samedi 21 juin 2014

Assurance-incendie - notion de faute intentionnelle

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 12 juin 2014
N° de pourvoi: 13-15.836 13-16.397 13-17.509 13-21.386 13-25.565
Non publié au bulletin Rejet

Mme Aldigé (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gaschignard, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Joint les pourvois n° S 13-16. 397, H 13-25. 565, H 13-15. 836, A 13-17. 509 et Q 13-21. 386 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 janvier 2013), que la Société mutuelle d'assurances des collectivités locales (SMACL assurances) a indemnisé son assurée, la commune de Dunkerque, de ses dommages consécutifs à l'incendie provoqué par M. X... et M. Y..., qui ont été condamnés pénalement pour destruction et détérioration volontaires d'objets mobiliers et de biens immobiliers par l'effet d'un incendie, et exerçant son recours subrogatoire, a assigné ceux-ci, ainsi que leurs assureurs respectifs, la société Pacifica, venant aux droits de la société MRA CA, et la société La Macif, en remboursement des indemnités versées ; que l'arrêt a confirmé le jugement qui a condamné in solidum les responsables et leurs assureurs à payer à la SMACL assurances l'intégralité des sommes réclamées ;

Sur la recevabilité du pourvoi n° H 13-15. 836 :
Vu l'article 613 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai de pourvoi en cassation ne court à l'égard des décisions rendues par défaut, même pour les parties qui ont comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition n'est plus recevable ;

Attendu que la société La Macif s'est pourvue en cassation le 11 avril 2013 contre un arrêt rendu par défaut, susceptible d'opposition, avant l'expiration du délai d'opposition ;
D'où il suit que ce pourvoi est irrecevable ;
Sur la recevabilité du pourvoi n° Q 13-21. 386 :

Vu le principe " pourvoi sur pourvoi ne vaut " ;
Attendu que le pourvoi formé le 19 juillet 2013 par la société La Macif sous le n° Q 13-21. 386, qui succède au pourvoi n° A 13-17. 509 formé par elle le 15 mai 2013 contre la même décision, lequel est recevable, n'est pas recevable ;
Sur la recevabilité du pourvoi n° H 13-25. 565 :

Vu le principe " pourvoi sur pourvoi ne vaut " ;
Attendu que le pourvoi formé le 25 octobre 2013 par la société Pacifica sous le n° H 13-25. 565, qui succède au pourvoi n° S 13-16. 397 formé par elle le 22 avril 2013 contre la même décision, lequel est recevable, n'est pas recevable ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches, du pourvoi n° S 13-16. 397 :

Attendu que la société Pacifica fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec M. X..., M. Y... et la société La Macif, à payer à la SMACL assurances la somme de 1 258 444 euros, outre les intérêts au taux légal, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ; que la décision du juge pénal condamnant l'assuré pour destruction volontaire d'un bien par l'effet d'un incendie s'impose au juge civil, qui est tenu de considérer que cet assuré a commis une faute intentionnelle au sens du texte susvisé, de sorte que la garantie de l'assureur n'est pas due ; qu'en estimant, le cas échéant, par motifs adoptés des premiers juges, que la condamnation pénale de M. X... du chef de destruction volontaire d'un bien immobilier, en l'occurrence la salle de sport et la piscine, par l'effet d'un incendie, ne constituait pas la preuve de l'existence d'une faute intentionnelle de sa part, cependant que les décisions du tribunal correctionnel de Dunkerque des 25 novembre 2005 et 5 avril 2007, qui condamnaient l'intéressé pour incendie volontaire, s'imposaient au juge civil qui n'avait d'autre choix que de retenir l'existence d'une faute intentionnelle de l'assuré excluant la garantie de l'assureur, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances ;
2°/ que lorsque le juge pénal condamne l'assuré pour destruction volontaire d'un bien par incendie, la faute commise par ce dernier constitue nécessairement une faute intentionnelle au sens de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, même s'il n'a pas eu la volonté de créer tout le dommage que son geste a provoqué ; qu'en estimant que la faute intentionnelle de l'assuré n'était pas caractérisée en l'espèce, dans la mesure où, si « l'action génératrice du dommage a bien été volontaire, en revanche, il ne s'en évince pas que les jeunes gens en cause, qui ont été dépassés par cette action initiale, avaient la volonté délibérée de créer le très important dommage tel qu'il est effectivement survenu », la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation inopérante, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances ;

3°/ qu'en considérant, au vu des déclarations de MM. X... et Y..., que ces derniers n'avaient pas commis de faute intentionnelle au sens de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, tout en constatant que ceux-ci avaient reconnu être montés sur le toit de la piscine avec une bouteille contenant de l'essence, avoir répandu cette essence sur le sol et y avoir mis le feu à l'aide de briquets, ce dont il résultait que l'intention de M. X... était bien de provoquer le dommage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;
Mais attendu que la faute intentionnelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu, n'exclut de la garantie due par l'assureur à l'assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l'infraction ; que la cour d'appel, après avoir souverainement apprécié, au vu du dossier pénal, que les auteurs n'avaient pas délibérément recherché les conséquences dommageables effectivement survenues, a, sans méconnaître le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, pu décider que les assureurs étaient tenus à garantie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que la première et la quatrième branches du moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° A 13-17. 509 :
Attendu que la société La Macif fait grief à l'arrêt attaqué de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société SMACL assurances la somme de 1 258 444 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, alors, selon le moyen :

1°/ que la faute intentionnelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances doit être entendue comme celle qui suppose la volonté de causer le dommage, tel qu'il est survenu ; qu'en jugeant que « l'exclusion de garantie contractuelle invoquée par La Macif, mentionnée aux conditions générales, soit " les dommages de toute nature causés ou provoqués intentionnellement par l'assuré ou avec sa complicité " correspond rait aux conditions de l'exclusion légale de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances » et que « l'acception du terme intentionnel » au sens de ce texte ne pourrait « être différente de celle donnée par application de l'alinéa 2 précité » quand, outre les dommages « causés » par l'assuré au sens de ce texte, cette clause visait également les dommages « provoqués intentionnellement » par celui-ci, la cour d'appel a dénaturé la police d'assurance, violant le principe selon lequel il est défendu aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
2°/ que les dommages « causés » par l'assuré sont ceux voulus par leur auteur, tandis que les dommages « provoqués » par l'assuré sont ceux qui constituent la conséquence involontaire d'un acte intentionnel ; qu'en jugeant prétendument « non probante » « l'analyse sémantique » « quant à la différence à opérer entre les verbes causer et provoquer, qui recouvr irai ent la même notion d'intervention causale », quand ces deux termes de la langue française ont un sens à la fois précis et distinct, la cour d'appel a derechef dénaturé la police d'assurance, violant le principe selon lequel il est défendu aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
3°/ qu'est claire, précise, formelle et limitée la clause qui exclut de la garantie de l'assureur de responsabilité les dommages « causés ou provoqués intentionnellement par l'assuré », les premiers étant ceux voulus par leur auteur au sens de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances et les seconds constituant la conséquence involontaire d'un acte intentionnel ; qu'en écartant l'application de cette clause d'exclusion motif pris de ce « qu'à défaut de se référer à des circonstances définies avec précision de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie, la clause d'exclusion de garantie ne p ourrait être considérée ni comme formelle ni comme limitée », la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'en page 68 des conditions générales du contrat, une clause stipule qu'" outre les exclusions spécifiques évoquées dans chacune des garanties, sont toujours exclus au titre de ce contrat-les dommages de toute nature causés ou provoqués intentionnellement par l'assuré ou avec sa complicité ", l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'exclusion de garantie contractuelle correspond aux conditions de l'exclusion légale de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances et qu'au-delà de l'analyse sémantique non probante quant à la différence à opérer entre les verbes causer et provoquer, qui recouvrent la même notion d'intervention causale, à défaut de se référer à des circonstances définies avec précision de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie, la clause d'exclusion de garantie ne peut être considérée ni comme formelle ni comme limitée ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, d'où il résulte que la clause d'exclusion de garantie nécessite d'être interprétée, la cour d'appel a exactement décidé, hors de toute dénaturation, qu'elle ne devait pas recevoir application ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE IRRECEVABLES les pourvois n° H 13-15. 836, H 13-25. 565 et Q 13-21. 386 ;
REJETTE les pourvois n° S 13-16. 397 et A 13-17. 509 ;

Condamne la société Pacifica et la société la MACIF aux dépens ;

1 commentaire :

  1. Voir note Landel, Dictionnaire permanent « assurances », bulletin n° 239, août-septembre 2014, p. 16.

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