samedi 20 septembre 2014

Manquement contractuel et responsabilité délictuelle (CE)

Voir note Clamour, AJDA 2014, p. 1725.

Conseil d'État

N° 360904
ECLI:FR:CESSR:2014:360904.20140331
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Charles Touboul, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE, avocats


lecture du lundi 31 mars 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


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Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 3 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Union syndicale du Charvet et l'Union syndicale des Villards dont les sièges sont cabinet Gacon Immobilier Urbania Tarentaise, 35 avenue du Centenaire à Bourg-Saint-Maurice Cedex (73704) ; les requérantes demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10LY02174 du 3 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur appel contre le jugement n° 0503082 du 29 juin 2010 du tribunal administratif de Grenoble rejetant leur demande tendant à la condamnation de la commune de Bourg-Saint-Maurice à leur verser les sommes de 856 857,51 euros et de 1 043 078,51 euros en remboursement des dépenses qu'elles ont exposées pour l'entretien de dépendances devant revenir au domaine public communal ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bourg-Saint-Maurice une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles Touboul, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l'Union syndicale du Charvet et de l'Union syndicale des Villards et à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la commune de Bourg-Saint-Maurice ;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux conventions signées le 9 octobre 1974, la commune de Bourg-Saint-Maurice a confié l'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) du " village des Villards " et de celle du " village du Charvet " à la Société la Foncière de l'Arc, devenue la Société des Montagnes de l'Arc ; qu'aux termes de l'article 8 de ces conventions, l'aménageur s'engageait à financer et réaliser, notamment, les voies et réseaux nécessaires à la desserte des constructions ou à l'usage privatif des habitants ; que l'annexe VII à ces conventions décrit les équipements prévus à l'article 8 qui seront remis à la commune ; qu'aux termes de cette annexe il s'agit " des réseaux secondaires " ainsi que " des réseaux tertiaires qui doivent être remis à la commune après achèvement du noyau d'urbanisation ", la définition devant en être précisée " après concertation " entre la commune et l'aménageur ; que, par une délibération du 13 mai 1997, le conseil municipal de Bourg-Saint-Maurice a constaté l'achèvement des deux ZAC sans qu'aucun transfert de voirie secondaire ou tertiaire n'ait été prononcé ; que l'Union syndicale du Charvet et l'Union syndicale des Villards ont demandé que les sommes correspondant aux frais qu'elles auraient exposés depuis l'achèvement des ZAC pour l'entretien de cheminements leur soient remboursées par la commune de Bourg Saint-Maurice ; que, par un jugement du 29 juin 2010, le tribunal administratif de Grenoble a refusé de faire droit à cette demande ; que les unions syndicales se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 3 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur appel contre ce jugement ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Considérant qu'il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qui lui paraît infondé au vu de l'argumentation présentée par le requérant au soutien de ses prétentions ; qu'en statuant ainsi, le juge ne relève pas d'office un moyen qu'il serait tenu de communiquer aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; qu'en l'espèce, la cour a pu, sans entacher son arrêt d'irrégularité, écarter l'argumentation des unions requérantes fondée sur la méconnaissance des stipulations précitées en se fondant sur l'impossibilité pour les tiers de se prévaloir des stipulations d'un contrat administratif, hormis ses clauses réglementaires, alors même que ce motif de rejet n'était pas invoqué en défense par la commune de Bourg-Saint-Maurice et qu'il n'avait pas non plus été préalablement communiqué aux parties ;

Sur le bien fondé de l'arrêt attaqué :

3. Considérant que les clauses invoquées devant les juges du fond par les unions requérantes, qui ne sont pas relatives à l'organisation ou au fonctionnement d'un service public, portent exclusivement sur les relations entre la commune de Bourg Saint Maurice et la société la Foncière de l'Arc, devenue la Société des Montagnes de l'Arc, à laquelle cette commune a concédé l'aménagement de la zone d'aménagement concerté ; que si certaines de ces clauses peuvent indirectement avoir des effets pour les tiers à l'expiration de la convention d'aménagement, cette circonstance ne saurait à elle seule permettre de les regarder comme réglementaires ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de qualification juridique en jugeant que les clauses invoquées par les unions requérantes n'avaient pas un tel caractère ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Union syndicale du Charvet et l'Union syndicale des Villards ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent ; que leur pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces unions la somme de 1500 euros chacune à verser à la commune de Bourg-Saint-Maurice au titre des mêmes dispositions ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'Union syndicale du Charvet et de l'Union syndicale des Villards est rejeté.

Article 2 : L'Union syndicale du Charvet et l'Union syndicale des Villards verseront la somme de 1 500 euros chacune à la commune de Bourg-Saint-Maurice au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union syndicale du Charvet, à l'Union syndicale des Villards et à la commune de Bourg-Saint-Maurice.



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Analyse LEGIFRANCE :

Abstrats : 39-08 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. - IMPOSSIBILITÉ POUR UN TIERS À UN CONTRAT ADMINISTRATIF DE SE PRÉVALOIR DES CLAUSES DE CE CONTRAT DANS UNE ACTION EN RESPONSABILITÉ QUASI-DÉLICTUELLE - 1) PORTÉE DU PRINCIPE - LIMITE - CLAUSE RÉGLEMENTAIRE [RJ1] - 2) CARACTÈRE RÉGLEMENTAIRE DE CLAUSES D'UNE CONCESSION D'AMÉNAGEMENT RELATIVES À LA REMISE À LA COMMUNE D'ÉLÉMENTS DE VOIRIE RÉALISÉS PAR L'AMÉNAGEUR - ABSENCE.
54-07-01-04-02 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. QUESTIONS GÉNÉRALES. MOYENS. MOYENS IRRECEVABLES. - IMPOSSIBILITÉ POUR UN TIERS À UN CONTRAT ADMINISTRATIF DE SE PRÉVALOIR DES CLAUSES DE CE CONTRAT DANS UNE ACTION EN RESPONSABILITÉ QUASI-DÉLICTUELLE - 1) PORTÉE DU PRINCIPE - LIMITE - CLAUSE RÉGLEMENTAIRE [RJ1] - 2) CARACTÈRE RÉGLEMENTAIRE DE CLAUSES D'UNE CONCESSION D'AMÉNAGEMENT RELATIVES À LA REMISE À LA COMMUNE D'ÉLÉMENTS DE VOIRIE RÉALISÉS PAR L'AMÉNAGEUR - ABSENCE.

Résumé : 39-08 1) Les tiers à un contrat administratif ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l'exception de ses clauses réglementaires.,,,2) Les clauses d'une concession d'aménagement prévoyant la remise à la commune d'éléments de voirie réalisés par l'aménageur, qui ne sont pas relatives à l'organisation ou au fonctionnement d'un service public, portent exclusivement sur les relations entre la commune et son concessionnaire. Si certaines de ces clauses peuvent indirectement avoir des effets pour les tiers à l'expiration de la convention d'aménagement, cette circonstance ne saurait à elle seule permettre de les regarder comme réglementaires.
54-07-01-04-02 1) Les tiers à un contrat administratif ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l'exception de ses clauses réglementaires.,,,2) Les clauses d'une concession d'aménagement prévoyant la remise à la commune d'éléments de voirie réalisés par l'aménageur, qui ne sont pas relatives à l'organisation ou au fonctionnement d'un service public, portent exclusivement sur les relations entre la commune et son concessionnaire. Si certaines de ces clauses peuvent indirectement avoir des effets pour les tiers à l'expiration de la convention d'aménagement, cette circonstance ne saurait à elle seule permettre de les regarder comme réglementaires.



[RJ1] Cf. CE, Section, 11 juillet 2011, Mme Gilles, p. 331.


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