mardi 17 décembre 2019

L'exigence de dépendance en matière de violence économique

Note Tap, RLDC 2019-12, p. 10

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 9 juillet 2019
N° de pourvoi: 18-12.680
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Alain Bénabent , SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. R..., en qualité de liquidateur de la société Derichebourg Atis maintenance services, et par cette dernière, que sur le pourvoi incident relevé par la société Transavia France ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un contrat du 7 janvier 2011, la société Transavia a confié à la société Derichebourg Atis aéronautique (la société DAA) la maintenance de sa flotte d'avions pour la période allant du 2 novembre 2010 au 1er novembre 2013, la réalisation des prestations étant reprise par la société Derichebourg Atis maintenance services (la société DAMS), filiale de la société DAA, aux termes d'un avenant du 27 septembre 2012 ; que le 28 janvier 2013, la société DAMS a informé l'ensemble de ses clients d'une augmentation de ses tarifs, ou à défaut, de la résiliation des contrats de maintenance en expliquant qu'elle les exécutait à perte ; que cette correspondance a été adressée à la société Transavia, accompagnée d'un projet d'avenant intégrant la modification de tarifs et la prise en charge d'avions supplémentaires demandée ; qu'un avenant a été signé entre les parties le 30 janvier 2013 aux conditions tarifaires initiales en incluant la prise en compte d'un avion supplémentaire ; que le 21 février 2013, la société DAMS a envoyé à la société Transavia un projet d'avenant « n° 3 » comportant une augmentation des tarifs de 20 % pour l'ensemble de la flotte et intégrant deux avions supplémentaires, en précisant qu'à défaut d'acceptation de cet avenant avant le 1er mars, elle mettrait fin au contrat et cesserait d'exécuter ses prestations dans un délai de soixante jours ; que la société Transavia a signé cet avenant le 26 février 2013 puis, par une lettre du lendemain, a exprimé son mécontentement sur les méthodes employées pour augmenter les tarifs de manière comminatoire et arbitraire et a indiqué avoir signé l'avenant sous la contrainte puisque les délais très courts ne lui permettaient pas de disposer d'une solution alternative pour la prise en charge, par un autre atelier, de l'avion devant arriver le 1er mars 2013 ; que la société Transavia a ensuite appliqué un abattement de 20 % sur le paiement des factures de la société DAMS, puis lui a indiqué, le 19 septembre 2013, qu'un tiers lui succéderait à compter du 1er novembre 2013 ; que le 14 octobre 2013, la société Transavia a assigné la société DAMS pour voir annuler l'avenant du 26 février 2013 ; que la société DAMS a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 17 avril et 15 juillet 2014, M. R... étant désigné liquidateur ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 1112 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour annuler l'avenant du 26 février 2013 pour violence, l'arrêt retient que si la société Transavia avait refusé de signer cet avenant, les deux nouveaux avions attendus par la compagnie pour les 1er mars et 1er avril 2013, qui n'étaient pas inclus dans les contrats existants, n'auraient pas été pris en charge par la société DAMS et que la société Transavia, sans disposer du délai de soixante jours de préavis allégué par la société prestataire, se serait trouvée dans l'obligation de refuser l'avion attendu le 1er mars 2013 et de rompre ses contrats, aucun autre prestataire de maintenance ne pouvant être recherché et agréé par la direction de l'aviation civile dans le délai compris entre le 21 février et le 1er mars 2013 ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi le risque de devoir retarder l'exploitation d'un seul avion, le temps de trouver un prestataire de maintenance pour sa prise en charge, l'aurait conduite à rompre ses contrats et aurait eu des conséquences économiques telles qu'il aurait placé la compagnie Transavia dans une situation de dépendance à l'égard de la société DAMS la contraignant à signer l'avenant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

REJETTE le pourvoi incident ;

Et sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il annule l'avenant du 26 février 2013 pour violence, rejette les demandes de la société DAMS en paiement de la partie des factures impayées correspondant aux 20 % d'augmentation tarifaire et des factures postérieures au 1er septembre 2013, ordonne la restitution à la société Transavia des sommes par elle consignées au profit de la société DAMS et condamne M. R..., ès qualités, aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure, l'arrêt rendu le 20 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Transavia France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. R..., en qualité de liquidateur de la société Derichebourg Atis maintenance services, la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.