 euros à M. [C] et 4 500 euros à M. et Mme [JO], alors « que la MAF a fait valoir, dans ses écritures d'appel, que la police CNR souscrite par la SCI Les Chareins, qu'elle a produite, couvrait sa seule responsabilité décennale et qu'en conséquence, les dommages immatériels ne pouvaient être indemnisés pour des désordres relevant de la garantie contractuelle du promoteur ; que la cour d'appel a confirmé le jugement qui avait alloué diverses sommes aux copropriétaires, sans répondre à ce moyen pertinent ; qu'elle a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

24. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

25. Pour condamner l'assureur constructeur non-réalisateur à verser à chacun des copropriétaires une indemnité au titre du préjudice de jouissance, l'arrêt retient que la police d'assurance responsabilité décennale du constructeur non-réalisateur comporte une garantie complémentaire couvrant la responsabilité encourue par l'assuré à raison des dommages immatériels résultant directement d'un dommage garanti et qu'en vertu des dispositions de l'article L. 243-7 du code des assurances, les copropriétaires sont en droit d'agir directement contre l'assureur du responsable si ce dernier est en redressement ou en liquidation judiciaire.

26. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'assureur constructeur non-réalisateur qui soutenait que sa garantie ne couvrait que la seule responsabilité décennale du promoteur et qu'elle ne pouvait être mobilisée pour des préjudices immatériels ne découlant pas d'un dommage garanti, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

27. La MAF fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de garantie, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, par les constructeurs responsables des désordres et leurs assureurs, alors « que l'assureur dommages-ouvrage est recevable à exercer un recours à l'égard des constructeurs et de leurs assureurs s'il justifie du paiement de l'indemnité aux victimes des désordres avant que le juge du fond n'ait statué ; qu'au cas présent, la MAF avait invoqué le paiement effectué en exécution du jugement entrepris et fait valoir qu'elle était donc fondée à solliciter la garantie des différents constructeurs responsables des désordres et de leurs assureurs ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen tiré de la subrogation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

28. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

29. Pour rejeter la demande en garantie formée par l'assureur dommages-ouvrage à l'encontre des constructeurs responsables des désordres et de leurs assureurs, l'arrêt retient que la MAF n'est elle-même recevable à agir contre les constructeurs responsables sur le fondement de la subrogation que dans la mesure où elle aurait déjà versé une indemnité à son assuré sur le fondement de l'assurance dommages-ouvrage.

30. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la MAF, qui soutenait qu'elle avait réglé au syndicat des copropriétaires les condamnations prononcées à son encontre par le jugement de première instance, de sorte qu'elle était subrogée dans les droits de son assuré, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le premier moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

31. Les copropriétaires et le syndicat des copropriétaires font grief à l'arrêt de prononcer la réception judiciaire des ouvrages au 14 septembre 2011, assortie de réserves, alors « que la date de la réception judiciaire est celle à laquelle l'ouvrage est habitable ; qu'en fixant la réception judiciaire à la date du 14 septembre 2011 "date correspondant à l'établissement par l'expert d'une note de synthèse listant l'ensemble des désordres apparents, constituant de facto autant de réserves de la part du maître d'ouvrage", sans rechercher la date à laquelle l'ouvrage était habitable, quand il était soutenu qu'il l'était à la prise de possession des lieux par les exposants, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792-6 du code civil :

32. Selon ce texte, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

33. Il est jugé que, lorsqu'elle est demandée, la réception judiciaire doit être prononcée à la date à laquelle l'ouvrage est en état d'être reçu, c'est-à-dire, pour une maison d'habitation, à la date à laquelle elle est habitable.

34. Pour prononcer la réception judiciaire de l'immeuble à la date du 14 septembre 2011, l'arrêt retient que cette date correspond à l'établissement par l'expert d'une note de synthèse listant l'ensemble des désordres apparents, constituant autant de réserves de la part du maître de l'ouvrage.

35. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, lorsque les acquéreurs avaient pris possession des lieux entre juillet et décembre 2006, l'immeuble était habitable et, par conséquent, en état d'être reçu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

36. Les copropriétaires et le syndicat des copropriétaires font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'assureur dommages-ouvrage à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 264 257,61 euros au titre du coût des travaux correspondant à la réfection des enduits de façades et des sols, outre les frais de maîtrise d'oeuvre, et de rejeter leurs prétentions plus amples ou contraires contre cet assureur, alors « que l'assureur dommages-ouvrage ne peut valablement notifier à son assuré dans le délai qui lui est imparti sa décision sur le principe de sa garantie sans lui avoir préalablement communiqué le rapport préliminaire d'expertise en sa possession ; que, dans leurs conclusions d'appel, les exposants faisaient expressément valoir que "la MAF ne justifie pas avoir communiqué préalablement au syndicat et aux différents copropriétaires les rapports préliminaires dommages-ouvrage en versant au débat les accusés de réception" et demandaient en conséquence l'acquisition de la garantie automatique de " l'assureur dommages-ouvrage [qui] constitue une sanction imposée par le code des assurances en ses articles L. 242-1 et A 243-1 en vertu desquels, il ne peut contester devoir garantie des désordres déclarés" ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

37. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

38. Pour limiter la condamnation de l'assureur dommages-ouvrage à la somme de 264 257,61 euros correspondant au seul coût des travaux de réfection des enduits de façades et des sols, outre les frais de maîtrise d'oeuvre, l'arrêt retient que les autres postes de réclamation se rapportent, soit à des défauts de conformité, soit à des défauts de finition, soit encore à des désordres d'importance mineure, et ne relèvent donc pas de l'assurance dommages-ouvrage.

39. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des copropriétaires et du syndicat des copropriétaires, qui soutenaient que l'assureur dommages-ouvrage ne justifiait pas leur avoir communiqué les rapports préliminaires d'expertise préalablement à ses prises de position sur sa garantie, de sorte que cette dernière leur était acquise, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le quatrième moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

40. Les copropriétaires et le syndicat des copropriétaires font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation in solidum avec la MAF de M. [MZ], des sociétés GL ingénierie, Acte IARD, Avenia, Axa et MMA, alors « que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité ; qu'en décidant que « les copropriétaires ne peuvent pas demander la condamnation des constructeurs in solidum avec la MAF pour ce qui concerne les désordres relevant de la garantie décennale, alors que la MAF est tenue en premier rang en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage indépendamment de toute recherche de responsabilité, la cour d'appel a méconnu les principes de l'obligation in solidum. »

Réponse de la Cour

Vu les principes régissant l'obligation in solidum et le principe de la réparation intégrale du préjudice :

41. Il résulte de ces principes que les différents intervenants à l'acte de construire peuvent être condamnés in solidum à réparer le préjudice du maître de l'ouvrage si, par leurs fautes respectives, ils ont contribué de manière indissociable à la survenance d'un même dommage.

42. Pour rejeter la demande des copropriétaires et du syndicat des copropriétaires de condamnation des constructeurs et de leurs assureurs in solidum avec la MAF pour ce qui concerne les désordres relevant de la garantie décennale, l'arrêt retient que la MAF est tenue en premier rang en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, indépendamment de toute recherche des responsabilités.

43. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la responsabilité des constructeurs à l'égard des copropriétaires et du syndicat des copropriétaires et le prononcé d'une condamnation à l'encontre des premiers, in solidum avec l'assureur dommages-ouvrage, au profit des seconds, la cour d'appel a violé les principes susvisés.

Mise hors de cause

44. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Colas France dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

45. En application du même texte, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause les sociétés Axa France IARD, Thélem assurances, Setec GL ingénierie, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi incident formé par le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Chareins, Mme [VE], M. et Mme [UU], M. [X], M. et Mme [NU], M. [TE], M. et Mme [I], M. [VO], M. et Mme [SJ], M. [H], M. et Mme [L], M. [PU], Mme [A], M. [OZ] [ZE], Mme [SO], M. et Mme [SU], Mme [JO], M. [HE], M. et Mme [S], M. et Mme [C], Mme [SE], Mme [UZ], M. [BK], Mme [EO], M. [KE], M. [D], M. et Mme [Z], M. [GZ], Mme [Y], M. [RU], venant aux droits de la société civile immobilière Vilar, M. [FZ] [JO], venant aux droits d'[V] [JO], en ce qu'il est dirigé contre M. [MZ] ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

- prononce la réception judiciaire des ouvrages au 14 septembre 2011, assortie des réserves correspondant à l'ensemble des désordres apparents listés dans la note de synthèse établie le même jour par l'expert Mme [O] ;
- condamne la Mutuelle des architectes français à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Chareins, en exécution de la police dommages-ouvrage, la somme de 264 257,61 euros TTC au titre du coût des travaux correspondant à la réfection des enduits de façades et des sols, outre les frais de maîtrise d'oeuvre, indexée sur l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction à compter de la date du rapport d'expertise, soit le 17 décembre 2012 ;
- rejette les demandes du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Chareins formées contre la Mutuelle des architectes français, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, au titre des autres désordres ;
- déclare irrecevables les recours subrogatoires exercés par la Mutuelle des architectes français à l'encontre des constructeurs ;
- condamne la Mutuelle des architectes français, in solidum avec son assurée la société civile immobilière Les Chareins, à payer au titre de la garantie des dommages immatériels souscrite dans la police constructeur non-réalisateur, les sommes suivantes au titre de la réparation du préjudice de jouissance : M. et Mme [UU] 1 500 euros, M. [X] 1 500 euros, M. et Mme [NU] 1 500 euros, M. [TE] 1 500 euros, M. et Mme [L] 1 500 euros, M. et Mme [S] 1 500 euros, Mmes [UZ] et [SE] 1 500 euros, M. [C] 3 000 euros, Mme [A] 1 500 euros, M. [VO] 1 500 euros, M. et Mme [JO] 4 500 euros, Mme [VE] 1 500 euros, M. et Mme [SJ] 1 500 euros, M. [OZ] et Mme [SO] 1 500 euros, M. [HE] 1 500 euros, M. et Mme [I] 1 500 euros, M. et Mme [SU] 1 500 euros, M. [PU] 1 500 euros et M. [H] 1 500 euros ;
- rejette les demandes des copropriétaires et du syndicat des copropriétaires formées, au titre des désordres à caractère décennal, à l'encontre des sociétés Setec GL ingénierie, Acte IARD, Avenia, Axa France IARD et MMA IARD ;
- et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

l'arrêt rendu le 5 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Met hors de cause la société Colas France ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause les sociétés Axa France IARD, Thélem assurances, Setec GL ingénierie, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le treize novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300535

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.