samedi 14 novembre 2020

L’article R. 1334-27 du code de la santé publique ne prévoit l’obligation pour les propriétaires d’effectuer un diagnostic avant travaux que préalablement à la démolition de l’immeuble

 

Note Sizaire, Constr.-urb. 2020-12, p. 22.

Arrêt n°722 du 1er octobre 2020 (19-16.251 ; 16-16.381) - Cour de cassation - Troisième chambre civile
- ECLI:FR:CCAS:2020:C300722

CONSTRUCTION IMMOBILIÈRE

Cassation

Demandeur(s) : société Rambouillet Distribution, société par actions simplifiée

Défendeur(s) : société MMA IARD, société anonyme ; et autres


1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 19-16.251 et n° Y 19-16.381 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 11 mars 2019), la société Rambouillet distribution est propriétaire d’un immeuble à usage de centre commercial qu’elle a donné à bail à la société Valedor.

3. En 1992, la société Rambouillet distribution a confié à la société CEP la réalisation d’un diagnostic amiante dans les lieux loués.

4. Deux échantillons prélevés sur les plaques de fibrociment en parois, dalles de vinyle, colle des dalles de vinyle, ont été analysés et déclarés sans amiante.

5. En mai 1998, la société Rambouillet distribution a confié à la société Defi la réalisation d’un nouveau diagnostic amiante.

6. Le 23 juin 1998, la société Defi a conclu à l’absence d’amiante dans les flocages mais à la présence d’amiante dans certaines cloisons en fibrociment, des joints, des dalles de sol de vinyle et leur colle.

7. En 2004, la société Rambouillet distribution a demandé à la société André Jacq ingénierie d’établir un nouveau dossier technique amiante en conformité avec la nouvelle réglementation, lequel a conclu dans les mêmes termes que le rapport Defi.

8. En septembre 2007, les sociétés Rambouillet distribution et Sodiclaire ont entrepris des travaux d’aménagement et de rénovation de la surface commerciale principale.

9. La société Rambouillet distribution a confié à la société Gilles décor les travaux de peinture de charpente, de toiture et de plaquisterie en périphérie et à la société Protecfeu la mise en oeuvre du nouveau réseau de sprinklage arrivé au stade de la révision trentenaire.

10. La société Valedor a confié à la société Boisnard électricité la dépose du réseau électrique, à la société Gilles décor les travaux de peinture, faux plafonds et aménagement décoratif, à la société Johnson controls la transformation de l’ensemble du système de froid.

11. Le coordonnateur de sécurité, la société B.E.T. RM2G, a sollicité l’établissement d’un rapport avant travaux en raison de la présence de matériaux pouvant contenir de l’amiante.

12. Alors que les travaux avaient démarré, il a été constaté la présence d’amiante sur toute la charpente et dans les plaques de fibrociment sur toute la façade intérieure du bâtiment.

13. Les travaux ayant été interrompus en février 2008, la société Valedor et la société Rambouillet distribution ont, après expertise, assigné la société André Jacq ingénierie et son assureur, la société MMA, en indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi H 19-16.251, pris en sa troisième branche, et le moyen unique du pourvoi Y 19-16.381, pris en sa deuxième branche, réunis

Enoncé du moyen

14. Les sociétés Rambouillet Distribution et Valedor font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1° qu’aux termes de l’article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa version issue du décret 2006-1099 du 31 août 2006, « les propriétaires des immeubles mentionnés à l’article R. 1334-23 sont tenus, préalablement à la démolition de ces immeubles, d’effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante » ; qu’en jugeant que l’obligation prévue par ce texte s’appliquait préalablement à « tous travaux sur la construction », la cour d’appel, qui en a méconnu la lettre, a violé l’article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa version applicable issue du décret 2006-1099 du 31 août 2006 ;

2° qu’en jugeant que, pour l’application de l’article R. 1334-27 du code de la santé publique, « cette notion de démolition était entendue de manière large et s’appliquait à tous travaux sur la construction », pour l’appliquer aux travaux commencés en septembre 2007, la cour d’appel a violé l’article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l’article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa version applicable en la cause :

15. Selon ce texte, les propriétaires des immeubles mentionnés à l’article R. 1334-23 sont tenus, préalablement à la démolition de ces immeubles, d’effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante et de transmettre les résultats de ce repérage à toute personne physique ou morale appelée à concevoir ou à réaliser les travaux.

16. Pour rejeter les demandes, l’arrêt retient que le propriétaire des lieux était soumis à l’article R. 1334-27 du code de la santé publique qui prévoyait que « Les propriétaires des immeubles mentionnés à l’article R. 1334-23 sont tenus, préalablement à la démolition de ces immeubles, d’effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante et de transmettre les résultats de ce repérage à toute personne physique ou morale appelée à concevoir ou à réaliser les travaux. »

17. Il précise que cette notion de démolition est entendue de manière large et s’applique à tous travaux sur la construction puisque la norme NF X46-020 de novembre 2002 mentionne la mission « dossier technique amiante » et « la mission en vue de la réalisation de travaux ultérieurs », que les dispositions du code de la santé publique ont pour objet la défense de la santé des usagers des lieux et notamment des personnes amenées à travailler sur la construction, et que cette interprétation était est corroborée par la mention figurant dans le rapport de 2008 de la société André Jacq qui rappelle le recours nécessaire à un DAT.

18. Il constate qu’en l’espèce, les travaux ont démarré en septembre 2007, sans que le propriétaire des lieux n’a commandé de DAT et ce, alors que la réglementation l’y obligeait et que la présence d’amiante dans le bâtiment était déjà connue.

19. Il ajoute que, si ce « diagnostic avant travaux » avait été réalisé avant le démarrage des travaux, des frais n’auraient pas été engagés, que le DAT a été commandé tardivement en cours de travaux en janvier 2008, à la société André Jacq ingénierie, qui a constaté l’existence d’amiante dans le flocage de la charpente notamment, ce qui a conduit à l’arrêt des travaux, que ce DAT était d’autant plus important avant le début des travaux que la société Rambouillet distribution avait eu connaissance de la présence d’amiante dans les cloisons et les dalles de sol, de nature à rendre le réaménagement plus complexe et plus onéreux depuis le rapport de la société Defi du 23 juin 1998, qu’il n’est pas contesté que la société Rambouillet distribution a préféré, en raison de l’importance de l’amiante présente depuis l’origine de la construction, fait auquel la société André Jacq ingénierie est étrangère, renoncer aux travaux de réaménagement et décidé de faire construire un nouveau bâtiment d’une surface de 10 460 m² sur un autre emplacement.

20. Il en déduit que l’insuffisante détection de l’amiante dans la construction par la société André Jacq ingénierie n’est pas directement à l’origine du préjudice financier dont les sociétés Rambouillet distribution et Valedor sollicitaient réparation et qu’il convient de rejeter les demandes.

21. En statuant ainsi, alors que l’article R. 1334-27 du code de la santé publique ne prévoit l’obligation pour les propriétaires d’effectuer un diagnostic avant travaux que préalablement à la démolition de l’immeuble, la cour d’appel, qui n’a pas constaté que les travaux d’aménagement et de rénovation entrepris nécessitaient une démolition, même partielle, du bâtiment, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 mars 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;


Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Pronier
Avocat général : M. Brun
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez - SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret - SCP Célice, Texidor, Périer

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