vendredi 22 janvier 2021

Le juge civil ne peut rejeter une demande réservée

 Note Priou-Alibert, GP 2021-3, p. 56

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 octobre 2020




Cassation partielle


Mme BATUT, président



Arrêt n° 623 F-D


Pourvois n°
T 19-16.790
E 19-16.916 JONCTION





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020


I - 1°/ M. N... X...,

2°/ Mme G... X...,

3°/ Mme R... X...,

domiciliés tous trois [...],

ont formé le pourvoi n° T 19-16.790 contre un arrêt rendu le 19 mars 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. I... O..., domicilié [...] ,

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.
II - M. I... O..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° E 19-16.916 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. N... X...,

2°/ à Mme G... X...,

3°/ à Mme R... X...,

4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne,

défendeurs à la cassation.

Sur le pourvoi n° E 19-16.916, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi n° T 19-16.790 invoquent, à l'appui de leur recours, le deuxième moyen de cassation annexé au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal n° E 19-16.916 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident n° E 19-16.916 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme X... et de Mme R... X..., de Me Le Prado, avocat de M. O..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° T 19-16.790 et E 19-16.916 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 mars 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 13 novembre 2014, pourvoi n° 13-22.702), Mme R... X..., née le [...] , présente une paralysie du plexus brachial liée à la survenue d'une dystocie des épaules lors de sa naissance. Ses parents, agissant en leur qualité de représentants légaux et en leur nom personnel, ont assigné en responsabilité et indemnisation M. O..., gynécologue obstétricien qui avait réalisé l'accouchement, et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (la caisse) qui a demandé le remboursement de ses débours. Devenue majeure, Mme R... X... a repris l'instance en son nom personnel.

3. La responsabilité pour faute de M. O... a été retenue en l'absence de réalisation des manoeuvres obstétricales préconisées en cas de dystocie des épaules.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal n° E 19-16.916, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi incident n° E 19-16. 916

5. La caisse fait grief à l'arrêt de se borner à lui déclarer l'arrêt commun sans statuer sur les demandes d'indemnisation qu'elle avait formulées devant la cour d'appel de Toulouse dont l'arrêt a été cassé, alors « que, si même une partie décide de ne pas comparaître, elle demeure partie à la procédure devant la juridiction de renvoi dès lors qu'elle a formulé des demandes devant la juridiction dont la décision a été cassée ; qu'en l'espèce, la caisse avait formulé des demandes devant la cour d'appel de Toulouse dont la décision a été cassée ; qu'en traitant cette dernière comme un intervenant forcé, en vue d'une déclaration d'arrêt commun, quand elle devait être considérée comme une partie à raison des demandes formulées devant la cour d'appel de Toulouse, les juges du fond ont violé, par fausse application, l'article 331 du code de procédure civile et par refus d'application, les articles 4 et 634 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 634 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, la partie qui ne comparaît pas devant la juridiction de renvoi après cassation est réputée s'en tenir aux moyens et prétentions, qu'elle avait soumis à la juridiction dont la décision a été cassée.

7. Pour déclarer l'arrêt commun à la caisse sans statuer sur ses demandes d'indemnisation soumises à la juridiction dont l'arrêt a été cassé, la cour d'appel a relevé que, mise en cause, la caisse n'a pas constitué avocat et a indiqué, par lettre transmise au greffe, qu'elle n'entendait pas intervenir.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle demeurait saisie des demandes formées par la caisse devant la juridiction dont l'arrêt avait été cassé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen du pourvoi n° T 19-16.790

Enoncé du moyen

9. M. et Mme X... et Mme R... X... font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de celle-ci au titre des dépenses de santé futures et des pertes de gains professionnels futurs, alors « que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, Mme R... X... demandait à la cour d'appel de « réserver » les postes de préjudice des dépenses de santé futures et des pertes de gains professionnels futurs ; qu'en rejetant les demandes de Mme R... X... des chefs de dépenses de santé futures et de pertes de gains professionnels futurs, tranchant le litige au fond sur l'existence de chefs de préjudice dont l'indemnisation n'était pourtant pas réclamée par la victime, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

11. Pour rejeter les demandes de Mme R... X... au titre des dépenses de santé futures et des pertes de gains professionnels futurs, tout en constatant qu'elle avait réservé ces postes de préjudice, l'arrêt retient qu'aucune demande chiffrée n'a été expressément formulée.

12. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, Mme R... X... ne demandait pas l'indemnisation de ces postes de préjudices, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les premier, troisième et quatrième moyens du pourvoi n° T 19-16.790 auxquels les consorts X... ont déclaré renoncer, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal n° E 19-16.916 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de Mme R... X... des chefs des dépenses de santé futures et de pertes de gains professionnels futurs, et dit l'arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, l'arrêt rendu le 19 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne M. O... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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