jeudi 4 août 2022

Seules les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont soumises à la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juillet 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 781 F-B

Pourvoi n° U 21-11.601




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022

Mme [I] [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-11.601 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Allianz France, société anonyme,

2°/ à la société Allianz vie, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

3°/ à la société Gan patrimoine, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [M], de Me Bouthors, avocat de la société Gan patrimoine, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat des sociétés Allianz France et Allianz vie, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 décembre 2020), Mme [M], qui soutenait avoir souscrit, par l'intermédiaire d'un mandataire, [G] [T], divers contrats auprès de la société Gan capitalisation, aux droits de laquelle vient la société Gan patrimoine (la société Gan), a assigné celles-ci afin d'ordonner une expertise judiciaire destinée à vérifier la validité des contrats d'épargne au porteur qu'elle détenait, à chiffrer le préjudice résultant de la fraude dont elle déclarait avoir été victime de la part de [G] [T] et à condamner la société Gan au paiement d'une certaine somme sur le fondement de l'article L. 511-1 du code des assurances.

2. Mme [M] a par la suite assigné en paiement de dommages-intérêts les sociétés Allianz vie et Allianz France (les sociétés Allianz), venant aux droits de la société AGF, auprès de laquelle elle soutenait avoir souscrit d'autres contrats.

3. Les instances ont été jointes.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

5. Mme [M] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les actions diligentées par elle contre la société Gan, alors :

« 1°/ que la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances s'applique aux seules actions dérivant d'un contrat d'assurance ; que le contrat de capitalisation n'est pas un contrat d'assurance ; que Mme [M] recherchait la responsabilité de la société Gan sur le fondement des articles L. 511-1 et suivants du code des assurances, en soutenant que son mandataire, [G] [T], lui avait remis des bons de capitalisation au porteur falsifiés et qu'il n'avait pas transmis à l'assureur les fonds qu'elle lui avait remis à charge de les verser sur ces supports ; qu'en appliquant la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances à une telle action qui ne mettait pas en cause un contrat d'assurance, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 114-1 du code des assurances et par refus d'application l'article 2224 du code civil ;

2°/ que la prescription biennale de l'article L. 114-2 du code des assurances s'applique aux seules actions dérivant d'un contrat d'assurance, ce qui suppose qu'elles mettent en cause les stipulations du contrat d'assurance ; que la cour d'appel relève que Mme [M] a engagé une action en responsabilité fondée sur l'article L. 511-1 du code des assurances, dans sa version résultant de l'ordonnance du 10 février 2016, contre l'assureur en tant que civilement responsable du dommage causé par la remise de faux bons de capitalisation et du détournement des sommes remises par son mandataire agissant en cette qualité ; qu'une telle action trouve sa source dans une tromperie du mandataire et ne met pas en cause les stipulations du contrat d'assurance ; qu'en décidant cependant que son action dérivait d'un contrat d'assurance, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 114-1 du code des assurances et par refus d'application l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 114-1 du code des assurances :

6. Il résulte de ce texte que seules les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont soumises à la prescription biennale qu'il prévoit.

7. Pour déclarer irrecevable l'action de Mme [M] contre la société Gan, l'arrêt, après avoir constaté que Mme [M] avait déposé au greffe, pour consultation, les originaux de plusieurs contrats de capitalisation dénommés Gan invest, Gan valeurs, Gan options et Gan CFE, retient qu'en l'espèce, Mme [M] recherche la responsabilité de la société Gan sur le fondement des articles L. 511-1 et suivants du code des assurances et du mandat, en soutenant que [G] [T] lui a remis des bons au porteur falsifiés et qu'il n'a pas transmis à la société Gan les fonds qu'elle lui avait remis à charge de les verser sur l'un des contrats d'assurance-vie.

8. L'arrêt ajoute que [G] [T] a reçu mandat de la société Gan aux fins notamment de développer la souscription des contrats de capitalisation de cette société, que des contrats d'épargne au porteur et d'assurance-vie ont ainsi été souscrits entre 1994 et 2002, par son intermédiaire, par Mme [M] et pour le compte de sa fille, et que des experts désignés par la société Gan ont confirmé que certains des bons qu'il avait délivrés étaient des faux.

9. L'arrêt en déduit que l'action exercée, qui ne vise pas uniquement à obtenir l'indemnisation de préjudices invoqués du fait de la remise de faux bons de capitalisation, mais plus globalement à indemniser l'ensemble des actes fautifs attribués à [G] [T], dérive d'un contrat d'assurance au sens de l'article L. 114-1 du code des assurances qui édicte une prescription biennale.

10. En statuant ainsi, alors d'une part, qu'elle constatait que certains des contrats en cause étaient des contrats de capitalisation, et non des contrats d'assurance, d'autre part, que l'action engagée contre l'assureur en qualité de civilement responsable, qui tendait à la réparation d'agissements frauduleux de son mandataire, était ainsi dépourvue de lien avec les stipulations d'un contrat d'assurance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action diligentée par Mme [M] à l'encontre de la société Gan patrimoine, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Condamne la société Gan patrimoine aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [M] contre la société Allianz vie et la société Allianz France et la demande formée par la société Gan patrimoine, et condamne la société Gan patrimoine à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros ;

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