vendredi 23 février 2018

Contrat d'architecte - exclusion de la solidarité

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 8 février 2018
N° de pourvoi: 17-13.596
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Boulloche, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à la société Top loisirs du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y... ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 décembre 2016), que la société Top loisirs, qui a entrepris la construction d'un groupe de cinquante villas, a confié le lot VRD à M. Y..., lequel a cédé son fonds de commerce à la société EGM Méditerranée ; qu'une mission de maîtrise d'oeuvre complète a été confiée à l'EURL Agence d'architecture F... D... (l'EURL), architecte assuré auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF) ; que les travaux n'ont pas été réceptionnés ; que, soutenant qu'elle avait payé des situations de travaux n° 5 et 6 sans être informée par l'entreprise ou l'architecte de la nature des travaux réalisés et que l'architecte avait établi un certificat de paiement récapitulatif faisant ressortir des paiements injustifiés, la société Top loisirs a, après expertise, assigné l'EURL, la MAF, la société EGM Méditerranée représentée par son liquidateur, et M. Y... en condamnation in solidum à lui payer différentes sommes au titre de travaux de reprise, d'un trop payé et d'un préjudice financier ;

Attendu que la société Top loisirs fait grief à l'arrêt de lui déclarer opposable la clause d'exclusion de solidarité de l'EURL, de déclarer celle-ci contractuellement responsable à concurrence de 20 % des désordres affectant l'ensemble immobilier, du trop payé aux entreprises et du préjudice financier, et de limiter la condamnation in solidum de l'EURL et de la MAF aux sommes de 27 488,82 euros au titre des travaux de reprise, 70 948,51 euros au titre du trop payé et 8 000 euros au titre de la provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice financier, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des contrats ; qu'en l'espèce, l'article 4.2 du contrat de maîtrise d'oeuvre de l'EURL d'architecture F... D..., intitulée « Assurance du maître d'oeuvre », stipulait que « le maître d'oeuvre est assuré en garantie décennale (ou biennale suivant le type d'ouvrage) auprès de la compagnie suivante : annexe 2. Le maître d'oeuvre n'assumera les responsabilités professionnelles définies par les lois et règlements en vigueur et particulièrement celles édictées par les articles 1792 et 2270 du code civil,
que dans la mesure de ses fautes professionnelles. Il ne pourra être tenu pour responsable, ni solidairement ni in solidum, des fautes commises par d'autres intervenants à l'opération ci-dessus visée » ; que cette clause tendait uniquement à exclure les conséquences de la responsabilité solidaire ou in solidum de l'architecte dans le cadre de la garantie légale de l'article 1792 du code civil ; qu'en retenant que si en application de l'article L. 111-20 du code de la construction et de l'habitation la clause ayant pour objet de limiter la responsabilité légale de l'architecte était réputée non écrite, en revanche, elle était licite dans le cadre d'une responsabilité contractuelle pour défaut de respect par l'architecte de son obligation de moyens, quand cette clause ne concernait pas la responsabilité contractuelle de droit commun de l'architecte, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette clause et violé l'article 1134 ancien du code civil applicable en l'espèce ;

2°/ que la clause stipulant que l'architecte ne sera responsable que dans la mesure de ses fautes professionnelles et ne pourra être tenu responsable, ni solidairement ni in solidum, des fautes commises par d'autres intervenants, ne fait pas obstacle à sa condamnation à indemniser
l'intégralité du préjudice subi par le maître de l'ouvrage in solidum avec les autres intervenants, dès lors qu'il a contribué, par ses propres fautes, à la réalisation de l'entier dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu à l'encontre de l'EURL d'architecture F... D... des fautes ayant contribué à la réalisation de l'entier préjudice de la société Top loisirs ; qu'en faisant application de cette clause pour ne retenir la responsabilité de l'EURL d'architecture F... D... à l'égard de la société Top loisirs qu'à hauteur du pourcentage de sa responsabilité dans ses rapports avec les autres intervenants, quand cette clause n'interdisait pas la condamnation de l'architecte à indemniser la société Top loisirs de l'intégralité du préjudice que ses propres fautes avait contribué à causer, quel que soit le partage de responsabilité effectué avec les autres intervenants, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 anciens du code civil applicables en l'espèce ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le contrat de maîtrise d'oeuvre stipulait que le maître d'oeuvre n'assumerait les responsabilités professionnelles que dans la mesure de ses fautes professionnelles, ne pouvant être tenu responsable, ni solidairement, ni in solidum, des fautes commises par d'autres intervenants, et retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de la clause litigieuse rendait nécessaire, que cette clause était licite au titre d'une responsabilité contractuelle pour défaut de respect par l'architecte de son obligation de moyens, la cour d'appel, qui a relevé que, l'EURL n'ayant pas délivré au titulaire du lot VRD l'ordre de service précisant les modalités d'exécution de sa prestation, il lui appartenait, au titre de sa mission de contrôle, de réagir en demandant à l'entreprise d'arrêter ces travaux prématurés, que l'architecte n'avait eu aucune réaction ainsi qu'en témoignaient les procès-verbaux de chantier et n'avait adressé aucune mise en demeure dans ce sens à l'entreprise, a pu en déduire que sa responsabilité contractuelle devait être retenue à hauteur de vingt pour cent ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Top loisirs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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