mercredi 14 février 2018

Interdiction de se contredire...

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 18 janvier 2018
N° de pourvoi: 16-22.869 16-25.198
Non publié au bulletin Rejet

M. Savatier (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Rousseau et Tapie, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Joint les pourvois n° P 16-22.869 et V 16-25.198 ;

Donne acte à la société La Riviera du désistement de son pourvoi n° V 16-25.198 en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Pacifica et SBJN ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 juin 2016), que la société SBJN, assurée auprès de la société Pacifica, est propriétaire d'un ensemble immobilier à [...] (Ain) qu'elle a loué à la société La Riviera, laquelle y a exploité un fonds de commerce de discothèque qu'elle a donné en location-gérance à la société Le Select le 23 septembre 2011 ; que suivant un avenant conclu le 31 octobre 2011 par l'intermédiaire de la société Transconseil assurances (la société TCA), courtier en assurances, l'assurance multirisques « des métiers de loisirs et de la nuit, et de leurs immeubles », initialement souscrite par la société La Riviera auprès de la société Alpha Insurance par l'intermédiaire du même courtier, a été transférée à la société Le Select ; que le 15 février 2012, un dégât des eaux est survenu au deuxième étage des locaux dans lesquels un incendie s'est déclaré la nuit suivante ; qu'après une expertise ordonnée en référé ayant conclu à une origine accidentelle de l'incendie, la société Pacifica a versé à son assurée, la société SBJN, une indemnité de 157 380,63 euros ; que la société Alpha Insurance ayant refusé sa garantie, la société Le Select l'a assignée, ainsi que la société TCA, afin d'obtenir la condamnation de la première à exécuter le contrat ou, subsidiairement, celle de la seconde à réparer le préjudice découlant d'un manquement à son devoir d'information et de conseil ; que les sociétés La Riviera, SBJN et Pacifica sont intervenues volontairement à la procédure et ont formé des demandes à l'encontre des sociétés Le Select et Alpha Insurance ; que la société Le Select ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, son liquidateur judiciaire, la société MJ Synergie, est intervenu volontairement à l'instance d'appel ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° V 16-25.198 de la société La Riviera :

Attendu que la société La Riviera fait grief à l'arrêt de dire que la société Alpha Insurance ne doit pas sa garantie incendie à la société Le Select et de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les clauses des polices d'assurance édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ; que constitue une exclusion indirecte la condition qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque ; qu'en l'espèce, la police d'assurance souscrite auprès de la société Alpha Insurance conditionnait le droit à garantie du risque d'incendie à la circonstance que « Lorsque l'établissement est inoccupé, toutes les protections (déclarées ou autres) sont toujours en fonction, sans exception, toutes les portes intérieures et tous les exutoires, trappes, aérateurs sont fermés, tous les appareils et circuits sont hors tension, sauf : les protections électroniques, les groupes frigorifiques, l'éclairage ménager, les besoins des bureaux, les climatisations réversibles. » (avenant du 20 octobre 2011, annexe 3, § C, article 3.1.6) ; que dès lors que cette clause visait les circonstances de réalisation du risque, elle s'analysait comme une exclusion de la garantie dans le cas où toutes les protections existantes n'auraient pas été en fonction, tous les autres circuits hors tension, et toutes les ouvertures fermées ; que par suite, elle devait figurer en caractères très apparents dans la police d'assurance ; qu'en se bornant à relever que ces prescriptions étaient claires et lisibles, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 112-4 du code des assurances ;

2°/ que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ; que constitue une exclusion indirecte la condition qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque ; qu'en l'espèce, la police d'assurance souscrite auprès de la société Alpha Insurance conditionnait le droit à garantie du risque d'incendie à la circonstance que « Lorsque l'établissement est inoccupé, toutes les protections (déclarées ou autres) sont toujours en fonction, sans exception, toutes les portes intérieures et tous les exutoires, trappes, aérateurs sont fermés, tous les appareil et circuits sont hors tension, sauf : les protections électroniques, les groupes frigorifiques, l'éclairage ménager, les besoins des bureaux, les climatisations réversibles. » (avenant du 20 octobre 2011, annexe 3, § C, article 3.1.6) ; que dès lors que cette clause visait les circonstances de réalisation du risque, elle s'analysait comme une exclusion de la garantie dans le cas où toutes les protections existantes n'auraient pas été en fonction, tous les autres circuits hors tension, et toutes les ouvertures fermées ; que par suite, sa rédaction devait être formelle et ne pas donner lieu comme telle à interprétation ; qu'au regard pourtant de la multiplicité des situations que les expressions d'« établissement inoccupé » et de « protections électroniques » étaient susceptibles de recouvrir, cette clause appelait une nécessaire interprétation ; qu'en décidant le contraire, pour retenir que ces prescriptions étaient claires, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant, dans ses conclusions d'appel, soutenu que l'article 3.1.6 de l'annexe 3, § C, de la police d'assurance constituait une condition de la garantie, la société La Riviera n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec ces écritures ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal n° P 16-22.869 de la société MJ Synergie et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° V 16-25.198 de la société La Riviera, réunis :

Attendu que les sociétés MJ Synergie, ès qualités, et La Riviera font grief à l'arrêt de dire que la société Le Select a manqué à ses obligations contractuelles et que la société Alpha Insurance ne lui doit pas sa garantie incendie, alors, selon le moyen :

1°/ que la garantie d'un risque ne peut valablement être refusée par l'assureur sur le fondement de conditions stipulées en termes dépourvus de clarté, voire contradictoires, l'assuré n'ayant pu raisonnablement connaître l'étendue de l'assurance et se trouvant ainsi entretenu dans une illusion de garantie ; que, par ses dernières écritures d'appel, la société MJ Synergie, ès qualités, avait fait valoir, non seulement que l'article 3.1.6 de l'annexe 3 de l'avenant à la police d'assurance litigieuse – indiquant que lorsque l'établissement était inoccupé, tous appareils et circuits devaient être hors tension, sauf notamment les protections électroniques –, ne définissait pas les termes d'« établissement inoccupé » et de « protections électroniques » –, mais aussi que cet article entrait en contradiction avec l'article H des conditions générales concernant la garantie dégât des eaux, précisant que tout appareil non vidangé devait être placé en position hors gel, ce qui supposait précisément un maintien sous tension, de sorte que l'assurée, la société Le Select, n'avait pu raisonnablement connaître l'étendue de la garantie sollicitée ; qu'en s'expliquant seulement, pour estimer néanmoins que la société Le Select avait manqué à ses obligations contractuelles, sur le sens supposé de l'expression d'établissement inoccupé et non sur celui de l'expression de protections électroniques, et en s'abstenant de toute recherche sur l'existence, ou non, d'une contradiction entre les deux stipulations sus rappelées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'en application d'une police d'assurance multirisques, la garantie d'un risque ne peut valablement être refusée par l'assureur sur le fondement de conditions tenant à la mise en oeuvre, par l'assuré, de mesures de prévention ou de protection qui ne sont pas de nature à écarter le risque concerné ; qu'en retenant, après avoir pourtant relevé que l'incendie était d'origine accidentelle, qu'entraînait l'absence de garantie le prétendu irrespect de l'une seule des conditions stipulées par la police d'assurance multirisques litigieuse, sans distinguer entre les mesures de prévention et de protection de nature, ou non, à écarter le risque concerné, savoir un incendie d'origine accidentelle et non criminelle, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que les conditions limitant la garantie due par l'assureur doivent être rédigées de façon claire et précise de sorte à ne pas laisser l'assuré dans l'incertitude d'une interprétation quant à l'étendue de son droit à indemnisation ; qu'en l'espèce, la police d'assurance souscrite auprès de la société Alpha Insurance conditionnait le droit à garantie du risque d'incendie à la circonstance que l'ensemble des « protections électroniques » soient mises en fonction dès lors que l'établissement est « inoccupé » (avenant du 20 octobre 2011, annexe 3, § C, article 3.1.6) ; que dès lors que ces expressions étaient susceptibles de recouvrir différentes situations, elles appelaient une interprétation nécessaire empêchant l'assuré de connaître avec précision l'étendue de la garantie qui lui était due ; qu'en décidant le contraire, pour retenir que ces prescriptions étaient claires, simples, dépourvues de termes techniques, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que plusieurs des prescriptions de sécurité à observer par l'assurée et non seulement celle figurant à l'article 3.1.6 de l'annexe 3, § C, de la police d'assurance, qui apparaissaient clairement et lisiblement sur cette annexe 3 et qui constituaient des conditions de la garantie incendie multirisque, n'avaient pas été respectées, et exactement retenu que, tel que mentionné à la fin de cette annexe, le non-respect d'une seule de ces conditions entraînait l'absence de garantie, peu important que la condition non respectée n'ait eu aucune incidence sur la réalisation du risque, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche visée à la première branche du moyen que ses constatations et énonciations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, dont la troisième branche s'attaque à un motif surabondant, n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° V 16-25.198 de la société La Riviera :

Attendu que la société La Riviera fait grief à l'arrêt de dire que la société Alpha Insurance ne doit pas sa garantie incendie à la société Le Select et de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que les conditions venant restreindre la garantie due par l'assureur doivent être suffisamment limitées pour ne pas vider le contrat d'assurance de sa substance ; qu'en l'espèce, la société La Riviera faisait valoir que la multiplicité des conditions posées par la société Alpha Insurance à sa garantie privait de fait la société Le Select de toute possibilité d'obtenir la garantie de son assureur ; qu'en se bornant à observer en réponse que les conditions non respectées par la société Le Select n'engendrent pas une illusion de garantie, sans vérifier, comme il lui était demandé, si l'ensemble des conditions imposées par l'assureur, y compris celles respectées par l'assurée, n'aboutissaient pas à priver cette dernière de toute possibilité d'obtenir la garantie de la société Alpha Insurance, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1131 et 1134 du code civil dans leur rédaction applicable en l'espèce ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que l'ensemble des conditions contractuelles qui, s'agissant des prescriptions propres à la garantie incendie multirisque, figuraient « de manière concentrée sur deux pages » de l'annexe 3 du contrat d'assurance, n'avait rien de contradictoire et n'engendrait pas une illusion de garantie, et ainsi fait ressortir que l'assurée n'était pas privée de toute possibilité d'être garantie, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal n° P 16-22.869 de la société MJ Synergie :

Attendu que la société MJ Synergie, ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire que la société TCA n'a pas manqué à son obligation de conseil et d'information à l'égard de la société Le Select, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un intermédiaire d'assurance manque à son obligation d'information et de conseil s'il crée une illusion de garantie aux yeux de l'assuré ; qu'il en est ainsi lorsque ce dernier n'est pas éclairé sur le sens de conditions de garantie stipulées en termes dépourvus de clarté, voire contradictoires, l'assuré n'ayant pu raisonnablement connaître l'étendue de l'assurance et se trouvant ainsi entretenu dans une illusion de garantie ; que, par ses dernières écritures d'appel, la société MJ Synergie, ès qualités, avait fait valoir que l'article 3.1.6 de l'annexe 3 de l'avenant à la police d'assurance litigieuse – indiquant que lorsque l'établissement était inoccupé, tous appareils et circuits devaient être hors tension, sauf notamment les protections électroniques –, ne définissait pas les termes d'« établissement inoccupé » et de « protections électroniques » –, et que la société TCA n'avait pas éclairé l'assurée, la société Le Select, sur le sens de ces termes, dépourvus de clarté ; qu'en s'expliquant seulement, pour estimer néanmoins que la police d'assurance et l'avenant étaient clairs et que la société TCA n'avait pas manqué à son obligation d'information et de conseil, sur le sens supposé de l'expression d'établissement inoccupé et non sur celui de l'expression de protections électroniques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 520-1, II, du code des assurances, ensemble les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'en se bornant, pour écarter tout manquement de la société TCA à ses obligations d'information et de conseil, à relever que la police d'assurance et l'avenant étaient clairs et qu'un questionnaire avait été soumis à la société Le Select, sans vérifier d'une manière circonstanciée, comme elle y avait pourtant été invitée par les dernières écritures d'appel de la société MJ Synergie, ès qualités, si la société Le Select, locataire-gérante du fonds de commerce appartenant à la société La Riviera, avait bien, lors de la conclusion de l'avenant, été éclairée sur l'adéquation à ses besoins de garanties soumises aux conditions litigieuses et sur les mesures pratiques à adopter pour y satisfaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 520-1, II, du code des assurances, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'ayant constaté, par motif adopté, que l'adéquation de la police souscrite à la situation de la société Le Select avait été vérifiée au moyen d'un questionnaire écrit et précis, et retenu que l'ensemble des prescriptions à observer par l'assurée, qui n'étaient pas contradictoires, apparaissait clairement et lisiblement sur la police d'assurance et ses annexes, la cour d'appel, qui a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, qu'à leur seule lecture, l'assurée connaissait exactement les conditions auxquelles elle devait satisfaire pour que la garantie prenne effet, de sorte qu'elle n'avait pas à être mieux éclairée sur ces stipulations, et qui a pu en déduire que la société TCA n'avait pas manqué à son devoir d'information et de conseil, a légalement justifié sa décision ;

Sur les deux moyens du pourvoi incident n° P 16-22.869 de la société Pacifica, tels que reproduits en annexe :

Attendu que les deux premiers moyens du pourvoi principal n° P 16-22.869 de la société MJ Synergie, ès qualités, étant rejetés, les griefs, invoquant une cassation par voie de conséquence, sont sans portée ;

D'où il suit qu'ils ne peuvent être accueillis ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° V 16-25.198 de la société La Riviera, pris en ses première, troisième et quatrième branches :

Attendu que la société La Riviera fait grief à l'arrêt de dire que la société TCA n'a pas manqué à son obligation d'information et de conseil tant à son égard qu'à celui de la société Le Select et de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'intermédiaire en assurance est tenu d'éclairer l'assuré sur l'adéquation à sa situation personnelle des risques couverts par les stipulations du contrat d'assurance, fussent-elles claires et précises ; qu'en estim

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