lundi 8 août 2022

1) Effet dévolutif de la déclaration d'appel; 2) Moyen relevé d'office et principe de contradiction

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 juin 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 588 FS-B

Pourvoi n° Q 20-16.239





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022

M. [D] [Z], domicilié [Adresse 10], a formé le pourvoi n° Q 20-16.239 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2020 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7], dont le siège est [Adresse 8], représenté par son syndic la société IGC, sis [Adresse 9],

2°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7], dont le siège est [Adresse 4], représenté par son syndic M. [L] [X], domicilié [Adresse 3],

3°/ à la société Allianz, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 5], anciennement dénommée RSI de Franche-Comté,

5°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, prise en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 7],

6°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, prise en qualité d'assureur de la société Kiloutou,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 6],

7°/ à la société Kiloutou, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [Z], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] et de la société Allianz, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 7], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur de la société Kiloutou et de la société Kiloutou, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, en présence de Mme [H], auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général referendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 10 mars 2020), mandaté par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] pour effectuer certains travaux, M. [Z], gérant de la Sarl TP Est, a été blessé à la suite d'une chute survenue depuis une nacelle, prise en location auprès de la société Most Location devenue MBBC, qui s'est déséquilibrée au moment de son intervention sur le parking d'un membre de la copropriété du [Adresse 7].

2. M. [Z] a assigné devant un tribunal de grande instance les deux syndicats des copropriétaires et la société Allianz, assureur du syndicat de la copropriété du [Adresse 7], aux fins de les condamner, sur le fondement de leur responsabilité civile, à réparer les préjudices subis. La société Axa IARD, assureur du second syndicat des copropriétaires, est intervenue volontairement à l'instance.

3. Par jugement du 16 juillet 2019, le tribunal a notamment dit que la demande de M. [Z] est recevable et fondée, mais sur les articles 1 et suivants de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, mis hors de cause les sociétés d'assurance, Axa France IARD et Allianz, fixé l'assiette des préjudices, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et ordonné la réouverture des débats en invitant M. [Z] à justifier de tous éléments sur l'indemnisation éventuellement perçue par l'assureur de la nacelle ou des actions entreprises à son encontre.

4. Par déclaration du 28 août 2019, M. [Z] a formé un appel puis, par acte du 22 octobre 2019, a assigné en intervention forcée la société Kiloutou, venant aux droits de la société MBBC, et son assureur, la société Axa France IARD.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. M. [Z] fait grief à l'arrêt de le dire irrecevable en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige et les modalités de fixation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux et, en conséquence, de confirmer le jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon, en ce qu'il a mis hors de cause la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur de responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 7] et mis hors de cause la société Allianz en sa qualité d'assureur de responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 7], alors « que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, l'acte d'appel limité de M. [Z] a critiqué le dispositif du jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés Axa France et Allianz en leurs qualités respectives d'assureurs des syndicats de copropriétaires des [Adresse 7] ; que cette critique, comme l'a soutenu M. [Z], impliquait nécessairement celle du chef de dispositif du jugement qui a dit sa demande recevable exclusivement sur le fondement des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; qu'en effet, la mise hors de cause des assureurs n'a résulté que du choix de ce fondement, la garantie qu'ils apportaient aux syndicats ayant pour objet de couvrir, non des sinistres résultant d'un accident de la circulation, mais des accidents résultant de la « responsabilité civile immeuble et propriétaires d'immeuble » ; qu'en jugeant dès lors que la demande de M. [Z] tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige était irrecevable, au seul motif que le chef du dispositif du jugement ayant retenu l'application de la loi du 5 juillet 1985 n'était pas visé par son acte d'appel, sans rechercher, comme elle y était invitée, et comme la loi le lui imposait, s'il n'existait pas un lien de « dépendance » nécessaire entre le chef du jugement portant sur la mise hors de cause des assureurs, dont il était fait appel, et le chef du jugement ayant décidé que l'indemnisation de M. [Z] reposait sur la seule loi susvisée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 562 alinéa 1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 562, alinéa 1er du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués.

8. Pour dire irrecevable M. [Z] en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige, l'arrêt constate qu'il a expressément limité son appel à la mise hors de cause des sociétés Allianz et Axa France IARD en qualité d'assureurs des syndicats des copropriétaires.

9. L'arrêt relève que M. [Z] invoque à son bénéfice l'alinéa 1er de l'article 562 et prétend qu'en critiquant la seule mise hors de cause des assureurs, il a nécessairement critiqué l'application de la loi du 5 juillet 1985.

10. Il retient que cet argument est inopérant puisque l'appelant s'est abstenu de critiquer la disposition du jugement déféré disant que la demande de M. [Z] est recevable et fondée mais sur les articles 1 et suivant de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher s'il existait un lien de dépendance entre les chefs de jugement portant sur la mise hors de cause des assureurs et le chef de jugement ayant tranché le régime de responsabilité applicable, la cour d'appel qui, au surplus, ne pourrait que constater l'absence d'effet dévolutif sur ce point, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. M. [Z] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes formées à l'encontre de la société Kiloutou et de la société Axa France IARD, intervenante forcée, prise « en sa qualité présumée » d'assureur de la société Kiloutou, alors « que les juges du fond doivent inviter les parties à présenter leurs observations dès lors qu'ils relèvent d'office un moyen, quel qu'il soit ; qu'en l'espèce, la cour, après avoir constaté qu'aucun transfert de garde de l'engin loué n'était intervenu en sa faveur et qu'il n'avait commis aucune faute inexcusable dans son usage, a néanmoins débouté M. [Z] de ses demandes d'indemnisation dirigées contre la société Kiloutou et son assureur, la société Axa France, au motif qu'il ne versait pas aux débats de contrat de location avec la société Kiloutou, qu'il n'établissait pas qu'elle fût venue aux droits du loueur d'origine, et qu'il ne démontrait pas que la société Axa France fût l'assureur de l'engin ; qu'en fondant sa décision sur un tel moyen qu'aucune des parties n'avait invoqué, pas même d'ailleurs la société Kiloutou dans ses écritures jugées irrecevables, sans les inviter préalablement à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16, alinéa 3, du code de procédure civile :

13. Il résulte de ce texte que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations.

14. Pour débouter M. [Z] de ses demandes, l'arrêt retient qu'il ne verse pas aux débats de contrat de location avec la société Kiloutou, qu'il n'établit pas qu'elle soit venue aux droits du loueur d'origine, et qu'il ne démontre pas que la société Axa France IARD soit l'assureur de l'engin.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fondé sa décision sur un moyen relevé d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

16. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur du syndicat de copropriété du [Adresse 7], la société Allianz, en sa qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 7], et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit M. [Z] irrecevable en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige et les modalités de fixation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, en ce qu'il confirme le jugement ayant mis hors de cause les sociétés Axa France IARD et Allianz en leurs qualités d'assureurs des syndicats de copropriétaires du [Adresse 7], et en ce qu'il déboute M. [Z] de ses demandes formées à l'encontre de la société Kiloutou et de la société Axa France IARD, intervenante forcée, prise « en sa qualité présumée » d'assureur de la société Kiloutou, l'arrêt rendu le 10 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon, ainsi que les chefs de dispositif relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Axa France IARD, en qualité d'assureur du syndicat de copropriété du [Adresse 7], la société Allianz, en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 7], et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7], le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7], la société Allianz, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Franche-Comté anciennement dénommée RSI de Franche-Comté, la société Axa France IARD prise en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 7], la société Axa France IARD prise en qualité d'assureur de la société Kiloutou et la société Kiloutou aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 7], de la société Allianz et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7], de la société Kiloutou et de la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur de la société Kiloutou, et les condamne à payer à M. [Z] la somme globale de 3 000 euros ;

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