mardi 16 mars 2021

Intervention réparatoire nuisible et principe de réparation intégrale

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 241 FS-P

Pourvoi n° E 19-25.702




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

La société Aviva assurances, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-25.702 contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2019 par la cour d'appel de Limoges, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Uretek France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ à Mme T... W..., épouse V..., domiciliée [...] ,

3°/ à M. B... C... O..., domicilié [...] ,

4°/ à M. L... O..., domicilié [...] ,

5°/ à Mme G... O..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.
La société Uretek France a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi provoqué éventuel contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi provoqué éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Aviva assurances, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Uretek France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme W..., de MM. B... C... et L... O..., de Mme O..., et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques et Boyer, Mme Abgrall, M. Jobert, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 26 septembre 2019), Mme V..., M. B... C... O..., M. L... O... et Mme O... (les consorts V... O...) sont propriétaires d'une maison, dont la construction, achevée en 1998, a été réalisée par deux entreprises aujourd'hui en liquidation judiciaire.

2. En 2005-2006, se plaignant de fissurations et d'un affaissement du sol, les consorts V... O... ont confié des travaux de reprise à la société Temsol, assurée auprès de la société SMA.

3. En 2008, compte tenu de la persistance des désordres, la société Uretek France (la société Uretek), assurée auprès de la société Aviva assurances (la société Aviva), est intervenue pour réaliser des injections de résine expansive.

4. Après expertise, les consorts V... O... ont assigné la société Uretek et son assureur en indemnisation sur le fondement de la garantie décennale.
Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. La société Aviva fait grief à l'arrêt de dire qu'elle doit sa garantie à la société Uretek, condamnée à payer aux consorts V... O... diverses sommes en réparation de leurs préjudices, alors « que la garantie décennale d'un constructeur ne peut pas être mise en oeuvre pour des désordres qui ne sont pas imputables à son intervention ; qu'après avoir pourtant relevé que la reprise réalisée par la société Uretek tendait à remédier à des désordres qui étaient à l'origine de fissurations évolutives et que l'expert avait constaté que les injections réalisées n'avaient apporté aucun remède, les fissures demeurant évolutives, la cour d'appel retient que les travaux de réparation réalisés par la société Uretek auraient aggravé les désordres et auraient été à l'origine de l'apparition de nouveaux désordres ; qu'en statuant par voie de simple affirmation relativement à l'imputabilité de l'aggravation ou de l'apparition de fissures à l'intervention de la société Uretek qui ne résulte pas du rapport d'expertise et sans autrement s'en expliquer, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a constaté, d'une part, que la société Uretek était intervenue en 2008 pour effectuer deux séries de travaux de reprise destinés à remédier au manque de stabilité de l'ouvrage et ayant consisté en la stabilisation et le relevage du dallage et en des injections sous fondations, d'autre part, que ces travaux avaient été réceptionnés les 25 octobre et 9 décembre 2008.

7. Elle a relevé que, selon l'expert, ces travaux avaient été inopérants dès lors que la stabilité du dallage n'était pas acquise et que les injections réalisées n'avaient apporté aucun remède, les fissures demeurant évolutives et la stabilité des murs périphériques n'étant pas obtenue, et que la cause de cette défaillance tenait à la faible profondeur des injections réalisées par la société Ureteck et à un maillage insuffisant, aucune conception générale de réparation n'ayant été élaborée.

8. Elle a également relevé que la reprise infructueuse réalisée par la société Uretek tendait à remédier à des désordres compromettant la solidité de l'ouvrage puisqu'ils en affectaient la stabilité et étaient à l'origine de fissurations évolutives et que l'expert précisait à ce sujet que certaines fissures présentaient des aggravations et que de nouvelles fissurations étaient apparues.

9. Ayant retenu, par une décision motivée, que les désordres initiaux n'étaient pas de nature à constituer une cause étrangère de nature à exonérer la société Ureteck dont la garantie décennale se trouvait engagée en raison de ses travaux de réparation qui, non seulement n'avaient pas permis de remédier aux désordres initiaux, mais avaient aggravé ceux-ci et étaient à l'origine de l'apparition de nouveaux désordres, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la responsabilité de la société Ureteck était engagée pour l'ensemble des désordres de nature décennale.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la société Uretek qui n'est qu'éventuel, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Aviva assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Aviva assurances à payer aux consorts V... O... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

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