vendredi 5 novembre 2021

Mesure d'instruction sur requête et principe de contradiction

 Note L. Lauvergnat, GP 2021, n° 38, p. 55.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 juin 2021




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 577 F-P

Pourvoi n° S 20-13.803




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUIN 2021

La Société de gestion de garanties et de participations, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], agissant en la personne de son liquidateur amiable, la société Consortium de réalisation, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 20-13.803 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [A] [E],

2°/ à Mme [S] [H], épouse [E],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

3°/ à la société Financière et foncière des victoires, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société Maunoury Invest 2012, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],

5°/ à M. [Y] [L], domicilié [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société de gestion de garanties et de participations, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [E], de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Maunoury Invest 2012 et de M. [L], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 décembre 2019), la Société de gestion des garanties et de participations (la SGGP), soupçonnant un comportement frauduleux de la part de M. [E] et de Mme [H], son épouse (M. et Mme [E]) afin d'organiser leur insolvabilité, a saisi le président d'un tribunal de grande instance d'une requête tendant à voir désigner un huissier de justice, assisté d'un technicien informatique, avec pour mission d'exécuter un mesure d'investigation.

2. Par ordonnance du 28 juillet 2017, le juge a accueilli cette demande.

3. M et Mme [E], la société Financière et foncière des victoires et M. [L], gérant de la SCI Maunoury Invest 2012, intervenant volontaire, ont sollicité la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

4. La SGGP fait grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance en date du 28 juillet 2017, de dire n'y avoir lieu à ordonner la mesure d'investigation qu'elle sollicitait et de rejeter toute autre demande de sa part, alors :

« 1°/ que la nécessité de ménager un effet de surprise et d'éviter la dissimulation ou la destruction d'éléments de preuve constitue un motif justifiant qu'une mesure d'instruction soit ordonnée de manière non-contradictoire ; qu'en l'espèce, pour infirmer l'ordonnance de référé du 22 février 2019 et rétracter l'ordonnance rendue le 28 juillet 2017 par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris sur requête de la SGGP, autorisant un huissier à procéder à un constat informatique au domicile des époux [E] ainsi qu'aux sièges sociaux de la société Financière et foncière des victoires, dont M. [E] est le gérant, et de la SCI Maunoury Invest 2012, dont M. [L] est le gérant, la cour d'appel a retenu que la SGGP exposait dans sa requête envisager d'agir en justice à l'encontre des époux [E] en résolution du protocole d'accord conclu le 7 avril 2009, ainsi qu'à l'encontre de ceux-ci et de certaines personnes morales et physiques dans le cadre d'une action paulienne sur le fondement de l'ancien article 1167 du code civil et du principe « fraus omnia corrumpit », qu'elle décrivait des montages financiers destinés, selon elle, à dissimuler les actifs des époux [E] et des opérations démontrant une confusion des patrimoines de la société Financière et foncière des victoires et des époux [E], et expliquait qu'il était nécessaire qu'elle obtienne des informations sur les liens existant entre la SCI Saint Denis Basilique, le bien immobilier de [Adresse 6] et les membres de la famille [E], les mouvements sur les comptes bancaires de la FFDV, les liens entre la FFDV et diverses sociétés en participation ; que la cour d'appel a estimé que les « considérations d'ordre général » évoquées en page 31 de la requête sur la possible disparition des preuves détenues sur des supports informatiques ne répondaient pas « à l'exigence de caractérisation, in concreto, des circonstances particulières au cas d'espèce, justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction », et que le juge ayant autorisé les investigations n'avait pas relevé de circonstances particulières justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, pour en déduire l'absence de circonstances précises imposant à la SGGP de solliciter une mesure d'instruction in futurum sans appeler les parties adverses en la cause ; qu'en statuant de la sorte, quand la requête déposée par la SGGP, qui visait formellement le risque de dépérissement des preuves et la nécessité de ménager un effet de surprise, était motivée par renvoi à des faits dont il était soutenu qu'ils caractérisaient une fraude paulienne et l'organisation par les époux [E] de leur insolvabilité, ce qui justifiait le recours à une procédure non contradictoire, la cour d'appel a violé les articles 145, 493 et 812 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que pour infirmer l'ordonnance de référé du 22 février 2019 et rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 28 juillet 2017 par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris, la cour d'appel a également retenu que les informations que la SGGP estimait nécessaires à une action future, listées en page 24 de sa requête, à savoir les participations et liens capitalistiques de la société FFDV, le patrimoine et les opérations immobilières, ainsi que mobilières (achat d'un bateau) réalisées par les [E] et la société Financière et foncière des victoires, les divers lieux de résidence et les relations d'affaires de M. [E] pouvaient être recueillies ? et l'avaient au demeurant déjà été pour certaines d'entre elles ? auprès de sources légales, telles que les greffes des tribunaux de commerce, y compris à l'étranger, les rapports des commissaires aux comptes, les procès-verbaux des assemblées générales des sociétés possédant des actifs immobiliers, les services de la publicité foncière ; qu'en statuant de la sorte, quand le succès des actions qu'envisageait d'engager la SGPP contre les défendeurs supposait que soit rapportée la preuve de l'existence de conventions de prête-nom, de mouvements bancaires entre les époux [E] et les autres participants à la fraude alléguée, ainsi que la confusion des patrimoines des époux [E] avec les sociétés et intervenants en cause, et enfin, s'agissant de l'action paulienne envisagée par la SGGP, de l'intention frauduleuse ayant animé les époux [E], éléments qui ne pouvaient résulter de la seule consultation des documents énumérés par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a méconnu l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles 493 et 812 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 145 et 493 du code de procédure civile :

5. Selon le premier de ces textes, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Aux termes du second, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

6. Pour infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 22 février 2019, l'arrêt retient que faute de circonstances précises imposant à la société SGGP, qui pouvait ou avait déjà recueilli certains documents relatifs aux liens capitalistiques de la société Financière et foncière des victoires, au patrimoine et aux opérations immobilières et mobilières réalisées par les époux [E] et à leurs relations d'affaire auprès de sources légales, telles que les greffes des tribunaux de commerce, les rapports des commissaires aux comptes, les procès-verbaux des assemblées générales des sociétés possédant des actifs immobiliers et les services de la publicité foncière, de solliciter une mesure d'instruction in futurum sans appeler les parties adverses en la cause, l'ordonnance sur requête rendue le 28 juillet 2017 devait être rétractée.

7. En statuant ainsi, alors que la société SGGP avait exposé de façon détaillée dans sa requête un contexte laissant craindre une intention frauduleuse de la part M. et Mme [E] afin d'organiser leur insolvabilité en fraude aux droits de leurs créancier, qui ne pouvait ressortir des seuls éléments déjà recueillis auprès de sources légales, et que le risque de dissimulation des preuves recherchées et la nécessité de ménager un effet de surprise étaient motivés par référence à ce contexte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [E], Mme [H], épouse [E], la société Financière et foncière des victoires, la SCI Maunoury Invest 2012 et M. [Y] [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [E], Mme [H], épouse [E], la SCI Maunoury Invest 2012 et M. [Y] [L] et les condamne in solidum à payer à la Société de gestion de garanties et de participations la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société de gestion de garanties et de participations

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rétracté l'ordonnance rendue par le juge des requêtes en date du 28 juillet 2017, D'AVOIR dit n'y avoir lieu à ordonner la mesure d'investigation sollicitée par la société SGGP, et D'AVOIR rejeté toute autre demande de la SGGP ;

AUX MOTIFS QUE « La cour constate que la SCI Maunoury Invest 2012 n'est pas partie en la cause pour n'avoir pas été assignée par la société SGGP puis n'être pas intervenue volontairement à l'instance devant le premier juge comme devant la cour, seul M. [Y] [L], au demeurant gérant de la SCI Maunoury, ayant été déclaré recevable par le premier juge en son intervention volontaire. Aux termes des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Lorsqu'il agit sur requête, le demandeur à la mesure d'instruction doit, en application des articles 812 et 493 du code de procédure civile, démontrer les éléments caractérisant des circonstances justifiant la dérogation au principe de la contradiction. Cette démonstration doit être faite dans la requête qui ne peut se borner à invoquer un risque de dépérissement des preuves et à reprendre les termes de l'article 493 précité sans décrire les éléments propres au cas d'espèce caractérisant de telles circonstances. En l'espèce, la cour relève qu'aux termes de sa requête présentée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la Société de gestion de garanties et de participations : - expose qu'elle envisage d'agir en justice à l'encontre des époux [E] en résolution du protocole d'accord transactionnel pour violation de ses articles 1, 3 et 6 ainsi qu'à l'encontre de ceux-ci et de certaines personnes morales et physiques dans le cadre d'une action paulienne sur le fondement de l'ancien article 1167 du code civil et du principe "Fraus omnia corrumpit" ; - décrit des montages financiers destinés, selon elle, à dissimuler les actifs des époux [E] et des opérations démontrant une confusion des patrimoines de la FFDV et des époux [E] ; - explique que les éléments de preuve dont elle dispose ne sont pas suffisants pour engager une action en justice et qu'il est nécessaire qu'elle puisse obtenir des informations sur les liens existants entre la SCI Saint Denis Basilique, le bien immobilier de [Adresse 6] et les membres de la famille [N], les mouvements sur les comptes bancaires de la FFDV, les liens entre la FFDV et diverses sociétés en participation. En conclusion de la partie de la requête intitulée "Sur les preuves complémentaires nécessaires à l'introduction de l'action au fond", la SGGP énonce que : "Les circonstances et la conservation de la preuve exige, bien entendu, qu'une décision non contradictoire soit rendue à l'encontre de Monsieur [U] [E] et de Mme [S] [V] épouse [E], Madame [T] [E], Monsieur [G] [X], SARL Financière et Foncière des Victoires, SCI Saint Denis Basilique et SCI Maunourv Invest 2012; en effet, une procédure contradictoire permettrait à ces derniers d'effacer (ou d'ordonner que soient effacés) de ses ordinateurs tous fichiers/documents utiles. Dès lors, Madame ou Monsieur le Président du Tribunal de grande instance ne pourra que constater que la société SGGP a un motif légitime d'établir, avant tout procès, les preuves précitées." (page 31 de la requête, mis en gras et souligné dans la requête). Ces considérations d'ordre général sur la possible disparition de preuves détenues sur des supports informatiques ne répondent pas à l'exigence de caractérisation, in concreto, des circonstances particulières au cas d'espèce, justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction. Le fait que le jour du constat d'huissier ayant débuté à 8 heures, M. [E] a transféré un fichier intitulé "AD-Perso" dans la corbeille de son ordinateur peu avant 9 heures, ne peut justifier, a posteriori, l'utilisation d'une mesure d'instruction non contradictoire, ce d'autant moins qu'une telle manoeuvre ne permet pas d'effacer définitivement les éléments contenus dans ce fichier, lesquels subsistent dans la mémoire du disque dur de l'ordinateur. Par ailleurs, les informations que la SGGP estime nécessaires à une action future, listées page 24 de la requête, à savoir les participations et liens capitalistiques de la société FFDV, le patrimoine et les opérations immobilières ainsi que mobilières (achat d'un bateau) réalisées par les époux [E] et la FFDV, les divers lieux de résidence et les relations d'affaires de M. [E] peuvent être recueillies -et l'ont au demeurant déjà été pour certaines d'entre elles- auprès de sources légales tels que les greffes des tribunaux de commerce, y compris à l'étranger, les rapports des commissaires aux comptes, les procès-verbaux des assemblées générales des sociétés possédant des actifs immobiliers, les services de la publicité foncière. En dernier lieu, force est de constater que le juge ayant rendu l'ordonnance autorisant les investigations par huissier de justice n'a pas relevé les circonstances particulières justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire. Dans ces conditions, en l'absence de circonstances précises imposant à la SGGP de solliciter une mesure d'instruction in futurum sans appeler les parties adverses en la cause, l'ordonnance sur requête rendue le 28 juillet 2017 doit être rétractée. Par conséquent, sans qu'il soit utile de statuer sur la demande de rectification d'erreur matérielle et sur la demande de sursis, l'ordonnance de référé-rétractation dont appel est infirmée. Compte tenu du sens de la présence décision, les dépens de l'entière instance doivent être mis à la charge de la SGGP. Il serait inéquitable de laisser totalement à la charge des époux [E] et de la société FFV les frais irrépétibles engagés pour la présente procédure. Il leur sera accordé des indemnités telles que fixées dans le dispositif sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile » ;


1°) ALORS QUE la nécessité de ménager un effet de surprise et d'éviter la dissimulation ou la destruction d'éléments de preuve constitue un motif justifiant qu'une mesure d'instruction soit ordonnée de manière non-contradictoire ; qu'en l'espèce, pour infirmer l'ordonnance de référé du 22 février 2019 et rétracter l'ordonnance rendue le 28 juillet 2017 par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris sur requête de la SGGP, autorisant un huissier à procéder à un constat informatique au domicile des époux [E] ainsi qu'aux sièges sociaux de la société Financière et Foncière des Victoires, dont M. [E] est le gérant, et de la SCI Maunoury Invest 2012, dont M. [L] est le gérant, la cour d'appel a retenu que la SGGP exposait dans sa requête envisager d'agir en justice à l'encontre des époux [E] en résolution du protocole d'accord conclu le 7 avril 2009, ainsi qu'à l'encontre de ceux-ci et de certaines personnes morales et physiques dans le cadre d'une action paulienne sur le fondement de l'ancien article 1167 du code civil et du principe « fraus omnia corrumpit », qu'elle décrivait des montages financiers destinés, selon elle, à dissimuler les actifs des époux [E] et des opérations démontrant une confusion des patrimoines de la société Financière et Foncière des Victoires et des époux [E], et expliquait qu'il était nécessaire qu'elle obtienne des informations sur les liens existant entre la SCI Saint Denis Basilique, le bien immobilier de [Adresse 6] et les membres de la famille [E], les mouvements sur les comptes bancaires de la FFDV, les liens entre la FFDV et diverses sociétés en participation ; que la cour d'appel a estimé que les « considérations d'ordre général » évoquées en page 31 de la requête sur la possible disparition des preuves détenues sur des supports informatiques ne répondaient pas « à l'exigence de caractérisation, in concreto, des circonstances particulières au cas d'espèce, justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction », et que le juge ayant autorisé les investigations n'avait pas relevé de circonstances particulières justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, pour en déduire l'absence de circonstances précises imposant à la SGGP de solliciter une mesure d'instruction in futurum sans appeler les parties adverses en la cause ; qu'en statuant de la sorte, quand la requête déposée par la SGGP, qui visait formellement le risque de dépérissement des preuves et la nécessité de ménager un effet de surprise, était motivée par renvoi à des faits dont il était soutenu qu'ils caractérisaient une fraude paulienne et l'organisation par les époux [E] de leur insolvabilité, ce qui justifiait le recours à une procédure non contradictoire, la cour d'appel a violé les articles 145, 493 et 812 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°) ALORS, EN OUTRE, QUE la nécessité de ménager un effet de surprise et d'éviter la dissimulation ou la destruction d'éléments de preuve constitue un motif justifiant qu'une mesure d'instruction soit ordonnée de manière non-contradictoire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le fait que le jour du constat informatique ayant débuté à 8 heures, M. [E] avait transféré un fichier intitulé « AD-Perso » dans la corbeille de son ordinateur peu avant 9 heures, ne pouvait justifier a posteriori l'utilisation d'une telle mesure d'instruction non contradictoire, ce d'autant moins qu'une telle manoeuvre ne permettait pas d'effacer définitivement les éléments contenus dans ce fichier, lesquels subsistaient dans la mémoire du disque dur de l'ordinateur ; qu'en statuant de la sorte, quand la circonstance que M. [E], le jour où le constat informatique a été effectué à son domicile, ait essayé d'effacer de son ordinateur des fichiers, était de nature à accréditer le risque de déperdition des preuves recherchées par la SGGP et à justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, peu important que cette tentative ait été vaine, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles 493 et 812 du même code ;

3°) ALORS QUE pour infirmer l'ordonnance de référé du 22 février 2019 et rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 28 juillet 2017 par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris, la cour d'appel a également retenu que les informations que la SGGP estimait nécessaires à une action future, listées en page 24 de sa requête, à savoir les participations et liens capitalistiques de la société FFDV, le patrimoine et les opérations immobilières, ainsi que mobilières (achat d'un bateau) réalisées par les [E] et la société Financière et Foncière des Victoires, les divers lieux de résidence et les relations d'affaires de M. [E] pouvaient être recueillies ? et l'avaient au demeurant déjà été pour certaines d'entre elles ? auprès de sources légales, telles que les greffes des tribunaux de commerce, y compris à l'étranger, les rapports des commissaires aux comptes, les procès-verbaux des assemblées générales des sociétés possédant des actifs immobiliers, les services de la publicité foncière (arrêt, p. 9-10) ; qu'en statuant de la sorte, quand le succès des actions qu'envisageait d'engager la SGPP contre les défendeurs supposait que soit rapportée la preuve de l'existence de conventions de prête-nom, de mouvements bancaires entre les époux [E] et les autres participants à la fraude alléguée, ainsi que la confusion des patrimoines des époux [E] avec les sociétés et intervenants en cause, et enfin, s'agissant de l'action paulienne envisagée par la SGGP, de l'intention frauduleuse ayant animé les époux [E], éléments qui ne pouvaient résulter de la seule consultation des documents énumérés par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a méconnu l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles 493 et 812 du même code ;

4°) ALORS QU' en retenant, pour rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 28 juillet 2017 par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris, que les informations que la SGGP estimait nécessaires à une action future, listées en page 24 de sa requête, pouvaient être recueillies ? et l'avaient au demeurant déjà été pour certaines d'entre elles ? auprès de sources légales, en particulier « les rapports des commissaires aux comptes, les procès-verbaux des assemblées générales des sociétés possédant des actifs immobiliers », sans expliquer autrement qu'en l'affirmant comment la SGGP aurait pu avoir accès à ces documents qui ne sont par principe pas accessibles aux tiers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 145 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2021:C200577

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