jeudi 16 octobre 2014

L'erreur de niveau, obligeant à démolir, relève de la décennale

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 7 octobre 2014
N° de pourvoi: 13-19.867
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 avril 2013), que la SCI Aupa a confié la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un bâtiment à la société Travaux aquitains intervenant en tant que contractant général, et M. X..., architecte, a été chargé de l'esquisse, de l'avant-projet de construction, de la demande et du dépôt du permis de construire ; que la réception est intervenue avec réserves ; que la délivrance du certificat de conformité a été refusée au motif d'une non-conformité de la cote de seuil au permis de construire ; que se plaignant d'un défaut d'implantation, la SCI Aupa a, après expertise, assigné la société Travaux aquitains en indemnisation ;

Attendu que la société Travaux aquitains et son assureur, la société Axa France, font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la SCI Aupa la somme de 800 000 euros, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient à l'architecte, chargé d'établir un dossier de demande de permis de construire, de dresser des plans conformes à la réglementation d'urbanisme en vigueur, sans que le maître d'oeuvre ait à contrôler cette conformité ; qu'en affirmant, pour imputer à faute à la société travaux aquitains, maître d'oeuvre, l'implantation d'un immeuble en méconnaissance d'un règlement de lotissement, qu'il appartenait à cette société de vérifier la conformité audit règlement des cotes portées par l'architecte sur les plans joints à la demande de permis de construire, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;

2°/ que les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement deviennent caduques au terme de dix années à compter de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu ; qu'en affirmant, pour retenir la responsabilité de la société travaux aquitains à raison de l'implantation de l'immeuble en violation des dispositions du règlement de lotissement du 21 décembre 2001, que cette violation avait justifié la délivrance, le 2 mars 2007, d'un certificat de non-conformité, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce règlement était toujours applicable au jour où elle statuait et par conséquent si l'implantation de l'immeuble litigieux méconnaissait toujours, à cette date, les règles d'urbanisme applicables, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-9 du code de l'urbanisme et 1792 du code civil ;

3°/ que l'impropriété d'un immeuble à sa destination qui ne peut résulter de sa seule non-conformité aux dispositions du permis de construire, doit être appréciée par le juge au jour où il statue ; qu'en l'espèce, la compagnie Axa et la société Travaux aquitains faisaient valoir, pièces à l'appui, que le risque d'inondation qui affectait l'immeuble litigieux lors de sa construction avait disparu en fait depuis lors notamment en raison de la baisse de la nappe phréatique et de la construction de dispositifs d'écoulement des eaux ; qu'en affirmant, pour retenir la responsabilité décennale de la société Travaux aquitains, que l'immeuble édifié par la société Travaux aquitains avait fait l'objet, en 2007, d'un certificat de non-conformité en raison d'un risque d'inondation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce risque existait en fait au jour où elle statuait, peu important que la non-conformité de l'immeuble au règlement du lotissement applicable à la date de la construction ait constitué un vice juridique non régularisable, cette irrégularité ne pouvant s'analyser en un désordre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Travaux aquitains avait été chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre comprenant l'établissement de tous les plans d'exécution et notes de calcul relatifs aux travaux qui lui étaient confiés et de l'exécution de ces travaux dans les règles de l'art et suivant les normes en vigueur, et que l'architecte n'avait qu'une mission limitée à l'obtention du permis de construire, la cour d'appel, qui procédant aux recherches prétendument omises, a pu retenir que la société Travaux aquitains devait prendre connaissance de l'arrêté d'autorisation de lotir, du règlement du lotissement qui l'accompagnait, et vérifier la cote de seuil requise, par ces documents visés au permis de construire, que le risque d'inondation constituant le motif du refus de délivrance du certificat de conformité existait et persistait, que l'impossibilité non régularisable en l'état d'obtenir un certificat de conformité qui laissait persister les contraintes de niveau prescrites par le règlement du lotissement rendait nécessaire la démolition du bâtiment, ce qui constituait un désordre de nature à le rendre impropre à sa destination, en a justement déduit que la société Travaux aquitains avait engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Travaux aquitains et la société AXA France IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Travaux aquitains et la société AXA France IARD à payer à la SCI Aupa la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Travaux aquitains et de la société AXA France IARD ;


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