mardi 16 mars 2021

Responsabilité décennale - responsabilité délictuelle et impropriété à la destination

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 192 F-D

Pourvoi n° E 19-18.319










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

La société Constructions métalliques Daussy, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-18.319 contre l'arrêt rendu le 23 avril 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Kdi immobilier, société par actions simplifiée,

2°/ à la société Knoeckler Metals France, anciennement dénommée société Kdi,

ayant toutes deux leur siège [...] ,

3°/ à M. D... O..., domicilié [...] ,

4°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Constructions métalliques Daussy, de la SCP Boulloche, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Didier et Pinet, avocat des sociétés Kdi immobilier et Knoeckler Metals France, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Constructions métalliques Daussy (la société Daussy) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. O....

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 avril 2019), la société Kdi immobilier a entrepris la construction d'un bâtiment à usage industriel, qu'elle a donné à bail à la société Kdi, aujourd'hui dénommée Knoeckler Metals France (la société Knoeckler).

3. Elle a confié la maîtrise d'oeuvre à M. O... et la construction de la charpente métallique à la société Daussy, assurée au titre de sa responsabilité décennale par la société Axa France IARD (la société Axa). Des ponts roulants ont été installés dans le bâtiment par une société tierce.

4. Après la réception de l'ouvrage, l'exploitant s'est plaint de désordres affectant la charpente métallique et les ponts roulants. Les sociétés Kdi immobilier et Kdi ont assigné M. O... et les sociétés Daussy et Axa en indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société Daussy fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme à la société Kdi immobilier, alors :

« 1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant d'office, pour condamner la société Daussy à payer à la société Kdi immobilier une certaine somme, que les ponts roulants et les voies sur lesquelles ils circulaient étaient manifestement des éléments d'équipement dont la fonction exclusive était de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage, de sorte qu'ils ne relevaient pas de la garantie décennale, soit en faisant application de l'article 1792-7 du code civil, sans inviter, au préalable, les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; qu'en toute hypothèse, en se fondant sur les dispositions de l'article 1792-7 du code civil, issu de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 applicable aux marchés, contrats ou conventions conclus après sa publication, soit le 9 juin 2005, en l'état d'un contrat dont elle avait constaté qu'il avait été passé en 2001, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Ayant relevé que le fonctionnement des ponts roulants avait présenté des anomalies dues aux voies de roulement, mais n'avait pas été interrompu au cours des dix années ayant suivi la réception, la cour d'appel a souverainement retenu que les désordres les affectant ne rendaient pas l'ouvrage impropre à sa destination.

7. Elle en a déduit à bon droit, abstraction faite de motifs surabondants, que ces désordres ne relevaient pas de la responsabilité décennale du constructeur.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.






Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société Daussy fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme à la société Kdi, devenue Knoeckler, alors :

« 1°/ que la cassation à intervenir, sur le premier moyen, du chef ayant condamné la société Daussy à payer un certaine somme à la société Kdi immobilier, entraînera l'annulation, par voie de conséquence, du chef ayant condamné la société Daussy à payer à la société Kdi une autre somme, chefs qui se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire, et ce en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile ;

2°/ que toute faute contractuelle n'est pas nécessairement délictuelle à l'égard des tiers ; qu'au demeurant, en retenant, pour condamner la société Daussy à payer une certaine somme à la société Kdi, que c'était à juste titre que la société Kdi faisait valoir que l'inexécution contractuelle des obligations de la société Daussy vis-à-vis de la société Kdi immobilier constituait vis-à-vis d'elle-même une faute susceptible d'engager à son profit la responsabilité délictuelle de la société Daussy, sans dire en quoi l'inexécution contractuelle reprochée à la société Daussy vis-à-vis de la société Kdi Immobilier constituait une faute délictuelle à l'égard de la société Kdi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

10. D'une part, la cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.

11. D'autre part, il résulte de l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article 1382, devenu 1240, du même code que le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu'il subit n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi-délictuelle distincte de ce manquement.

12. La cour d'appel, après avoir caractérisé les manquements de la société Daussy dans l'exécution du contrat de construction, a retenu que ces manquements étaient la cause des dommages subis par la société Kdi, devenue Knoeckler.

13. Elle en a exactement déduit, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la responsabilité délictuelle du constructeur était engagée à l'égard de la locataire.

14. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Daussy aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Constructions métalliques Daussy à payer aux sociétés Kdi immobilier et Knoeckler Metals France la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

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