lundi 22 septembre 2014

Notaire : préjudice réparable : réduction du prix de vente (non)

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 21 mai 2014
N° de pourvoi: 12-21.890
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Terrier (président), président
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Odent et Poulet, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 avril 2012), que M. Henri X...avait été autorisé à exploiter une activité de traitement et de stockage de ferrailles industrielles et de métaux divers sur des parcelles dont il était propriétaire ; que par acte authentique du 4 août 2000, établi par M. Julien Y..., notaire associé de la société civile professionnelle (la SCP) Julien Y... avec la participation de Mme Z..., notaire, Mme A..., veuve X..., et les autres héritiers d'Henri X...(les consorts X...) ont vendu un bâtiment et un terrain ayant appartenu au défunt à la société civile immobilière Saint-Martin (la société Saint-Martin) ; qu'aux termes de ce même acte, l'acquéreur a souscrit auprès de la société Caisse de Crédit mutuel Hoenheim centre (le Crédit mutuel) un prêt ayant pour objet le financement de l'opération d'acquisition ; que par actes notariés des 22 juin 2001 et 28 janvier 2003, les consorts X...et la société Saint-Martin ont cédé à la société civile immobilière Futuriste des parcelles de terrain ayant appartenu à M. Henri X...; que cette dernière et la société ADTS, locataire des parcelles susvisées, ont assigné les consorts X..., les notaires intervenus aux actes de vente et leur assureur ainsi que la société Saint-Martin pour obtenir à titre principal la nullité des ventes d'immeubles et subsidiairement la réduction du prix ; que la société Saint-Martin a sollicité la résolution de la vente consentie à son profit ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que les consorts X...font grief à l'arrêt de les condamner à restituer le prix de vente à la société Saint-Martin avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2000, date de la vente et de limiter à 50 % la garantie due par la société Z...et par la SCP Julien Y... aux consorts X...sur le montant de ces intérêts et sur les frais de notaire, alors, selon le moyen :

1°/ que les restitutions consécutives à une résolution ne relèvent pas de la répétition de l'indu ; que dès lors en se fondant sur l'article 1378 du code civil pour condamner les consorts X...à restituer à la société Saint-Martin le prix de vente de 177 709 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2000, date de la vente résolue, et jusqu'au complet remboursement du prix, la cour d'appel a violé ce texte ;
2°/ que le seul manquement à une obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser la mauvaise foi du vendeur, même professionnel, s'il n'est pas établi qu'il avait effectivement connaissance de cette obligation d'information et qu'il s'y est volontairement soustrait ; qu'en l'espèce, pour considérer que Mme A..., veuve X..., avait été de mauvaise foi en n'informant pas la société Saint-Martin des inconvénients liés à la cession de terrains sur lesquels avait été exploitée une installation soumise à autorisation, la cour d'appel, qui s'est bornée à énoncer qu'elle avait exploité le site pendant treize mois à la suite du décès de son époux, de sorte qu'elle était une professionnelle ne pouvant prétendre avoir ignoré les contraintes liées à l'exploitation du site, sans constater qu'elle avait effectivement eu connaissance de l'obligation d'information pesant sur elle en application de l'article L. 514-20 du code de l'environnement et qu'elle s'y était volontairement soustraite, et qui a présumé sa mauvaise foi, a violé l'article 1378 du code civil, ensemble l'article 2274 du même code ;
3°/ que seul le professionnel exploitant, au sens de l'article L. 514-20 du code de l'environnement, est supposé connaître les contraintes environnementales afférentes à une installation classée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a elle-même constaté que l'acte de vente mentionnait M. André X...sans aucune profession et qu'il n'était justifié d'aucun revenu, ne pouvait affirmer ni qu'il avait exploité l'installation classée au prétexte qu'un ancien maire et un ancien employé communal attestaient qu'il avait « géré l'activité » ni qu'il ne pouvait s'être limité à la manutention, compte tenu de son âge, de l'âge de ses parents, nés en 1918, ni affirmer qu'il ne pouvait en conséquence ignorer l'arrêté préfectoral du 27 décembre 1982 et les contraintes pesant sur le site ; qu'en l'état de ces motifs inopérants, et insuffisants à établir que M. André X...avait été professionnellement l'exploitant du site classé et qu'il en avait nécessairement connu les contraintes et sans constater qu'il avait effectivement eu connaissance de l'obligation d'information prévue par l'article L. 514-20 du code de l'environnement et qu'il s'y était volontairement soustrait, la cour d'appel, qui, en cet état, a présumé sa mauvaise foi, n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1378 et 2274 du code civil ;

4°/ que ne caractérise pas la mauvaise foi d'un vendeur n'ayant pas respecté une obligation précontractuelle d'information, le seul fait que ses co-vendeurs auraient dû être au courant de l'existence de cette obligation d'information ; que dès lors, en se bornant à relever, pour considérer que Mmes Catherine et Suzy X...et MM. Jean, Jean-Paul et David X..., qui n'avaient pourtant jamais participé à l'exploitation litigieuse, avaient été de mauvaise foi en n'informant pas la société Saint-Martin des inconvénients liés à cette exploitation, qu'ils ne pouvaient être considérés comme profanes dans la mesure où ils ne pouvaient ignorer l'activité de leur mère et de leur oncle, circonstance pourtant impropre à caractériser leur connaissance personnelle des contraintes liées à la cession du terrain sur lequel était exploitée cette activité, la cour d'appel, qui a présumé leur mauvaise foi, a violé l'article 1378 du code civil, ensemble l'article 2274 du même code ;
Mais attendu, d'une part, que les consorts X...n'ayant pas contesté devant la cour d'appel l'application au litige de l'article 1378 du code civil, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis, que tant Mme veuve X..., que son fils André X...ne pouvaient pas ignorer les contraintes pesant sur l'exploitation notamment au moment de la cession des terrains d'assiette et que les autres héritiers d'Henri X...connaissaient l'activité de cette exploitation, la cour d'appel a pu en déduire que la mauvaise foi des vendeurs était établie ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour accueillir la demande en paiement de la société Saint-Martin au titre des dépenses de conservation et d'amélioration du bien vendu, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'au vu des justificatifs et pièces produits aux débats, ces dépenses s'établissent à la somme demandée ;
Qu'en statuant ainsi, sans analyser, même de façon sommaire, les éléments de preuve produits sur lesquels elle fondait sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 555 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer recevable l'intervention en cause d'appel du Crédit mutuel, l'arrêt retient que la décision de première instance qui avait prononcé la résolution de la vente du 4 août 2000 entre les consorts X...et la société Saint-Martin, du bien immobilier acquis grâce au prêt immobilier souscrit par cette dernière auprès du Crédit mutuel, constituait une évolution du litige au sens de l'article 555 du code de procédure civile ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société Saint-Martin ayant sollicité en première instance la résolution de l'acte de vente et pouvant alors assigner la banque qui avait consenti le prêt destiné à financer l'achat du bien et envers laquelle elle disposait d'un droit à agir autonome, le prononcé de la résolution de la vente par le tribunal ne constituait pas une évolution du litige rendant recevable son intervention forcée en cause d'appel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée du chef des dispositions de l'arrêt relatives à la recevabilité de l'intervention forcée en cause d'appel du Crédit mutuel entraîne par voie de dépendance nécessaire, la cassation des dispositions prononçant la nullité du contrat de prêt souscrit par la société Saint-Martin auprès du Crédit mutuel et condamnant, in solidum avec les consorts X..., les notaires et les Mutuelles du Mans à payer au Crédit mutuel centre une certaine somme à titre de dommages-intérêts ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner in solidum les notaires et les Mutuelles du Mans à garantir les consorts X...de leur condamnation à payer une certaine somme à la société Futuriste au titre de la réduction du prix de vente, l'arrêt relève que les notaires ont manqué à leur obligation de conseil envers les vendeurs et ont ainsi engagé leur responsabilité envers eux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la restitution à laquelle le vendeur est condamné à la suite de la réduction du prix de vente, ne constituant pas par elle-même un préjudice réparable, celui-ci ne peut demander la garantie du notaire qui a manqué à son devoir d'information envers lui, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen du moyen incident :
Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour condamner in solidum les notaires et les Mutuelles du Mans à garantir, à hauteur de 50 %, les consorts X...de leur condamnation à payer une certaine somme à la société Saint-Martin au titre des frais de notaire et des intérêts au taux légal sur le prix de vente à restituer, l'arrêt relève que les notaires ont manqué à leur obligation de conseil envers les vendeurs et engagé leur responsabilité envers eux ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la restitution totale du prix, des intérêts et des frais de vente indus, consécutive à une résolution de la vente, ne vise qu'à replacer les parties dans l'état où elles étaient avant la vente et n'ont pas un caractère indemnitaire, de sorte que le vendeur tenu à cette restitution ne peut demander la garantie du notaire qui a manqué à son devoir d'information envers lui, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le quatrième moyen du pourvoi principal et le quatrième moyen du pourvoi incident qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- condamne les consorts X...à payer à la société Saint-Martin la somme de 50 118 euros au titre des dépenses de conservation et d'amélioration du bien, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2009,- déclare recevable l'intervention en cause d'appel de la caisse du Crédit mutuel Hoenheim Centre,
- condamne les consorts X...in solidum avec la société Z..., la société Julien Y... et les Mutuelles du Mans à payer à la Caisse du Crédit mutuel Hoenheim Centre la somme de 51 898, 43 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal et celle de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamne in solidum la société Z..., la société Julien Y... et les Mutuelles du Mans à garantir intégralement les consorts X...de leur condamnation à payer la somme de 500 euros à la société Futuriste au titre de la réduction du prix de vente à garantir, et à garantir à hauteur de 50 % les consorts X...de leur condamnation à payer à la société Saint-Martin les frais de notaire et les intérêts au taux légal sur le montant du prix de vente à compter du 4 août 2000, l'arrêt rendu le 5 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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