jeudi 17 décembre 2015

Subrogation de l'assureur devant le Conseil d'Etat

Conseil d'État

N° 374642
ECLI:FR:CESJS:2015:374642.20151027
Inédit au recueil Lebon
5ème SSJS
Mme Leïla Derouich, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; LE PRADO ; COPPER-ROYER, avocats


lecture du mardi 27 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


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Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La société MAAF Assurances a recherché devant le tribunal administratif de Lille la responsabilité de la communauté urbaine de Lille Métropole et du département du Nord au titre des débours qu'elle a dû exposer en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de M. B..., au titre de l'accident de la circulation survenu le 18 août 2006 boulevard de la Moselle à Lille (Nord) trouvant sa cause dans un défaut d'entretien normal de la voierie et ayant eu des conséquences dommageables pour M.A.... Par un jugement n° 09061161001701 du 9 mai 2012, le tribunal administratif a rejeté les demandes de la société MAAF Assurances.

Par un arrêt n° 12DA01050 du 12 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la société MAAF Assurances.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 14 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société MAAF Assurances demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du département du Nord la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier :

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Leïla Derouich, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la SA MAAF Assurances, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Lille métropole communauté urbaine et à Me Copper-Royer, avocat du département du Nord ;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., alors qu'il circulait le 18 août 2006 vers 0h45 sur le boulevard de la Moselle à Lille, a perdu le contrôle de son véhicule et percuté le véhicule de M. A...qui circulait en sens opposé ; que M. B...a imputé la perte de contrôle de son véhicule à la présence d'une importante flaque d'eau occupant la totalité de la chaussée, sur une soixantaine de mètres de longueur ; que la société MAAF Assurances, assureur de M. B...et subrogée dans les droits de ce dernier, a recherché la responsabilité de la communauté urbaine Lille Métropole et du département du Nord au titre des débours qu'elle soutient avoir exposés au profit de M. A... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, en invoquant un défaut d'entretien normal de la voirie publique ; que ces demandes indemnitaires ont été rejetées par un jugement du tribunal administratif de Lille du 9 mai 2012 ; que, par un arrêt du 12 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la société MAAF Assurances, qui se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sur le désistement partiel de la société MAAF Assurances :

2. Considérant que la société MAAF Assurances déclare se désister de son pourvoi, en tant qu'il est dirigé contre le rejet par la cour des conclusions d'appel formées contre la communauté urbaine Lille Métropole ; que rien ne s'oppose à ce qu'il lui soit donné acte de ce désistement ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire :

3. Considérant que, si la société MAAF Assurances fait valoir à l'appui de son pourvoi que les pièces du dossier de procédure devant la cour administrative d'appel de Douai n'établissent pas qu'elle aurait reçu communication de trois mémoires en défense, respectivement produits par la communauté urbaine Lille Métropole et le département du Nord, il résulte de la consultation de la " fiche requête " jointe au dossier que le mémoire produit le 22 février 2013 par la communauté urbaine Lille Métropole a été communiqué le 27 février suivant à Me Congos, avocat au barreau de Douai et conseil de la société MAAF Assurances devant la cour ; que le mémoire produit par le département du Nord le 26 février 2013 a été communiqué dès le lendemain à ce même avocat ; qu'il en a été de même, le 29 avril 2013, d'un autre mémoire produit par le département du Nord cinq jours auparavant ; qu'en tout état de cause, la société MAAF Assurances ne soutient pas qu'elle n'aurait pas reçu communication de ces mémoires avant la clôture de l'instruction ;

4. Considérant que, si la société MAAF Assurances fait également valoir que les pièces retraçant la procédure suivie devant la cour n'établissent pas qu'elle aurait reçu communication d'une lettre de la CPAM de Lille-Douai enregistrée au greffe de la cour le 11 octobre 2012, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que cette lettre se bornait à indiquer que la caisse ne souhaitait pas intervenir dans l'affaire ; que si, par cette même lettre, la caisse mentionnait également qu'elle avait perçu certaines sommes en remboursement de ses débours, cette lettre ne précisait pas l'auteur de ces règlements et n'était dès lors pas de nature à établir la subrogation de la société MAAF Assurances ; que, dès lors et à la supposer établie, l'absence de communication de cette lettre à la société MAAF Assurances n'a pas eu d'incidence sur le rejet des demandes indemnitaires de celle-ci, dès lors que c'est à cette société qu'il incombait d'établir l'effectivité des règlements dont elle entendait se prévaloir ; qu'en tout état de cause, il était loisible à l'avocat qui la représentait en appel, et qui avait accès au système informatique de suivi de l'instruction, de vérifier l'état de la procédure à tout moment, et le cas échéant de demander au greffe de la cour de lui communiquer cette pièce ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire par la cour administrative d'appel doit être écarté ;

Sur le moyen tiré d'une dénaturation des pièces du dossier soumis aux juges du fond :

6. Considérant qu'aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur " ; que la société MAAF Assurances soutient que les juges du fond ont dénaturé les pièces du dossier qui leur était soumis en jugeant qu'elle ne rapportait pas la preuve qu'elle pouvait valablement exercer au titre de son assuré, M.B..., la subrogation instituée par l'article L. 121-12 du code des assurances, faute de justifier qu'elle s'était effectivement acquittée des sommes en cause ;

7. Considérant qu'il incombait à cette société, d'une part, de communiquer à la cour les pièces justifiant du paiement et de l'encaissement effectif de l'ensemble des sommes qu'elle avait réglées en application du contrat d'assurance qui la liait à M. B...et, d'autre part, de fournir des explications précises et circonstanciées mettant les juges du fond à même d'apprécier la correspondance entre les diverses sommes ainsi exposées et ses prétentions indemnitaires au titre de la subrogation ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société MAAF Assurances, au soutien de ses conclusions indemnitaires dirigées contre le département du Nord et la communauté urbaine Lille Métropole, a produit devant la cour des demandes de quittance, des assignations devant la juridiction civile, une ordonnance du juge civil des référés ainsi que diverses quittances subrogatoires, celles-ci émanant de la Mutuelle des motards, assureur du véhicule conduit par M.A... ; que ces pièces justificatives permettaient de démontrer la réalité d'un paiement d'un montant de 42 808 euros à M. A...au titre de la responsabilité civile de son assuré et, par suite, la qualité de subrogé au sens de l'article L. 121-12 du code des assurances de la société MAAF Assurances à hauteur de ce montant ; qu'en revanche, en jugeant que cette société n'avait pas produit au dossier les éléments aptes à établir sa qualité de subrogé pour le surplus de ses conclusions indemnitaires, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier ; que, si la société MAAF Assurances a communiqué au Conseil d'Etat des documents censés rapporter la preuve de la réalité des paiements fondant la subrogation qu'elle revendique, elle ne peut utilement se prévaloir de ces pièces, produites pour la première fois en cassation ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt de la cour administrative d'appel doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la société MAAF Assurances tendant au paiement de la somme de 42 808 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions dirigées à ce titre par le département du Nord contre la société MAAF Assurances, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Nord les sommes qui sont demandées au même titre par la société MAAF Assurances. ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MAAF Assurances la somme de 2 000 euros demandée par la communauté urbaine Lille Métropole au même titre ;



D E C I D E :
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Article 1er : Il est donné acte du désistement de la société MAAF Assurances, en tant que son pourvoi est dirigé contre le rejet de ses conclusions d'appel formées contre la communauté urbaine Lille Métropole.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 12 novembre 2013 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la société MAAF Assurances tendant au paiement de la somme de 42 808 euros.

Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai dans la mesure de la cassation prononcée.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société MAAF Assurances est rejeté.

Article 5 : Les conclusions formées par le département du Nord au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La société MAAF Assurance versera la somme de 2.000 euros à la communauté urbaine Lille Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société MAAF Assurances, au département du Nord et à la communauté urbaine Lille métropole.
Copie pour information en sera adressée à M. C...A...et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai.




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