jeudi 29 avril 2021

Notion d'autorité de la chose jugée

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 avril 2021




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 337 F-D

Pourvoi n° T 19-21.252




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021

M. C... X..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° T 19-21.252 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant :

1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [...], dont le siège est direction du contentieux et de la lutte contre la fraude, pôle contentieux général, [...],

2°/ au ministre de la justice, domicilié [...] ,

3°/ à l'Agent judiciaire de l'Etat, domicilié [...] ,

4°/ au ministre chargé des affaires sociales et de la santé, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. X..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie [...], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du ministre de la justice et de l'Agent judiciaire de l'Etat, après débats en l'audience publique du 3 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 2019), M. X..., qui exerce une activité de traducteur-interprète et intervient, à ce titre, depuis 1994, auprès des autorités judiciaires sur la base de réquisitions, a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande tendant, notamment, à son affiliation rétroactive au régime général.

Examen du moyen

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 4 avril 2001 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, alors :

« 1°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que, dans le dispositif de son jugement du 4 avril 2001, passé en force de chose jugée, la juridiction de sécurité sociale a « dit et jugé que M. X... était assujetti au régime général de la sécurité sociale pour l'activité d'interprète-traducteur qu'il a exercée à la demande des autorités judiciaires à partir de 1994 sur le fondement de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale » ; qu'après avoir pourtant constaté que « le jugement rendu le 4 avril 2001 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a été rendu entre les mêmes parties », la cour d'appel a écarté l'autorité de la chose jugée, au motif que « l'objet de la demande et la cause du litige n'étaient pas les mêmes – en effet, dans le litige ayant donné lieu au jugement rendu le 4 avril 2001, M. X... contestait une décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie lui refusant la prise en charge d'une maladie professionnelle qu'il avait déclarée le 21 avril 1999 » ; qu'elle en a conclu « M. X... ne peut donc valablement se prévaloir de l'autorité de la chose juge attachée au jugement rendu le 4 avril 2001 par le tribunal pour prétendre qu'il est assujetti au régime général de la sécurité sociale en tant que salarié » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien, devenu 1355 du code civil ;

2°/ que la portée du dispositif d'un jugement peut être éclairé par ses motifs ; que le dispositif du jugement du 4 avril 2001, passé en force de chose jugée, par lequel la juridiction de sécurité sociale a « dit et jugé que M. X... était assujetti au régime général de la sécurité sociale pour l'activité d'interprète-traducteur qu'il a exercée à la demande des autorités judiciaires à partir de 1994 sur le fondement de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale » doit être lu à la lumière de ses motifs selon lesquels « le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné
que la situation de M. X... au regard du régime général doit donc, compte-tenu de cette date, être examinée par référence à l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale – qu'il ressort des pièces jointes au dossier que M. X... a été missionné à partir de 1994, par différentes juridictions et services de Police, en qualité de traducteur-interprète, afin d'assister des personnes d'origine indo-pakistanaise – que notamment en 1999, il s'est vu confier des missions d'interprétariat (
) que pour ces missions, M. X... était requis par une autorité judiciaire ou administrative pour exercer des fonctions d'interprète ; qu'à cet effet, il recevait une convocation ou une "réquisition à personne" par laquelle il lui était impérativement demandé de se présenter en un lieu précis et à une heure qui lui était indiquée de remplir un rôle d'interprète auprès d'une personne dénommée dont la langue lui était précisée – que les traductions qu'il était appelé à effectuer, se faisaient sous le contrôle des autorités qui avaient fait appel à ses services, lesquelles avaient de surcroît, seules la maîtrise de l'organisation et de la durée des interrogatoires ou des débats qu'elles conduisaient et menaient avec sa collaboration
au regard de ces éléments de fait, force est de constater que l'activité d'interprète-traducteur judiciaire, rémunérée par l'Etat selon un tarif établi par voie réglementaire, a été accomplie par M. X... à la demande d'autorités publiques dépendant, soit du ministère de la justice, soit du ministère de l'intérieur, dans le cadre d'un service organisé sous le contrôle et la direction de ces autorités et donc dans un lien de subordination évident à l'égard de ces dernières, qu'il s'en suit que l'activité en cause qui entrait bien dans les prévisions de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, justifiait l'assujettissement de M. X... au régime général de la sécurité sociale » ; qu'en retenant que « M. X... ne peut donc valablement se prévaloir de l'autorité de la chose juge attachée au jugement rendu le 4 avril 2001 par le tribunal pour prétendre qu'il est assujetti au régime général de la sécurité sociale en tant que salarié », la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien, devenu 1355 du code civil ;

3°/ que, pour pouvoir bénéficier du livre IV du code de la sécurité sociale, l'assuré social doit être le salarié d'un employeur soumis à la législation professionnelle et il doit solliciter la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie auprès de la caisse primaire d'assurance maladie, à charge pour l'organisme social de recouvrer les sommes avancées auprès de l'employeur ; que, dans le premier chef du dispositif du jugement du 4 avril 2001, passé en force de chose jugée, la juridiction de sécurité sociale a « dit et jugé que M. X... était assujetti au régime général de la sécurité sociale pour l'activité d'interprète-traducteur qu'il a exercée à la demande des autorités judiciaires à partir de 1994 sur le fondement de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale » ; que, dans le deuxième chef de son dispositif, la juridiction de sécurité sociale en a déduit « en conséquence que M. X... peut se prévaloir des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale pour la maladie qu'il a invoqué le 21 juillet 1999 » ; que dans les deux chefs suivants de son dispositif, le juge a « rejeté la demande de M. X... tendant à voir bénéficier de la présomption de la maladie professionnelle édictée par l'alinéa 2 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale par référence au tableau n° 40 desdites maladies » pour conclure « qu'il appartiendra à la caisse primaire d'assurance maladie [...] de mettre en œuvre la procédure prévue au dernier alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et de se prononcer sur la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle formulée par M. X... dans le cadre des dispositions de l'alinéa 3 de ce même article » ; que, pour écarter l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel relève que « dans le litige ayant donné lieu au jugement rendu le 4 avril 2001, M. X... contestait une décision de la caisse primaire d'assurance maladie lui refusant la prise en charge d'une maladie professionnelle qu'il avait déclarée le 21 avril 1999 – les demandes de M. X... étaient alors présentées à l'encontre de la caisse primaire d'assurance maladie, aucune demande n'était présentée à l'encontre de l'Agent judiciaire de l'Etat » ; qu'en statuant ainsi – alors que la recevabilité et le bien-fondé des demandes de M. X... supposaient préalablement que lui soit reconnu la qualité d'assuré social, partant celle de salarié d'un employeur soumis à la législation professionnelle – la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1351 ancien, devenu 1355 du code civil et par fausse application l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt constate que M. X... sollicite son affiliation au régime général de la sécurité sociale en tant que salarié de l'Etat depuis 1994, conformément à un précédent jugement rendu le 4 avril 2001 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris. Il relève que si le jugement susvisé a été rendu entre les mêmes parties, soit M. X..., l'Agent judiciaire de l'Etat, le ministère de la justice et la caisse primaire d'assurance maladie [...], en revanche, l'objet de la demande et la cause du litige ne sont pas les mêmes. Il énonce qu'en effet, dans le litige ayant donné lieu au jugement du 4 avril 2001, M. X... contestait une décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie lui refusant la prise en charge d'une maladie professionnelle qu'il avait déclarée le 21 avril 1999, que les demandes de l'intéressé étaient alors présentées à l'encontre de la caisse primaire d'assurance maladie, et qu'aucune demande n'était formulée à l'encontre de l'Agent judiciaire de l'Etat.

5. De ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit qu'est dépourvue d'autorité de chose jugée la décision antérieure rendue entre les mêmes parties, à défaut d'identité d'objet et de cause des deux demandes successives.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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